Parasha – 203 – Behar – Be’houkotaï – 5785

בס »דב

Les deux Parachiot que nous lisons ce Chabat, Behar et Be’houkotaï, constituent la conclusion du Sefer Vayikra qui est dédié à la Présence de Hachem au sein du Peuple Juif, à travers le Michkan (le Tabernacle), puis dans le Beth HaMikdach (le Temple) à Yerouchalaïm.

Au fil des Divré Torah, des Parachiot de ce Sefer, nous avons souligné que la Présence de Hachem n’est pas limitée « géographiquement » au Michkan et au Beth HaMikdach. 

Le Michkan et le Beth HaMikdach servent de point de référence, mais l’essentiel de la Présence de Hachem s’exprime par le verset : « Et Ils Me feront un Mikdach et Je résiderai en leur sein » (Chemot 25, 8).  Nos ‘Hakhamim soulignent la différence entre le terme : « Betokham » (en leur sein) employé ici, et : « Betokho » (en son sein). Hachem réside au sein-même des Bené Israël.

La Paracha Behar commence avec les lois relatives à la Chemita (l’année Chabatique) au cours de laquelle les activités agricoles sont limitées, et les produits de la terre qui ont poussé pendant l’année de la Chemita sont permis à tous et interdits de « commerce ».

La suite de la Paracha décrit les catastrophes successives qui s’abattent sur celui qui a transgressé l’interdit de la Chemita en faisant « commerce » des fruits de la Chemita (Rachi Vayikra 26, 1). C’est l’illustration de l’application de la conscience de la Présence de Hachem dans le quotidien de nos activités économiques.

La Paracha Be’houkotaï augmente l’exigence d’un vécu empreint de la conscience de la Présence de Hachem dans tous les aspects de notre existence. La première partie de la Paracha oppose les deux démarches de la soumission complète à l’attente de Hachem (26, 3-13), avec ses conséquences favorables, ou faillir à cette attitude avec les enchainements tragiques qui s’ensuivent (14-43).

L’engagement dans le lien avec Hachem est résumé en trois termes : « Si vous allez dans Mes décrets, et que vous gardez Mes Mitsvot et que vous les accomplissez … » (26, 3).

Rachi cite le Midrach (Sifra Be’houkotaï 2) : « Il pourrait s’agir de l’accomplissement des Mitsvot ? Lorsque (le verset) dit « et vous garderez Mes Mitsvot » voici l’accomplissement des Mitsvot est dit ! A quoi appliquer  » Si vous allez dans Mes décrets » ? Que vous vous efforciez dans (l’étude de) la Torah ! »

Les conséquences favorables d’un tel engagement sont considérables : « Je donnerai vos pluies en leur temps … Je mettrai le Chalom dans la Terre … Vous poursuivrez vos ennemis … Je Me tournerai vers vous, et Je vous ferai fructifier … et J’établirai Mon alliance avec vous … Je mettrai Ma résidence en votre sein … Je suis Hachem votre Dieu Qui vous a sortis du pays d’Egypte … ». Toutes ces Berakhot découlent du premier « pas »  » Si vous allez dans Mes décrets … » (4-13).

A l’inverse, la Torah nous met en garde : « Et si vous ne M’écoutez pas ; et vous n’accomplissez pas toutes ces Mitsvot ; et si vous vous dégoutez de Mes décrets ; et si votre personne rejette Mes lois ; pour ne pas accomplir ; toutes Mes Mitsvot ; pour que vous renversiez Mon alliance … » (14-15).

Rachi explique ici (fin du commentaire 26, 15) l’enchainement de la « dégringolade » de l’homme ou de la collectivité en sept étapes, la première faute entrainant la seconde et ainsi jusqu’à la septième ; et les voici : ne pas apprendre, ne pas accomplir, se dégoûter des autres qui accomplissent, se dégoûter des ‘Hakhamim (qui enseignent la Torah), empêcher autrui (d’accomplir), renier les Mitsvot, nier le principe essentiel (le lien avec Hachem) ! ».

Ces étapes de la déchéance s’enchainent de niveau en niveau dans la suite de la Paracha, entrainant des conséquences s’aggravant au fil de la « dégringolade » !

Une lecture rapide, superficielle de ces Parachiot laisserait une impression « commerciale » des enjeux ! Si vous voulez « réussir », alors obéissez Moi ! Sinon, les sanctions s’abattront …

Toutefois une telle approche n’est pas envisageable même un seul instant !

HaKadoch Baroukh Hou, Le Tout Puissant, n’a pas besoin de nous et de notre Avoda (le Service des Mitsvot) pour qu’Il doive « marchander » avec nous. Un tel regard faux provient d’une vision du monde empreinte de la « loi de la jungle » qui semble régenter la vie de l’humanité, comme le reste du fonctionnement « naturel » de notre environnement.

En réalité s’affrontent ici deux conceptions diamétralement opposées du monde. La suite des avatars qui s’abattent sur notre Peuple dans le cas d’un écart de la volonté de Hachem est introduite, étape par étape par la notion de « hasard ». « Si vous allez avec Moi « bekèri » (avec « accident ») (26, 23), c’est-à-dire en considérant chaque évènement comme accidentel, avec le même regard que les non-juifs qui ne reconnaissent pas la Présence du Créateur dans l’Histoire. Tout comme les « cultures » antiques croyaient à l’influence de diverses forces qui pouvaient favoriser ou enrayer leur sécurité matérielle et leur dédiaient un culte pour les amadouer, ainsi la « religion » de l’évolution, qui croit au hasard des péripéties du monde, et cherche à maitriser les mécanismes de la nature, vit dans un perpétuel « combat » pour atteindre à l’efficacité dans le « Hard struggle for life » (« dur combat pour la vie ») …

C’est au rejet catégorique d’une telle démarche que la Torah nous appelle !

Hachem nous propose, individuellement et collectivement, une alliance qui implique un engagement total !

Il ne s’agit plus d’essayer de « négocier » des « arrangements » comme dans les religions !

Le respect des Mitsvot n’est pas le « prix à payer » pour la sécurité matérielle personnelle ou « nationale » !

Les « bénéfices » de l’engagement envers Hachem nous sont énoncés ainsi : « Je placerai Ma « résidence » dans votre sein … Et Je cheminerai parmi vous et Je serai pour vous « Elokim » (Dieu, Qui régente le fonctionnement de l’existence), et vous serez pour Moi un Peuple » (26, 11-12). Nous voyons ici un lien sans restriction de Hachem envers nous !

A l’opposé, l’amorce du déclin débute par ces paroles : « Et si vous ne M’écoutez pas … » (26, 14).

Rachi explique que symétriquement au premier verset de l’engagement envers Hachem où il s’agit d’effort dans l’étude de la Torah, ici la première étape du déclin consiste en l’abandon de cet effort. A ce stade, il n’est pas encore question de négligence des Mitsvot. Cependant le verset dit déjà « Li » « à Moi », que Rachi explique comme signifiant une conscience d’être « face à Hachem », et néanmoins se dérober à l’obligation de dévouement total. C’est déjà une forme de rébellion. Et en réalité, il n’y a qu’à ce niveau que peut se comprendre une véritable « rébellion », car aux étapes suivantes, inférieures, l’homme n’est déjà plus vraiment conscient de la Présence de Hachem face à lui, pour qu’on puisse le définir comme délibérément rebelle.

Tout en s’adressant à la collectivité, la Paracha Behar décrit les évènements particuliers qui interpellent l’individu, comme Rachi l’explique à la fin de la Paracha (26, 1). Il s’agit là-bas de la sécurité financière individuelle. La Paracha Be’houkotaï, elle, développe non seulement les conditions de vie économiques, mais aussi la sécurité nationale face aux ennemis.

Le Ramban explique (26, 11) que les Berakhot de la Paracha Be’houkotaï destinées à couronner l’engagement sans réserve d’Israël envers Hachem ne se sont jamais réalisées pleinement, car nous n’avons jamais atteint cet apogée dans notre relation à Hachem.  Elles sont destinées à s’accomplir dans leur plein épanouissement lorsque nous assumerons enfin notre identité de « fils » fidèles de Hachem.

Les péripéties de la Galout (Exil) qu’annonce la Paracha en conséquence de nos manques visent à nous réveiller et à nous amener au sommet tant attendu de conscience collective de notre identité. Dans le Monde imparfait actuel, le Ramban dit qu’une telle grandeur est accessible aux individus de haut niveau dont l’existence est accompagnée de Nissim (Miracles) voilés. Ils n’ont pas à recourir aux processus naturels généraux dans leur vie qui s’articule sur leur lien profond avec Hachem. C’est l’application permanente du principe exprimé par le verset : « Et tu sauras ce jour, et tu ramèneras à ton cœur que Hachem est Elokim (Dieu Qui dirige tous les évènements, grands ou petits …) … il n’y a rien encore (c’est-à-dire « il n’y a rien en dehors de Lui« ) ! » (Devarim 4, 39).

Le but de l’Histoire, avec toutes ses péripéties éprouvantes, est de nous amener à cette prise de conscience collective qui ne laissera pas place à la moindre ombre.

Rav Eliachiv (Divré Aggada, p.252) introduit la Paracha Be’houkotaï avec la Michna (Avot 5, 1) qui dit que Hachem fera payer aux Rechaïm (les mécréants) qui détruisent le Monde, et donnera une bonne récompense aux Tsadikim (les Justes) qui stabilisent le Monde …

Rav Eliachiv demande comment les Tsadikim participent à la pérennité du Monde. Il explique que de même que pour entretenir un objet quelconque, il faut faire appel à l’artisan approprié, menuisier, tailleur etc. … de même pour assurer l’existence du Monde, il faut utiliser « l’outil » de conception de la Création, la Torah, comme l’exprime le verset de Michlé (8, 30) développé par le premier Midrach sur la Torah (Beréchit Raba 1, 1). C’est donc exclusivement par l’étude de la Torah que peuvent se réaliser les Berakhot de prospérité et de sécurité de la Paracha.

Rav Eliachiv demande encore qui sont les Rechaïm qui détruisent le Monde ? Il répond à nouveau que ce sont ceux qui se détournent de l’étude de la Torah.

Il souligne que la Paracha nous décrit une « dégringolade » qui atteint la négation de l’existence de Hachem, après être passée par le dégoût de ceux qui respectent les Mitsvot, et le rejet des ‘Hakhamim qui les enseignent, puis l’activisme contre eux.

Rav Eliachiv poursuit en confrontant les deux premiers Psaumes de Tehilim, le premier dédié à celui qui se consacre totalement à l’étude de la Torah, et le second qui décrit l’agitation hostile des nations que Hachem jugulera. Rav Eliachiv s’étonne de ce que les ‘Hakhamim (Guemara Berakhot 9b) définissent ces deux Psaumes comme un seul ?! Il répond que c’est justement parce que la seule réponse à l’hostilité du Monde, la seule force d’Israël, réside dans ceux qui se consacrent entièrement à la Torah.

Ces textes, dans un livre édité il y a vingt ans, sont particulièrement d’actualité pour nous dans ces temps plus que troublés de tous points de vue !

Cette leçon s’adresse évidemment à chacun dans sa situation particulière :

-Depuis les ennemis jurés de la Torah qui n’ont de cesse d’œuvrer pour la « normalisation » d’Israël comme un pays « progressiste » parmi tant d’autres

-en passant par ceux qui ont choisi de considérer la Torah comme un code religieux qui ne doit trouver sa place que dans la vie privée, en marge des « obligations » nationales

– puis la masse de notre Peuple, pleine de Emouna, mais « otage » des slogans trompeurs.

 – et jusqu’enfin le « bastion » de ceux qui veulent rester intégralement fidèles au premier verset de la Paracha : « Si vous allez dans Mes décrets … » de placer tous les efforts dans l’étude de la Torah.

A chaque niveau ses épreuves : les uns doivent changer radicalement d’attitude face à la Torah … Mais même ceux qui dédient leur existence à l’étude doivent parvenir à assainir leur regard sur le quotidien et ne pas se laisser impressionner par le regard de « la rue » (traduisons « la presse » …).

Une anecdote pittoresque illustre bien cette question : Rav Matityahou Salomon z »l, Machguia’h (responsable spirituel) de la Yechiva de Gateshead (Angleterre), puis de la Yechiva de Lakewood (USA), arriva en Erets Israël comme jeune élève de Yechiva à 17 ans, dans une période troublée. C’était un moment de guerre, et la consigne était que les élèves des Yechivot évitent la confrontation avec le monde environnant hostile. Ignorant ce fait, le jeune Matityahou monta dans un autobus, où son voisin, à l’allure de Kiboutsnik, s’empressa de l’interpeller en le traitant de « traitre ». Etonné face à cette invective, l’homme l’accusa de rester à l’abri dans sa Yechiva pendant que « nos jeunes sont au front pour nous protéger »… Le jeune homme ne se laissa pas impressionner, et répondit que là d’où il venait, à la Yechiva de Gateshead, le Roch Yechiva avait réuni les Ba’hourim, et leur avait dit : « Nos frères en Erets Israël sont en danger ! Certains sont au front pour combattre. Nous aussi, nous devons assumer notre part d’effort face à ce danger, et nous lever plus tôt pour ajouter à notre étude ».

Le jeune homme conclut en disant à son interlocuteur : « Si j’arrivais à côté de ton tank en chevauchant un vélo, et armé d’un arc, tu pourrais au maximum me traiter de fou, mais pas m’accuser d’être un traitre ! « 

Le « Kiboutsnik », qui était en réalité un professeur d’université, répondit, vaincu, « non, tu n’es pas fou ! » …

Le Sefer Vayikra nous a ainsi amené à son apogée qui doit nous montrer le chemin de la Gueoula ultime.

Face à ce qui nous semble une situation « sans issue », sachons retrouver notre « bon-sens » de Fils de Hachem, et tournons-nous enfin vers Lui sans restriction !