Parasha – 200 – Tazria – Metsora – 5785

בס »ד

Ce Chabat, nous lisons les deux Parachiot Tazria et Metsora.

Ces deux Parachiot traitent de diverses situations qui génèrent un état de Touma (Impureté). Les premiers versets de la Paracha Tazria traitent de l’impureté de la femme consécutive à une naissance (Vayikra 12, 1-8), puis un long passage décrit les diverses plaies de la peau, définies comme « Tsaraat » (13, 1-46). Viennent ensuite les « plaies » de Tsaraat touchant aux tissus (13, 47-59) avec lesquelles s’achève la Paracha Tazria.

La Paracha Metsora s’ouvre ensuite avec les règles du processus de purification du Metsora (l’homme affligé d’une Tsaraat) (14, 1-32). Puis le passage de la Tsaraat des murs d’une maison (14, 33-53).

La Torah conclut ces lois en regroupant globalement dans une même définition les trois sortes de Tsaraat, du corps, des tissus, et de la maison (54-57). Puis la Paracha décrit les différents écoulements corporels qui communiquent la Touma (15, 1-33).

La place de ces lois après le début du Sefer Vayikra qui est dédié au centre le plus élevé de grandeur spirituelle, le Michkan (Tabernacle), où on apporte les offrandes qui renforcent notre lien avec Hachem interpelle !

Comment comprendre qu’on « retombe » si bas, dans des comportements qui amènent sur l’homme une dimension de Touma, après l’apogée de l’élévation ?!

Le Sefer Vayikra, appelé par nos ‘Hakhamim « Torat Cohanim », ne mènerait-il pas à « plus que ça » ?!

Telle pourrait être la pensée qui nous vient à l’esprit.

Mais considérons les Commentaires de nos Grands Maitres sur ces Parachiot qui nous éclaireront sur ces questions « dérangeantes » …

Le Ramban souligne (13, 47), en introduction à son explication relative à la Tsaraat du tissu, qu’un tel phénomène n’a rien de naturel, de même la Tsaraat des maisons. Toutefois lorsque les Bené Israël sont entiers dans leur lien avec Hachem, Hachem veille sur eux en permanence et maintient leur corps, leurs vêtements et leurs maisons dans le meilleur aspect.

Mais lorsque l’un d’entre eux en vient à fauter, un défaut apparait dans sa chair, dans son vêtement ou dans sa maison, pour manifester que Hachem S’est retiré de lui. C’est ce qu’exprime le verset (14, 34) : « Je mettrai une plaie de Tsaraat dans la maison du pays de votre possession ». Ce verset montre que ce fait vient directement de Hachem, et ne se manifeste qu’en Erets Israël, le pays que Hachem nous a donné pour y vivre dans un contact particulier avec Lui.

Sforno développe pareillement (13, 47) que sans aucun doute le phénomène de la Tsaraat des vêtements n’a rien de naturel. Une décoloration pourrait apparaitre seulement dans un tissu teint, par dégradation du colorant. Or, selon la règle de la Torah, la Tsaraat des tissus n’est diagnostiquée que dans un tissu blanc qui n’a reçu aucune teinture !

Il explique donc que ce n’est qu’un phénomène miraculeux destiné à attirer l’attention de l’homme sur les fautes qu’il a commises.

Il compare ce fait à l’enchainement d’avatars décrit dans la Paracha Behar (Vayikra 25, 14-26, 2), qui s’abat sur celui qui a trébuché dans le respect de la Chemita (la septième année, l’année Sabbatique où les produits de la terre ne peuvent pas être commercialisés).

Sforno souligne que ces « pénalités » témoignent de la miséricorde Divine particulière envers ceux qui respectent Ses Mitsvot. Le but de la Création de l’Homme est de lui donner l’aptitude à faire le choix de ses actes, « à l’image de son Créateur », dans la mesure où une telle comparaison est possible, de telle sorte que sa décision de s’ajuster à la Volonté de Hachem réalise ce but.

Les hommes des autres nations ayant tourné le dos à cette mission, seul le Peuple des descendants des Avot (nos Patriarches) s’est attaché à cette démarche. Le reste des hommes a été ainsi « abandonné » à son choix de vivre une existence apparemment soumise aux lois uniformes de la nature.

Même parmi les Bené Israël, seuls ceux qui adhèrent pleinement à cette perception du Monde ont accès aux « rappels à l’ordre » de Hachem que constituent les plaies de Tsaraat des diverses sortes. Sforno conclut en disant que les générations successives n’ayant pas rempli cette condition, il n’y a pas souvenir de la Tsaraat des maisons.

Ces commentaires nous rendent plus accessible la place de ces Parachiot en complément de la réalisation du Michkan (Tabernacle). Loin de s’adresser au « commun des mortels » pour les « châtier » de leurs méfaits, les enseignements relatifs à toutes les sortes de Touma (Impureté) sont destinés à nous amener à une conscience aigue de la véritable dimension du Monde dans lequel nous évoluons.

Le Ramban revient de nombreuses fois sur ce regard sur l’existence.

A la fin de la Paracha Bo (Chemot 13,16) le Ramban développe que le rôle des Nissim (Miracles) manifestes comme ceux qui ont accompagné la Sortie d’Egypte est d’éveiller notre attention aux Nissim « voilés » du quotidien. Nous voyons ainsi qu’aucun détail de notre existence individuelle ou collective ne relève de la nature. Mais tout évènement, grand ou petit, résulte de l’accomplissement ou de la négligence des Mitsvot de Hachem.

Il explique pareillement dans la Paracha Be’houkotaï (Vayikra 26, 11) que lorsque les Bené Israël sont dans leur majorité accomplis dans leur démarche dans le respect de la Volonté de Hachem leur existence n’est pas régie par la nature, ni collectivement ni individuellement. Même le moindre malaise doit, en principe, être considéré sous l’angle de notre relation avec Hachem. Le Ramban explique cependant qu’une telle approche n’est pas du niveau de chacun. Pour celui qui s’adresse au médecin lors d’un désordre de santé, le médecin intervient sans avoir à craindre d’aller à l’encontre de la Volonté Divine. Toutefois les exemples ne manquent pas de personnages d’exception de haut niveau qui vivaient individuellement selon l’objectif tracé par nos ‘Hakhamim.

Ces notions sont globalement de notoriété publique. Chacun de nous sait que le Monde reste totalement sous le contrôle précis de notre Créateur. Cependant, à chaque instant nous nous « activons » fébrilement pour « faire tourner le Monde ». Nous entretenons sans véritables complexes une dualité de conceptions : « au repos », nous prônons une confiance absolue en Hachem, allant dans ces moments « de grâce » jusqu’à critiquer vigoureusement les gens qui manquent de Emouna ou de son application pratique le Bita’hon. Mais dès l’instant suivant la fièvre de l’action nous reprend, et nous oublions toutes nos idées nobles.

Rabbi Yerou’ham Levovitz développe abondamment ce sujet (Daat Torah, p.85 et suivantes). Il rapporte les explications de Sforno, et il souligne que nos Parachiot témoignent de l’élévation d’Israël et de la Tahara (Pureté) qui caractérise notre Peuple. Comme il dit pour illustrer, sur un vêtement de soie, la moindre tache se remarque. En revanche, sur une toile grossière, les défauts légers ne choquent pas. Ainsi, un non-juif qui dit du Lachone Hara (médisance) ne sera pas atteint par la Tsaraat, tandis qu’un Juif qui commet la même faute est immédiatement frappé (dans la mesure du niveau de la génération comme l’a précisé Sforno …).

Rabbi Yerou’ham développe l’impact que doivent avoir les plaies de Tsaraat sur notre conscience du réel. Il souligne que de prime abord nous pensons comprendre la nature des éléments divers du monde qui nous entoure. Nous pensons savoir ce qu’est l’eau, le sang, la lumière, les ténèbres, un bâton, un serpent … Viennent alors les prodiges de l’intervention Divine en Egypte, et soudain le bâton n’est plus à nos yeux un simple bâton ; il s’est transformé en un véritable serpent. L’eau familière nous devient étrangère, après s’être transformée en sang dans le Nil. La frontière entre la lumière et les ténèbres, et la nature réelle des ténèbres deviennent brusquement troubles à nos yeux après la neuvième plaie d’Egypte etc. …

Rabbi Yerou’ham dit que par ces prodiges, Hachem nous prodigue une « leçon de choses », pour nous amener à sortir de notre regard profane sur le quotidien. Nous devons ainsi apprendre à voir la réalité d’un autre regard, et à nous détacher de nos a priori.

Si ces leçons sont efficaces sur nous, nous accédons ainsi à une approche vraie de l’existence, qui doit aboutir à une démarche totalement différente dans notre quotidien.

Sous l’angle de ces explications, nous découvrons soudain que ces Parachiot qui nous rebutaient et nous effrayaient sont en vérité une lumière Divine qui nous est octroyée à partir du Michkan (Tabernacle).

En considérant les accidents décrits ici dans la Torah, et pareillement toutes les péripéties de la vie, comme autant de « voyants lumineux » qui viennent attirer notre attention sur des « dysfonctionnements » de notre comportement, nous pouvons progresser vers l’édification du Michkan individuel qui doit couronner le Michkan collectif présent au centre de notre Peuple.

Nous voyons une illustration de cette gestion des Bené Israël par Hachem pendant les quarante ans dans le désert, où chacun trouvait la Manne plus ou moins près de sa tente selon son niveau spirituel du moment (Guemara Youma 75a).

Ainsi ces Parachiot ne sont donc pas, comme il apparaitrait de prime abord, en régression avec la noblesse du Michkan et de la Avoda (Service) qui y est accomplie. Au contraire, ces Parachiot visent à nous élever au niveau des Avot (Patriarches) et des générations les plus élevées, dont les moindres manquements étaient immédiatement « sanctionnés » pour les aider à « redresser la barre ».