Parasha – 20 YITRO 5782

La Paracha Yitro est une “Paracha” de référence par excellence !

C’est la Paracha de Matane Torah (Le Don de la Torah) (Chemot 19,1-20,14), de l’aboutissement de tous les efforts des Avot (Patriarches) de la fin des péripéties de la Galout (Exil) en Egypte et de l’évènement grandiose de la Sortie d’Egypte !

C’est la Paracha où l’Histoire du Peuple de Hachem amorce enfin son démarrage !

La Torah introduit cet évènement historique fondamental en décrivant l’arrivée au campement des Bené Israël de Yitro, le beau-père de Moché Rabénou.

Ce récit est abondamment développé (Chemot 18, 1-27), avec tous les détails de leur rencontre, et également les conseils que Yitro s’autorise à prodiguer à Moché Rabénou relativement à sa fonction au sein du Peuple. Et non seulement Moché Rabénou accepte les remarques de Yitro et les met en œuvre (après avoir consulté Hachem comme Yitro lui-même l’y a engagé …), mais, de plus, la Torah se fait l’écho de tous ces faits.

Et de plus, cette Paracha, reçoit pour l’éternité le nom de “Yitro”, qui devient ainsi à jamais associé à toute la base de notre existence !

Qu’est-ce qui vaut à Yitro un “honneur” d’une telle importance ?!

La Paracha commence par le verset : “Et Yitro, prêtre de Midyan, beau-père de Moché, entendit tout ce qu’avait fait Dieu pour Moché et pour Israël, car Hachem avait sorti Israël d’Egypte”.

Malgré l’évidence de ce que Yitro avait entendu, comme le verset l’exprime, nos ‘Hakhamim (rapporté par Rachi, 18,1) demandent : “quelle nouvelle a-t-il entendue et il est venu ? l’ouverture de la Mer des Joncs, et la guerre d’Amalek !”.

Rav Guedalyahou Schorr (Or Guedalyahou, p. 82) souligne que la Torah a placé cette Paracha en introduction à Matane Torah (une autre opinion stipule qu’en fait, Yitro n’est arrivé qu’après Matane Torah, et ce passage est donc mis en avance dans la Torah sur sa place chronologique dans les évènements …) pour nous enseigner l’importance primordiale de la capacité à “entendre”.

Il ne s’agit pas simplement de recevoir le son dans nos oreilles, mais “entendre” dans le sens de comprendre et tirer les conclusions pratiques qui en découlent, comme Yitro qui est venu s’intégrer au Peuple de Hachem !

Tous les peuples avaient eu connaissance de l’ouverture de la Mer (Chemot 15,14-16), et ont même été ébranlés par cet évènement.

Seul Yitro en a tiré les conclusions appropriées, et est venu rejoindre le Peuple d’Israël.

Rav Schorr explique au nom du ‘Hatam Sofer que Yitro, qui était parmi les conseillers de Par’o, s’était enfui pour ne pas être complice de la persécution des Bené Israël, et qu’il avait constaté pleinement le lien entre les desseins hostiles des Egyptiens et leur punition “Mida kenéguèd mida” (mesure pour mesure).

C’est ce qui montre la réelle Présence de Hachem dans les “affaires du monde”.

Le ‘Hatam Sofer explique que Yitro a alors compris que sa Techouva devait également atteindre une telle ampleur.

De même qu’Amalek était venu de loin dans le but de s’attaquer aux Bené Israël, Yitro ne peut pas se contenter de rester passif chez lui et d’attendre l’occasion d’être bien disposé face à un Juif qui viendrait vers lui, mais il lui faut s’associer activement au Peuple Juif.

Rav Chalom Schwadron (Lev Chalom, p.218) commente l’opinion selon laquelle Yitro serait arrivé après Matane Torah (Mekhilta 18,1) : “Rabbi Elazar Hamoda’ï dit : Il a entendu Matane Torah et (il) est venu.

Car lorsque la Torah fut donnée aux Bené Israël, tous les Rois de la Terre tremblèrent dans leurs palais … à ce moment-là, tous les Rois des nations du monde se réunirent chez Bil’am le Racha. Ils lui dirent : “peut-être leur Dieu nous fait la même chose qu’Il a fait à la génération du Maboul (le Déluge)”.

(Bil’am les rassura …) il leur dit : “Il (Dieu) n’amène ni un Maboul de feu, ni un Maboul d’eau, mais Dieu donne la Torah à Son Peuple et à Ses amis, comme il est dit : Dieu donne la “force à Son Peuple”.

Lorsque tous entendirent cette chose de sa bouche, ils répondirent tous et dirent : “Que Hachem bénisse Son Peuple par le Chalom”.

“Et ils se tournèrent et partirent chacun à sa place”.    

Rav Schwadron s’étonne toutefois que celui qui rapporte l’opinion que Yitro est venu après Matane Torah, s’étende également sur ce que Yitro a également eu connaissance de la réaction des Rois.

Il conclut en expliquant que Yitro avait été particulièrement impressionné par l’étrangeté de la nature humaine : les mêmes Rois qui s’étaient trouvés saisis de crainte au spectacle de la réalité de l’Intervention Divine jusqu’à aller se réunir pour prendre conseil auprès de Bil’am, une fois que le danger d’un Maboul est écarté, ces Rois ne bougent pas de leur quotidien, même un instant pour s’interroger sur le contenu de cette Torah…

Yitro constata la lumière et les ténèbres étroitement mêlés dans l’Homme : l’ouïe et la surdité dans la même oreille ! Il en arriva à la conclusion qu’il ne restait pas d’autre issue au mensonge naturel à l’Homme que de se “secouer” immédiatement de la lourdeur de la matière, et d’agir : il entendit et vint !!

Revenons au personnage qu’est Yitro : Nos ‘Hakhamim enseignent (Mekhilta 18,11) que dans sa quête de vérité, Yitro avait fait “le tour de toutes les idolâtries du monde. Et avant-même que Moché Rabénou arrive chez lui, il avait déjà tourné le dos à l’idolâtrie. Il était donc pleinement conscient de l’existence du Créateur.

Rav Chimchon Pinkus (Tiférèt Chimchon, p. 225) nous explique que Yitro, qui avait reconnu l’existence du Créateur, était toutefois encore dans sa quête de “Elokim”, c’est à dire Dieu, présent auprès de Ses créatures.

C’est le test auquel il soumit son gendre Moché Rabénou, “représentant” du contact avec Hachem.

Il vérifia tout d’abord la “disponibilité” de Moché Rabénou à venir à la rencontre de celui qui était initialement son beau-père, mais ne lui était plus lié, après sa séparation d’avec son épouse Tsipora, comme le souligne le verset (18, 2). Puis il testa son aptitude à recevoir une critique extérieure.

En constatant la disponibilité totale de Moché Rabénou, il reconnut là le reflet de l’attitude de Hachem à l’égard de Ses créatures. Il décida alors de s’intégrer au Peuple de Hachem.

Rav Tsvi Chraga Grossbard (Daat Chraga, p.122) reprend l’enseignement de nos ‘Hakhamim qui ont mis en évidence la recherche infatigable de la Vérité à laquelle Yitro s’est livré en passant inlassablement d’une idole à la suivante dans sa quête du Emeth (Vérité).

Il cite le Midrach (Mekhilta 18,3) selon lequel Yitro avait mis comme condition au mariage de Moché Rabénou avec sa fille Tsipora que le premier fils serait dédié à l’idolâtrie.

Rav Grossbard s’étonne que l’homme qui avait lui-même renié l’idolâtrie ait pu formuler une telle exigence ?! Il cite la réponse de Rav Dessler que Yitro était attaché à une démarche authentique. Il ne voulait pas que ses descendants “sacrifient” à une démarche “sociale” par mimétisme avec leur environnement familial. Il souhaitait donc que, tout comme lui-même, son petit-fils en arrive à la conclusion au moyen d’une recherche du Emet et de la découverte personnelle du mensonge de l’idolâtrie.

Toutefois cette approche ne résista pas à l’épreuve des évènements…

Rav ‘Hizkiyahou Eliezer Kahan (Na’halat Eliezer, p. 208) analyse la démarche de Yitro lorsqu’il rejoignit les Bené Israël. Il souligne que même avant Matane Torah, Yitro était un grand Sage qui avait souffert du fait de ses prises de position lorsqu’il n’avait pas accepté de “sacrifier” aux idées reçues et de vivre suivant les pulsions. Il avait fui l’entourage de Par’o et les honneurs, pour ne pas être complice de la persécution des Bené Israël.

De ce fait, ses filles avaient été maltraitées suite à sa mise au ban de la société pour avoir abandonné le culte idolâtre en vigueur (Rachi, Chemot, 2,16-17).

Pour toutes ces raisons la Guemara (Zeva’him, 116a) s’étonne : “quelle nouvelle Yitro avait-il entendu qui l’avait amené à se convertir ?!” Qu’est-ce qui lui manquait dans sa démarche, après avoir rompu avec tout le mensonge du monde ?!

Rav Kahan déduit d’ici que lorsqu’un homme a un intérêt dans un domaine, son inclination l’aveugle et il est inapte à voir autre chose que ce vers quoi il penche. C’est pourquoi, après la secousse de l’ouverture de la Mer et de Matane Torah, les nations revinrent rapidement à leurs positions initiales. C’est ce qui décida alors Yitro à ne plus se fier à son intellect seul ! Il vit là que les tendances personnelles aveuglent aisément l’Homme, et qu’il n’y a pas d’autre moyen d’y échapper que d’accepter le “joug” absolu de la Torah et de se soumettre aux ordres de Hachem.

A travers ces quelques explications sur les motivations de Yitro, nous comprenons ce que la Torah nous enseigne en introduisant Matane Torah avec le récit du cheminement de Yitro.

Si nous nous appuyons sur notre compréhension personnelle, nous sommes, nous aussi, comme les Rois, susceptibles de revenir “tranquillement” à nos errements après une prise de conscience !

Et tout comme les contemporains de Yitro et de Matane Torah, nous aussi sommes susceptibles de justifier nos agissements au moyen de toutes sortes de raisonnements, comme les contemporains de Yitro et de Matane Torah !

Nous aussi sommes facilement prêts à laisser à d’autres le soin de respecter la Loi de Hachem, quitte à déverser sur eux toutes nos Berakhot, du moment que nous nous sentons dispensés de faire comme eux !

Pour toutes ces raisons, l’exemple de Yitro vient nous préparer à accéder à Matane Torah !

Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
Tel  France : 01 77 47 24 71   Israel : 05 33 12 24 36