Parasha – 194 – Vayakhel – Para – 5785

בס »ד

La Paracha Vayakhel décrit la confection du Michkan (le Tabernacle) et de ses ustensiles, dont la Mitsva était développée dans la Paracha Terouma. Le début de la Paracha est consacré aux instructions de Moché Rabénou aux Bené Israël concernant les dons destinés au Michkan (Chemot 35, 4-19), suivi du récit de la réalisation par les Bené Israël.

Le verset dit : « Ils vinrent, tout homme que son cœur élevait, et chacun dont l’esprit l’amenait à donner, ils apportèrent le prélèvement de Hachem pour l’ouvrage de la Tente de Rendez-vous (avec Hachem) … » (21).

Ce verset marque l’amorce de cette œuvre grandiose de la confection d’une « Demeure » pour Hachem en notre sein, dans ce monde.

La réalité profonde du Michkan, puis du Beth HaMikdach (Temple) qui l’a remplacé, échappe totalement à notre perception intellectuelle, et encore plus à nos sentiments du fait de leur absence. Toutefois, comme nous l’avons vu dans les Divré Torah précédents, aucun évènement dans la Torah n’a qu’une dimension historique. Chaque Mitsva qui semblerait « temporaire » doit avoir un accomplissement éternel !

La Torah nous enseigne comment vivre notre lien avec Hachem et la manière d’aborder l’existence de chaque instant. Construire notre Michkan intérieur, comme La Torah dit (25, 8) « Je résiderai en leur sein … » et les ‘Hakhamim expliquent « au sein de chacun d’eux ! ».

Rav ‘Haïm Friedlander (Sifté ‘Haïm, Chemot p.403) soulève cette question. Il explique que nous devons approfondir la Paracha du Michkan jusqu’au moindre détail de réalisation, car c’est à partir de là que nous apprendrons les chemins de la Avoda (Service) de Hachem !

Dans cette optique, il cite le verset ci-dessus : « Ils vinrent, tout homme que son cœur élevait, et chacun dont l’esprit l’amenait à donner, ils apportèrent le prélèvement de Hachem pour l’ouvrage de la Tente de Rendez-vous (avec Hachem) … ». Puis il rapporte encore un autre verset (36, 2) : « Moché appela Betsalel et Aholiav, et chaque homme sage de cœur, auquel Hachem a octroyé la sagesse dans son cœur ; chacun que son cœur a élevé pour s’approcher de l’ouvrage pour l’accomplir ».

Rav Friedlander s’étonne de cette expression : « que son cœur a élevé » ?!

Il rapporte le Ramban qui dit que : « Ils vinrent, tout homme que son cœur élevait … » désigne les ‘Hakhamim qui ont accompli l’ouvrage. En effet, selon le Ramban, cette expression ne peut pas s’appliquer aux donateurs, relativement auxquels le terme adéquat est « Nedivout » (la générosité), et non « nessiout lev » (l’élévation du cœur).

Le Ramban souligne que personne parmi les Bené Israël n’était formé ou entrainé aux « métiers d’art » tels que l’orfèvrerie, l’ébénisterie, le tissage, le travail des pierres précieuses… Toutefois ceux qui se présentèrent à Moché pour réaliser la confection du Michkan exprimèrent le sentiment profond qu’ils sauraient faire ce que Moché leur dirait pour accomplir la Volonté de Hachem. C’est cela que le verset qualifie d’élévation du cœur ! C’est le sens du verset (Chroniques II, 17, 6) « il éleva son cœur dans les chemins de Hachem ! », et par cela Hachem mit dans leur cœur la sagesse nécessaire. Mais sans leur élan initial, ils n’auraient pas bénéficié de l’Aide Divine.

Rav Friedlander poursuit avec la remarque du Ramban relativement à Betsalel (31, 2) : le caractère exceptionnel d’un personnage qui, à lui seul, concentra tous les métiers d’art nécessaires à la confection du Michkan, complété par la compréhension du sens profond de chaque élément. Là aussi, bien que depuis la Création du Monde, Betsalel était prédestiné à exécuter cette œuvre, Hachem ne lui en aurait pas octroyé les capacités s’il n’avait pas fourni l’effort personnel de s’élever au niveau spirituel requis.

Rav Friedlander explique qu’il en est de même pour chacun dans l’accomplissement des Mitsvot. Il cite Rav ‘Haïm MiVolozin (Nefech Ha’Haïm, I, 12) qui dit que l’homme ne reçoit pas l’Aide Divine pour réaliser une Mitsva, s’il n’a pas engagé auparavant toute sa volonté pour l’accomplir. La part de l’homme dans la Mitsva est la somme de ses efforts pour accéder à la Mitsva. La réalisation effective finale dépend de la Volonté de Hachem de lui en octroyer la possibilité. Sans l’Aide de Hachem, l’homme aura le mérite de ses efforts, même s’ils n’ont pas été couronnés de la concrétisation …

Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah, Chemot p.348) souligne que dans toutes choses, seuls ceux qui manifestent l’énergie pour entreprendre réussissent. Ceux qui manquent de cette qualité restent « petits ». Ainsi, ceux qui réalisèrent la confection du Michkan ne pouvaient être que des hommes qui « élevèrent leur cœur » pour accomplir la mission de Hachem. Il cite la parole de nos ‘Hakhamim (Tana DevéEliahou Chapitre 25) « L’homme doit dire : quand mes actions toucheront-elles les actions de mes Pères Avraham Its’hak et Yaacov ?! ». Rav ‘Haïm dit que c’est une véritable obligation (et pas une « figure de style »), un fondement de la Avoda, de se référer aux plus Grands !

Rav ‘Haïm Chmouléwitz (Si’hot Moussar, année 732, chapitre 28) définit la capitulation devant l’effort comme une manifestation d’inertie (paresse). Il cite les paroles du Ramban ci-dessus pour prouver que tout est à la portée de l’homme, pourvu qu’il « élève son cœur » ! S’il agit ainsi, il verra qu’il a la capacité de réaliser des « prouesses » !

Rav Chmoulewitz dit plus loin(733, 8)que ce n’est pas un Ness (Miracle) surnaturel, mais une capacité spirituelle fondamentale de l’homme de « se dépasser », comme l’illustre l’exemple de Yaacov Avinou lorsqu’il déplaça la pierre qui recouvrait le puits d’où les filles de son oncle devaient abreuver le troupeau (Beréchit 29,10 ; Rachi). Ailleurs encore (732, 15), Rav Chmoulewitz souligne que c’est là toute la différence entre un homme ordinaire, qui se contente de la médiocrité, et un homme « distingué » qui « élève » son cœur pour réaliser l’objectif de Hachem, conscient qu’Il lui accordera Son Aide, grâce à laquelle il pourra effectivement aboutir.

Rav Tsvi Chraga Grossbard (Daat Chraga, p.215) applique la même notion aux capacités spécifiques que chacun peut ressentir en lui-même. Il ne faut pas se comporter face à de tels enjeux avec une Anava (modestie) hors de propos ! Il faut au contraire se servir de « il éleva son cœur dans les chemins de Hachem ! » (Chroniques II, 17, 6), et même alors qu’on n’est pas encore complètement efficace, agir avec confiance en Hachem. (Il ne s’agit évidemment pas d’enseigner, ou de trancher les questions de Halakha sans compétence …).

Rav Grossbard souligne que tous les « outils » dont l’homme dispose lui sont octroyés par Hachem pour la Avoda, et celui qui perçoit qu’il a reçu des moyens spirituels particuliers doit les exploiter comme il se doit.

Rav Chmoulewitz développe (733, 28) que l’élan de : « il éleva son cœur dans les chemins de Hachem ! » n’est pas en opposition avec la Anava (Modestie) ! Être conscient de son niveau réel et de ses limites, et simultanément avoir confiance en Hachem qu’Il lui accordera les moyens de réaliser la tâche qui lui incombe !

Ce Chabat, en préparation à Pessa’h, nous lisons la Parachat Para (Bamidbar 19, 1-22) qui traite de la Mitsva de purifier la Touma (Impureté) du contact avec un cadavre au moyen d’une vache intégralement rousse, qu’on égorge face au Beth HaMikdach, et que l’on brûle ensuite. Les cendres de cette Vache Rousse mêlées à de l’eau de source purifieront les hommes et les ustensiles contaminés.

Rav Chalom Noa’h Bérézovski (Netivot Chalom Chemot, p. 310) explique que cette Mitsva représente, comme l’enseignent nos ‘Hakhamim, la réparation de la « faute ». De quelle faute peut-il bien s’agir, alors qu’il n’est apparemment question que d’une impureté reçue sans la moindre transgression ?! Il explique que cette Mitsva consiste à éliminer les causes mêmes de l’impureté et de la mort : l’attachement aux aspirations matérielles. En brûlant cette Vache Rousse, nous devons tourner le dos à la valorisation de notre « égo ».  La lecture de cette Paracha que nous faisons en l’absence de l’accomplissement effectif de cette Mitsva a le rôle de nous orienter dans ce même effort. En cela cette lecture nous prépare à Pessa’h.

Pessa’h consiste à nous sortir des 49 degrés d’impureté liés à la valorisation d’une vie matérialiste pour entrer dans les 49 degrés de Kedoucha (« Sainteté »).

Dans la Paracha de la « Vache Rousse », les ‘Hakhamim (Guemara Berakhot 63b) interprètent ainsi le verset (Bamidbar 19, 14) « Ceci est la Torah : un homme lorsqu’il mourra dans la tente … » : « les paroles de la Torah ne s’établissent que chez celui qui « se tue » « dans la Tente » (la maison d’étude) ! ». Il n’est évidemment pas question de mort physique ! Il s’agit d’éliminer l’égocentrisme qui fait écran entre nous et Hachem. Tout le but de la Torah est de déraciner cet obstacle ! Les deux Premiers Commandements, « Je suis Hachem … » et « Tu n’auras pas de divinités étrangères … » correspondent aux deux élans complémentaires de la « Crainte » (Respect) de Hachem, et de l’Amour qui Lui est dû.

La Mitsva de la Vache Rousse constitue la réparation de la faute du Eguel (Veau d’Or) qui exprimait la volonté de l’homme de s’affranchir de la dépendance permanente à Hachem. En brûlant la Vache Rousse, on accomplit ce mouvement vers la Torah qui nous lie à Hachem. Cette dimension que nous ne pouvons pas réaliser pleinement dans la Galout (Exil), sans le Beth HaMikdach, nous l’accomplissons par la lecture.

Par cette lecture nous devons tendre vers le but de nous purifier de l’impureté de la valorisation de la réalité matérielle. Tous les éléments de notre existence sont autant d’outils à dédier à la Avoda (Service de Hachem).

Cette préparation nous permet d’accéder à la Gueoula (Délivrance) que constitue Pessa’h, puis aux 49 jours du Omer qui mènent à Chavouot où nous recevons la Torah.

La Paracha nous enseigne ainsi le lien profond entre l’élimination de notre individualisme exacerbé, l’accès à la véritable Anava (« Modestie »), et la Grandeur réelle du lien avec Hachem qui accompagne une vie de Torah authentique.

Ces deux Parachiot que nous lirons ce Chabat convergent pour nous amener à la Gueoula de Pessa’h !