Parasha – 191 – Terouma 5785

בס »ד

La Paracha Terouma ouvre une série de cinq Parachiot dédiées à l’édification du Michkan (Tabernacle).

Dans son introduction à la Paracha Terouma, le Ramban explique que le rôle du Michkan est d’accueillir la Chekhina (Présence Divine) au sein du Peuple d’Israël.

L’essentiel du Michkan est « l’emplacement de Résidence de la Chekhina » qui est le Aron HaKodech qui abrite les Lou’hot (les Tables des Dix Commandements) de la Torah. Le Ramban ajoute que le Michkan représente la continuité de la Présence que Hachem a manifestée au Har Sinaï. C’est depuis le Aron HaKodech, centre du Michkan que la Parole de Hachem s’adressera à Moché Rabénou.

Mais alors, si tel était le rôle du Michkan, et ensuite, le Beth HaMikdach où les Nissim (Miracles) qui s’y manifestaient (Michna Avot 5, 5) témoignaient en permanence de la Présence de Hachem au sein de Son Peuple, qu’en sera-t-il après la disparition du Beth HaMikdach ?! Sur les presque 3300 ans depuis l’entrée en Erets Israël jusqu’à ce jour, le Michkan et les deux Beth HaMikdach ne représentent qu’à peine plus de 1300 ans !

Une question plus sérieuse encore s’ajoute !

La confection du Michkan est une Mitsva. De plus, le verset (Chemot 25, 9) conclut la Mitsva de réaliser le Michkan destiné à recevoir la Chekhina conformément aux plans révélés par Hachem à Moché Rabénou par les mots : « et ainsi vous ferez ! », que nos ‘Hakhamim expliquent « pour les générations » (Guemara Sanhédrin 16b, cité par Rachi ici) !

Comment s’accomplit la Mitsva de confectionner le Michkan « pour les générations » ?

De plus, comme toutes les Mitsvot de la Torah, la confection du Michkan doit avoir une dimension éternelle !

Dans le livre de Halakha « Michné Torah » (les règles d’accomplissement des Mitsvot), le Rambam dédie de nombreux chapitres à la construction du Beth HaMikdach et de ses ustensiles. Le Rambam ne considère manifestement pas le Michkan ou le Beth HaMikdach comme des éléments historiques, mais comme des Mitsvot tout aussi actuelles que le reste de la Torah, même si les circonstances de la Galout (Exil) nous empêchent de les accomplir dans les détails « techniques » de leur réalisation.

Quelle est alors la dimension actuelle du Michkan ?!

Rav Yaacov Yossef de Polnaa, Talmid du Baal Chem Tov HaKadoch, soulève la question de la pérennité de la Mitsva du construire le Michkan.
Comme toutes les Mitsvot de la Torah, cette Mitsva doit ëtre toujours d’actualité ! (Il reconnait que la question se pose de même pour toutes les Mitsvot dont l’accomplissement nous est irréalisable depuis longtemps …). De plus, même à l’époque où le Beth HaMikdach se dressait à Yerouchalaïm, sa construction s’est limitée à la génération de Chlomo Hamélekh !

Rav Yaacov Yossef ajoute que le but de toutes les Mitsvot est : « Bo Tidbakoun » (« A Lui vous vous collerez « ) (Devarim 13, 5).
Comment cette Mitsva de construction du Beth HaMikdach participe-t-elle à nous attacher à Hachem ?

Il développe que le Michkan correspond à la structure du Monde, et que le Monde lui-même se retrouve dans la personne de l’Homme. Le Malbim explique (dans son commentaire sur cette Paracha) pareillement la correspondance entre les « trois niveaux » : le Monde, l’Homme, et le Michkan en position intermédiaire comme lien entre l’Homme et l’ensemble de la Création.

Rav Yaacov Yossef cite les paroles de Rabénou Yona (cité par le Beth Yossef, Ora’h ‘Haïm 25) que par les Tefillin du bras on soumet son corps et ses élans, et par les Tefillin de la tête on soumet sa Nechama.
L’homme devient par cela la « Merkava » (« char ») – le support de la Présence Divine dans le Monde.
C’est ainsi que même après la disparition du Bet HaMikdach chaque Juif « construit » son Michkan individuel !

Rav Moché Ye’hiel Epstein (Beér Moché, p.781) développe la Mitsva du Michkan à toutes les générations.
Le corps de l’Homme doit être « à l’image » du Michkan. Il rapporte le Zohar HaKadoch qui commente le verset : « car Hachem ton Dieu arpente ton camp … et qu’Il ne voie pas chez toi une chose grossière, et Il se retirerait de derrière toi ! » (Devarim 23, 15). Le campement du Peuple de Hachem doit se caractériser par la Kedoucha (« Sainteté »), la grandeur de comportement, la noblesse réelle de la Créature de Hachem, pour représenter dignement la Présence de Hachem dans le Monde. L’Homme doit donc être lui-même le Michkan de Hachem. Et c’est ainsi que la Mitsva est actuelle à toutes les générations.

Rav Chalom Noa’h Bérézovski (Netivot Chalom, p.193) cite les paroles de Rav Yaacov Yossef. Il explique que le but de l’Homme sur terre est d’être Kadoch comme les Mal’akhim (« Anges ») comme le dit le Targoum Yonathan Ben Ouziel sur le verset : « vous serez Kedochim pour votre Dieu… » (Bamidbar 15, 40).

La Mitsva de construction du Michkan se réalise à divers niveaux : dans le « monde », par la confection du Beth HaMikdach ; dans le « Temps », par le Chabat ; et dans le « Néfech » (l’âme), par la Nechama qui est la partie élevée de l’âme qui rattache l’Homme à son Créateur. Ce sont les trois niveaux où chaque Juif réalise un Michkan.

Rav Bérézovski explique encore (p.196) que la Mitsva passe par le fait de « donner de soi », comme dans le premier verset de la Paracha qui ordonne : « Et ils prendront un prélèvement pour Moi ; de chaque homme « que son cœur donnera ». Il explique que chacun doit donner de ce qu’il désire lui-même le plus. C’est-à-dire que chacun construit un Beth HaMikdach en dédiant à Hachem ses aspirations personnelles les plus précieuses.

Rav Chimchon Raphaël Hirsch (Chemot 25, 3-8) remarque que la Mitsva est exprimée par le mot « Mikdach » (« Sanctuaire ») où Hachem « viendra résider ». Hachem « résidera » comme le dit le verset (8) « betokham » (dans leur sein), c’est-à-dire dans chacun, dans la mesure où ils feront un « Mikdach » de leur existence. C’est la conclusion du Séfer Vayikra, dédié à la Présence de Hachem en notre sein, dans la Paracha Be’houkotaï (Vayikra 26, 3 ; 11) « Si vous allez dans Mes Décrets … Je mettrai Ma Résidence en votre sein ! ». C’est d’une vie de Kedoucha que se construit le Michkan de Hachem dans l’homme lui-même !

Rav Yossef Tsvi Salant (Beér Yossef Chemot 25, 8-10)) rapporte le Midrach qui explique le pluriel de « veassou » (Ils feront) relativement à l’ensemble du Michkan, puis particulièrement pour le Aron HaKodech qui reçoit les Lou’hot (Tables des Dix Commandements).
Le Midrach cite trois exemples pour comparer le lien entre les Bené Israël et Hachem :
– les moutons et leur berger
– la vigne et son gardien
– les enfants et leur père
Rav Salant explique que nos ‘Hakhamim veulent expliquer dans ce Midrach la place centrale de la Torah, dans le Aron HaKodech, dans toutes les situations de notre Histoire.

Notre but sera bien sûr atteint pleinement lorsque nous serons enfin de retour en Erets Israël avec le Beth HaMikdach reconstruit. Alors Hachem « résidera » en notre sein de manière manifeste.
Toutefois, même en situation de Galout, comme actuellement, Hachem « réside » dans nos « petits Beth HaMikdach » les Baté Knesset (Synagogues) et Baté Midrachim (maisons d’étude de la Torah).

La Galout se répartit en deux sortes de situations : lorsque les non-juifs nous traitent en permanence comme des intrus dans leur environnement, poursuivis par le peuple et par les législations. Nous ressemblons alors aux moutons qui errent d’endroit en endroit à la recherche de leur subsistance. On pourrait croire alors que la précarité exclut les préoccupations de la relation avec Hachem dans un Michkan. Le Midrach nous dit que nous

devons ménager un enclos pour le « Berger », les Baté Knesset et Baté Midrachim ! A l’inverse, lorsque la Galout se déroule dans des conditions de réussite matérielle, et que les non-juifs nous traitent favorablement, nous octroyant les droits de citoyens à part entière, on pourrait être tenté de croire qu’on n’a plus besoin alors de la protection de Hachem…

Hachem répond à cette erreur en soulignant que nous sommes comme une vigne qui a besoin de son Gardien pour échapper à la poussée de haine qui ne manquera pas de se manifester avec une cruauté sans limites (les éditeurs du Beér Yossef ont ajouté : « comme on l’a vu en Allemagne… ».
Nous pouvons ajouter : comme cela se réveille de par le vaste monde à l’époque actuelle… Là encore, nous devons préparer un « abri » pour Le Gardien, les Baté Knesset et Baté Midrach !

Nos ‘Hakhamim qualifient les Avot (Patriarches) de « Merkava » (« Char » – support de la Présence Divine dans le Monde). Le Ramban explique qu’ils sont la racine des trois bases de l’attachement à Hachem, Avraham le ‘Hessed (le don gratuit), Its’hak, la conscience du Din (Justice Divine), et Yaacov, le Emet (« Vérité ») que représente la Torah (Beréchit 17, 22). Le Ramban développe encore (Drouch HaEmouna VehaBita’hon, chapitre 15. Edition MHK, P.377) que cette notion s’applique non seulement aux Avot, mais également à chaque Tsadik qui s’attache à une des Midot (« Dimensions ») que Hachem manifeste dans le fonctionnement de la Création. En effet, c’est par le fait « d’aller dans Ses Chemins » que l’on s’attache à Hachem … Ils sont ainsi les racines de notre Beth HaMikdach individuel !

L’exemple du Michkan individuel est souligné dans la Torah lorsque Its’hak amena son épouse Rivka à la Tente qui avait été celle de Sarah Iménou (Notre Mère). Rachi cite le Midrach (Beréchit Rabah, 60, 16) qui nous décrit la Grandeur de Sarah. De son vivant, la lumière restait allumée depuis Erev Chabat jusqu’à Erev Chabat ; la Berakha était présente dans la pâte à pain ; une Nuée (manifestant la Présence de Hachem) était attachée à la tente.

Ces éléments correspondent aux manifestations de la Chekhina dans le Michkan : une des lumières de la Menora brûlait après les autres par Ness (Miracle), manifestant ainsi la Présence permanente de Hachem dans notre quotidien ; le Pain déposé chaque Chabat sur le Choul’han dans le Michkan était aussi chaud lors de son retrait après une semaine ; et les Bené Israël voyaient le Anane (la Nuée) au-dessus du Michkan.

Ces manifestations chez Sarah Iménou puis chez Rivka témoignaient de leur propre accomplissement dans l’attachement à Hachem à travers la Mitsva « d’aller dans Ses Chemins ».

C’est donc là le plan de la construction de notre Michkan individuel : construire notre existence selon les valeurs de la Kedoucha. Par cet effort, nous pouvons atteindre le niveau nécessaire pour mériter enfin que Hachem fasse résider à nouveau Sa Chekhina en notre sein de façon manifeste, avec la Gueoula Complète.