Parasha – 189 – Yitro 5785

בס »ד

La Paracha Yitro est celle de Matane Torah (Le Don de la Torah) au Har Sinaï.
Dans une manifestation exceptionnelle, Hachem nous donne dix Mitsvot qui sont la racine des 613 Mitsvot de la Torah.
Rav Saadia Gaon a rattaché les 613 Mitsvot aux Assérèt HaDibrot correspondantes. Certaines communautés lisent ce texte à Chavouot.

Notre Paracha s’achève avec ces versets : « Ne faites pas avec Moi des divinités d’argent, des divinités d’or ne faites pas pour vous ! Un Autel de terre tu feras pour Moi, et tu immoleras sur lui tes holocaustes et tes offrandes de Chalom, ton menu bétail et ton gros bétail ; à tout endroit où Je mentionnerai Mon Nom (Rachi : « …où je te permettrai de mentionner Mon Nom ») Je viendrai vers toi et Je te bénirai. Et si un Autel de pierres tu fais pour Moi, ne les construis pas en pierre de taille, car ton épée tu as élevé sur elle et tu l’as profanée. Et tu ne monteras pas avec des marches sur Mon Autel, afin que ne se dévoile pas ta nudité sur lui. (Chemot 20,20-23) ».

Le Ramban explique que ces versets représentent le développement des deux premiers Commandements des Assérèt HaDibrot : « Je suis Hachem … » et « Lo Yihyé lekha … » la reconnaissance de Hachem et l’interdiction de l’idolâtrie (Chemot 21, 1).
La Paracha suivante, Michpatim, est dédiée aux règles qui régissent les relations entre les hommes, qui est le développement du dernier Commandement, « Lo ta’hmod », « Ne convoite pas … ».

Cette explication soulève des questions :
– En quoi ces versets développent-ils les deux premiers Commandements ?! Le premier verset, il est vrai, parle clairement de l’idolâtrie, encore qu’il ne soit pas évident en quoi il ajoute à l’interdiction explicite des Assérèt HaDibrot …
– En quoi les versets suivants participent-ils à une compréhension plus précise de l’idolâtrie ?!
– En quoi consiste la qualité particulière d’un « Autel de terre » ?
– Quel est le défaut des pierres « taillées par l’épée », alors que les outils de taille ne sont bien évidemment pas des épées ?!
– En quoi le fait de monter sur l’Autel par des marches s’apparente-t-il à « dévoiler sa nudité » ?!

A ces questions s’ajoutent les enseignements de nos ‘Hakhamim relatifs à ces versets :
-Sur le verset « Ne faites pas avec Moi des divinités d’argent, des divinités d’or ne faites pas pour vous ! », Rachi rapporte les commentaires qui rattachent les interdictions des « divinités d’argent ou d’or » aux Kerouvim (figurines) en or qui surmontent le Aron HaKodech où sont conservées les Lou’hot (Tables des Dix Commandements). Il ne faut pas faire les Kerouvim en argent ; il ne faut pas en faire plus que les deux Kerouvim ordonnés par Hachem ; il ne faut pas en faire dans les Baté Knesset (Synagogues) ou Baté Midrach (Salles d’étude) ; et si on transgresse ces interdictions, c’est comme si on avait confectionné des « divinités » …
La Mitsva de confectionner sur le Kaporèt (Couvercle du Aron HaKodech) des Kerouvim est déjà étonnante en soi, alors que toute représentation nous est interdite. Mais en quoi les faits cités par Rachi seraient-ils plus caractéristiques de l’idolâtrie que les Kerouvim eux-mêmes ?!

Rachi (20, 23) souligne que l’interdiction d’enjamber les pierres de l’Autel est liée à leur « nécessité » pour l’Homme, et qu’il ne convient pas de les traiter avec désinvolture. Il étend cette notion a fortiori à l’Homme, créé « à l’image » de son Créateur auquel il ne faut pas manquer de respect…

Rav Chimchon Raphaël Hirsch explique (Chemot 16, 7) que le « Cavod » (l’honneur) est le « poids » (« coved ») spirituel des choses (Ils sont deux facettes d’une même racine). Il représente la « masse spirituelle » !

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La Guemara (Sanhédrin 7b) commente la proximité du verset :  » Et tu ne monteras pas avec des degrés sur Mon Autel, afin que ne se dévoile pas ta nudité sur lui » avec le début de la Paracha suivante « Et voici les lois … » qui annonce les règles de Justice.

-Les ‘Hakhamim appliquent ce verset au Juge qui ne doit pas « enjamber la tête du peuple Kodech ». Rachi explique : « lors des enseignements, le public est assis par terre, et si le Rav chemine parmi eux pour rejoindre sa place, c’est comme s’il « enjambait sur leurs têtes » !

Rav Yossef Tsvi Salant (Beer Yossef Yitro, 20, 22-23) explique que la Torah a particulièrement insisté sur le respect de l’Autel plus que d’autres éléments du Beth HaMikdach (Temple) car l’Autel a le rôle de réparer et de ramener le Chalom (l’Harmonie) entre Israël et leur « Père Qui est dans les Cieux ».

Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat ‘Hokhma OuMoussar III, p.66) développe la nécessité de reconnaître le « Cavod » (la considération) dû à toute chose qui a son utilité dans le monde. Il souligne l’importance de l’attitude de « Cavod » appropriée face à chaque chose, et encore plus face à chaque homme, ne serait-ce que le paysan grossier de la production duquel dépend la subsistance de chacun.

Combien de « Cavod » alors un Juif qui porte la mission de Hachem sur Terre mérite t’il !
Rabbi Yerou’ham critique durement le manque de considération dans les relations humaines.

-Le Midrach (Chemot Rabah, 30, 1) explique que ce verset enseigne que les Cohanim dans leur Service, et les Juges dans leur fonction doivent éviter la précipitation que manifestent les grandes enjambées.

Rav Its’hak Zeev Yadler (Tiférèt Tsion) explique que ce Midrach vise la Gaava (orgueil) qui est la principale « nudité », défaut, de l’Homme. Si le Cohen montait à grands pas sur l’Autel, il manifesterait par cela une suffisance incompatible avec son Service face à Hachem. Il en est de même pour le Juge lorsqu’il s’empresse de montrer sa compétence en tranchant rapidement le cas jugé.

Le Sfat Emet (Kora’h 652, sur le verset « brit mèla’h ») explique que l’Homme doit d’abord refuser de s’approcher de la Avoda, comme Aharon, qui a d’abord refusé lorsque Moché Rabénou l’a appelé à accomplir la Avoda.
Ce n’est qu’après une certaine insistance qu’il doit accepter de l’accomplir. Kora’h qui briguait la fonction de Cohen a transgressé le verset : « Et tu ne monteras pas avec des degrés sur Mon Autel », c’est-à-dire ne pas faire des « grands pas » vers l’Autel.

Quant à l’interdiction : « Ne faites pas avec Moi des divinités d’argent, des divinités d’or ne faites pas pour vous ! », le Haamek Davar (20, 20) explique que la tentation de se donner des « intermédiaires » vient du fonctionnement humain courant où le Roi n’a pas affaire directement au « commun des mortels ». Il y a des intermédiaires, que ce soit pour recevoir les demandes des sujets, ou pour examiner leurs situations. La Torah nous met en garde contre un comportement comparable face à Hachem. Il n’y a pas place à des intermédiaires entre nous et « notre Père Qui est aux Cieux » !

De prime abord, cette interdiction semble être à l’opposé de la Gaava qui caractérise l’interdiction « d’enjamber » les pierres de l’Autel, ou « d’enjamber sur la tête » de nos frères…

Alors que l’interdiction des « intermédiaires » ressemble directement à l’idolâtrie, que nous avons tendance à percevoir comme une soumission aux éléments naturels, le respect dû aux pierres et à toutes choses, et encore plus à l’Homme, et combien plus aux serviteurs de Hachem dans Sa Torah, semble vouloir corriger une suffisance déplacée.

Toutefois cette opposition n’est qu’apparente !

Le but profond de l’idolâtrie n’est autre que d’échapper à l’autorité de Hachem, en dédiant une importance distincte à diverses « puissances » qui seraient soi-disant maîtresses de notre sécurité et de notre bonheur. Le culte qui leur est rendu n’a comme objectif que des les « apprivoiser » afin que ces « divinités » ne nous « nuisent » pas, ou nous prodiguent « leurs bienfaits ».

Rav Pinkus (Tiférèt Chimchon, p. 268) ajoute que chaque « centre d’intérêt » que l’Homme se donne, auquel il accorde le centre de ses « appétits » ou aspirations, comme la satisfaction de ses loisirs, par exemple, est une forme moderne « d’idolâtrie ».

Pareillement, toutes les idéologies auxquelles l’Homme « sacrifie » sont autant de formes d’idolâtrie.

Dans ce sens, nous pouvons inclure comme « intermédiaires » modernes les divers « Babas – faiseurs de « miracles » auxquels on laisse une obole en échange d’une Berakha que nous voulons croire plus efficace que des efforts d’amélioration de notre respect de la Torah.
Là également, le dispensateur de Berakhot n’est finalement à nos yeux que le serviteur de nos désirs …

Et cette analyse ne s’arrête malheureusement pas là !

L’adhésion à un mouvement, à une « école », peuvent également servir d’idolâtrie. Alors que les sensibilités variées dans la communauté ont comme fonction d’enrichir l’ensemble du Peuple de Hachem dans sa Avoda, la centralisation sur ces éléments peut avoir l’effet inverse. Rav Yaacov Kamenetski (Emet LeYaacov, Bamidbar, 1, 1) souligne un point comparable relativement aux Degalim (les campements des Chevatim – Tribus) autour du Michkan (Tabernacle) dans le désert. Ayant perçu l’organisation des Mal’akhim (les « Anges ») en « légions » lors de Matane Torah (Don de la Torah), les Bené Israël avaient aspiré à être groupés de la même manière. Pourquoi, alors, Hachem a-t-Il attendu presque un an, jusqu’après l’érection du Michkan, pour accéder à leur demande ? Rav Kamenetski répond que si les Bené Israël avaient été organisés en campements distincts selon leurs Chevatim dès après Matane Torah, ils seraient devenus non pas douze Tribus d’un Peuple uni, mais douze peuples distincts. Ce n’est qu’après que le Michkan ait été érigé au centre du campement des Chevatim, autour du Aron HaKodech contenant les Lou’hot (les Tables des Dix Commandements), que la convergence serait assurée, et que les particularités ne dériveraient pas en « séparatisme » …

L’adhésion à une sensibilité particulière, même dans le cadre de la Torah, n’est pas l’expression d’une intégration à la collectivité, mais au contraire l’exploitation du mouvement collectif pour exacerber son propre individualisme.

Ainsi les Mitsvot de la fin de la Paracha participent toutes au même message de soumission réelle à Hachem dans le respect de ses « Créatures » en tant que telles, et non comme outils pour l’Homme pour s’affranchir de l’Autorité de Hachem.

La Michna (Avot 4, 1) dit : « Qui est « Mekhoubad » (honorable) ? Celui qui honore les Créatures ! »
C’est en reconnaissant la valeur réelle de chaque chose et de chaque personne en tant qu’élément de la Création de Hachem qu’on tourne le dos à l’idolâtrie.