Parasha – 18 BO 5782

La Paracha Bo est celle de la Sortie d’Egypte effective lors de Makat Bekhorot (la mort de premiers nés).

En effet, les 9 autres Makot (Plaies) n’étaient pas des tentatives infructueuses pour amener Par’o à “capituler” comme il semblerait à première vue.

Hachem n’a évidemment pas besoin de tels procédés pour arriver à Ses fins.

Le rôle des Makot n’était que “pédagogique” : à travers la punition des Egyptiens pour les sévices infligés aux Bené Israël, les Bené Israël ainsi que l’humanité entière apprennent les principes fondamentaux du fonctionnement du Monde.

C’est ce qu’exprime le début de la Paracha : “Viens chez Par’o, car J’ai endurci son cœur, pour que je mette Mes signes en son sein, et afin que tu racontes aux oreilles de ton fils et de ton petit-fils, ce que Je me suis “joué” de l’Egypte, et Mes signes que j’ai mis en eux, et vous saurez que Je suis Hachem” ! (10, 1-2)

La dixième Maka, Makat Bekhorot, constitue, elle, le tournant décisif par lequel les Bené Israël sont effectivement affranchis de l’autorité de Par’o.

En un instant, à “minuit”, tous les premiers nés d’Egypte meurent.  

Par’o réagit avec terreur au coup qui le frappe, et cherche immédiatement lui-même Moché et Aharon, afin de leur signifier son changement d’attitude : plus de restrictions, comme lors de ses “capitulations” partielles antérieures, suivies de voltefaces rapides ! Par’o “lâche” sur toute la ligne (Chemot 12, 31-32) : même le bétail des Bené Israël n’est plus “retenu en otage” !

Plus encore, Moché et Aharon dictent à Par’o la “formule” d’affranchissement des Bené Israël suivante : “Vous êtes libres ; vous êtes maîtres de vous-mêmes ; vous êtes les serviteurs de Hachem, et vous devez Le louer pour le fait que vous êtes Ses serviteurs !” (Midrach Tehilim, 113)

C’est ainsi que les Egyptiens et Par’o en particulier ont vécu la Makat Bekhorot et la Délivrance des Béné Israël de l’esclavage d’Egypte.

Considérons à présent la Gueoula du point de vue des Bené Israël.

Avant cette nuit décisive, les Bené Israël avaient dû se préparer intensivement.

Dans nos Divré Torah des Parachiot précédentes (Chemot et Vaéra), nous avions développé les causes de la Galout et les “mécanismes” de préparation des Bené Israël à la Gueoula par les Makot (Divré Torah des années précédentes disponibles sur demande à kvlhm.ezr@gmail.com).

Après la période de préparation des Makot qui dura près d’un an (une semaine de Maka, et trois semaines entre deux Makot …), les Bené Israël reçurent enfin l’annonce de la Délivrance et de ses derniers préparatifs (Chemot 12, 3-13 ; 21-23).

Ils avaient reçu l’ordre de prendre un agneau (qui était une divinité aux yeux des Egyptiens …), de l’attacher au pied de leur lit quatre jours avant la date de leur délivrance, et de lui faire la Che’hita (l’abattage) le 14 Nissan.

Puis, le soir, ils devaient le rôtir et le consommer accompagné de Matsot et de Maror (les herbes amères), habillés, chaussés, le bâton en main, prêts à partir !

Toutefois, le départ ne devaitpas avoir lieu immédiatement, mais seulement au matin.

En effet, Hachem leur ordonna : “Et vous, ne sortez pas chacun de la porte de sa maison jusqu’au matin !”. (12, 22)

Ainsi, alors que l’Egypte serait en effervescence suite à Makat Bekhorot à “Minuit”, ainsi que le reste de la nuit les Bené Israël devaient rester “confinés” chez eux.

Quels sont le sens et les implications d’une telle situation ?

Toute la préparation à la Gueoula consistait à amener les Bené Israël à une véritable conscience de la Présence permanente de Hachem dans ce monde.

Comme les avertissements précédant les Makot le définissaient, cela commença par l’affirmation que Hachem est le Créateur (7, 17).

Puis vint la manifestation de Son intervention sur Terre, à travers la distinction entre les Bené Israël et les Egyptiens (qui se côtoyaient) dans la réalisation des Makot (8, 18).

Enfin les dernières Makot démontrèrent la “suprématie” de Hachem sur tous les mécanismes de la nature (9, 14).

Toutefois, toutes ces démonstrations auraient pu rester au stade théorique, sans engager le quotidien des Bené Israël.

MaisLa Gueoula devait passer par une implication réelle des Bené Israël. C’est à cette fin que Hachem ordonna de faire le “Pessa’h”, l’agneau (divinité des Egyptiens) à la veille de la Gueoula. Par cette action, les Bené Israël exprimaient leur rupture totale avec le système de valeurs de l’Egypte, et plus généralement de l’ensemble des cultures idolâtres. Là était le fondement de l’Histoire des Bené Israël.

Cependant, comme nous l’avons vu dans la formule que Moché Rabénou dicta à Par’o, il ne suffisait pas de sortir de la “juridiction” de Par’o, l’essentiel était d’entrer sous l’autorité absolue de Hachem. C’est ce qui fut réalisé par l’épreuve de la nuit de Makat Bekhorot.

Nos ‘Hakhamim donnent diverses explications quant à l’interdiction de “sortir chacun de la porte de sa maison”, généralement relatives au risque encouru lors de la Plaie (Makat Bekhorot) qui devait frapper les Egyptiens, ou encore au fait de ne pas quitter l’Egypte de nuit, “comme des voleurs”.

Toutefois certains Commentateurs offrent des avis différents :

Rav Yaacov Kamenetski (Emet LeYaacov, Chemot 12, 31) dit que lorsque Par’o, affolé par la Makat Bekhorot exclama : “levez-vous et sortez du sein de mon peuple !”, le refus des Bené Israël que lui exprima Moché n’était évidemment pas motivé par la volonté de ne pas “perdre la face” en partant “comme des voleurs”. En effet, devant le comportement versatile de Par’o tout au long de la période des Makot, tantôt cédant, tantôt se ressaisissant, il n’aurait pas été question de prendre le risque d’un nouveau retour de Par’o sur son acceptation, juste pour une question “d’amour propre” !

La véritable raison du refus de sortir suite à l’injonction de Par’o tenait au respect de l’interdiction exprimée par Hachem de sortir des maisons jusqu’au matin. Rav Kamenetski en déduit l’enseignement général que même le sauvetage de tout le Clal Israël ne peut pas s’obtenir au prix de la moindre transgression d’une Mitsva de Hachem …

Rabénou Yona (Drachot ve’Hidouchim al HaTorah, p.103) explique que l’interdiction visait à ce que se manifeste l’indifférence totale des Bené Israël face aux évènements qui se déroulaient à l’extérieur. D’ordinaire, lorsqu’il y a un brouhaha dehors, des clameurs, les voisins sortent pour “voir de quoi il enretourne”. En montrant une impassibilité sans mesure face aux Egyptiens, les Bené Israël témoignaient leur rupture complète avec eux.

Rabénou Yona ajoute que bien que les Bené Israël doivent rester confinés dans leurs maisons, ils devaient se tenir prêts à partir, chaussures aux pieds, bâton en main, montrant ainsi leur Bita’hon (Confiance) absolu en Hachem.

Rav Chalom Noa’h Bérézovski (Netivot Chalom, p. 84 et suivantes) développe que la Sortie d’Egypte comportait deux facettes : la délivrance même de l’asservissement à l’Egypte, et l’élection des Bené Israël par Hachem comme Son Peuple. Cela rejoint les paroles du Midrach cité plus haut.

Rav Bérézovski explique ainsi que certains aspects de la Sortie d’Egypte étaient rattachés à la Délivrance même, tandis que d’autres se rapportaient au fait de devenir le Peuple Elu.

Le fait de mettre du sang du Pessa’h, ainsi que du sang de la Brit Mila (Circoncision) accomplie avant le Pessa’h, sur les poteaux et le linteau de la porte des maisons constituait la proclamation des principes de base de la Gueoula.

Le sang du Pessa’h, lié à la Hachga’ha (l’Attention particulière de Hachem pour Israël) représente l’acquisition d’un degré supplémentaire de Emouna.

Le sang de la Mila, quant à lui, manifeste la Kedoucha spécifique au Peuple Juif.

Ces deux sangs, apposés sur le cadre des portes, témoignaient de la présence d’un Juif authentique, qui s’engageait envers Hachem jusqu’au risque de son existence (bravant les Egyptiens, en égorgeant leur divinité …). C’était l’épreuve décisive au seuil de la Gueoula.

De même, le Navi (Prophète) annonce à l’approche de la Gueoula que nous attendons tous depuis si longtemps (Yechaya 26, 20) : “Vas, Mon Peuple, entre dans tes chambres et ferme tes portes sur toi ; cache-toi comme un instant, jusqu’à ce que passe la colère !”

Ce verset constitue la réponse à l’inquiétude du Navi face aux péripéties de la Gueoula à venir.

Rachi explique les termes du verset : “vas Mon Peuple, entre dans tes chambres : dans les Beth Haknésset et Beth HaMidrach (la Maison d’étude de la Torah).

Autre explication : réfléchis à tes actes dans les chambres de ton cœur. Et ferme tes portes sur toi : Fais-toi des bonnes actions qui te protègeront !”

A nouveau nous constatons que la Gueoula est liée à la manifestation de notre dépendance totale envers Hachem. Il n’attend pas de nous que nous “l’aidions” dans cette entreprise …

En conclusion du “programme” de la nuit de la Gueoula, La Torah nous prescrit d’accomplir la même Avoda (Service de Hachem) lorsque nous serons en Erets Israël.

Puis deux versets (12, 26) annoncent que nos fils exprimeront une question et donnent la réponse à cette question : “Et ce sera lorsque vos fils vous diront : qu’est-ce que cette Avoda pour vous ? et vous direz : c’est un Korbane (une offrande) pour Hachem Qui est passé sur les maisons des Bené Israël en Egypte …”.

Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah, p. 105) remarque que cette question est présentée dans la Hagada de Pessa’h comme celle du Racha, et que la réponse qui lui est donnée dans la Hagada diffère de celle qui lui est donnée dans la Torah. Il explique qu’en réalité la Torah ne s’occupe pas d’hommes inférieurs et méprisables, et certainement pas pour donner des réponses à des questions qui n’en sont pas. Toutefois la question formulée ici dans la Torah est en elle-même une question judicieuse, et qui mérite une réponse juste. Le problème de l’interlocuteur de la Hagada consiste en son approche de la vie, qui le mène à sa question, c’est ce qui lui vaut la réponse “vigoureuse” mentionnée dans la Hagada.

L’objectif de la Gueoula d’Egypte réside dans l’acceptation des principes fondamentaux de la Emouna, et leur application dans une relation de confiance absolue en Hachem. Les Bené Israël durent faire des efforts considérables pour atteindre un tel niveau. Tel est l’acquis que notre Paracha décrit et que nous devons renouveler chaque année au Séder de Pessa’h, et entretenir avec entrain chaque jour.

C’est ainsi que nous aussi pouvons avoir notre part à cette Gueoula, et progresser vers la Gueoula Ultime que nous attendons, et pour laquelle le Navi nous a dicté les mêmes préparatifs.

Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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