La Paracha précédente, Chemot, développait le sujet de la Galout Mitsraïm (d’Egypte) qui a duré 210 ans.
La Paracha Vaéra décrit le début du processus de la délivrance du peuple d’Israël – la Sortie d’Egypte.
Dans la Paracha précédente, Hachem a mandaté Moché Rabénou auprès de Par’o pour qu’il libère les Bené Israël.
Par’o réagit en durcissant les conditions d’esclavage des Bené Israël.
Gravement affecté par les terribles souffrances des Bené Israël, Moché Rabénou s’étonne face à Hachem du sens de sa mission qui a eu le résultat inverse à celui escompté (Chemot 5, 1-23).
Au début de notre Paracha, Hachem réprimande sévèrement Moché : …J’ai entendu le cri d’angoisse des Bené Israël… et Je me suis rappelé de Mon Alliance. (6, 2-5)
Cependant Hachem promet de délivrer les Bené Israël : « C’est pourquoi, dis aux Bené Israël : Je suis Hachem, et Je vous sortirai de sous les sévices de l’Egypte, et Je vous sauverai de leur esclavage, et Je vous libèrerai d’un bras étendu, et avec des grands « jugements » (punitions). Et Je vous prendrai pour Moi comme peuple, et Je serai pour vous Dieu, et vous saurez que Je suis Hachem votre Dieu qui vous a sortis de sous les sévices d’Egypte. Et Je vous amènerai vers la Terre pour laquelle J’ai é levé Ma Main pour la donner à Avraham, à Its’hak et à Yaacov. Et Je vous la donnerai en héritage, Je suis Hachem. » (6, 8)
Les quatre termes employés par Hachem dans Sa promesse : Je vous sortirai, Je vous sauverai, Je vous libèrerai, Je vous prendrai sont appelés par nos ‘Hakhamim « les Quatre langages de Gueoula (la Délivrance).
Le Midrach (Chemot Rabah, 6, 4) souligne que quatre expressions de Gueoulot (délivrances) sont citées ici, en rapport avec quatre décrets que Par’o a pris contre les Bené Israël : l’asservissement, l’ordre aux sage-femmes de tuer les garçons nouveau-nés, de jeter les garçons dans le Nil, et enfin ne pas fournir la paille nécessaire à la confection du mortier afin de disperser les Bené Israël dans tout le pays.
La Michna (Pessa’him, 10, 1) dicte d’attribuer à chacun (même de la caisse de Tsedaka s’il n’en a pas les moyens) quatre coupes de vin pour le Séder du soir de Pessa’h.
La Guemara (Talmud Yerouchalmi) demande quelle est l’origine de la Mitsva de ces quatre coupes de vin.
Nos ‘Hakhamim apportent diverses réponses, et parmi elles :
– ces quatre coupes de vin rappellent les quatre expressions de Gueoula (citées plus haut).
– ces quatre coupes de vin évoquent les quatre « royaumes » qui ont asservi les Bené Israël au long de l’Histoire : Bavel (La Babylonie), Parass (La Perse et Médie), Yavan (la Grèce) et Edom (Rome).
Ces quatre Royaumes qui ont asservi les juifs auxquels la Torah fait allusion lors de la Création et du Brit Ben Habetarim (l’Alliance des « morceaux « ) que Hachem a conclu avec Avraham (cf. notre Dvar Torah sur la Paracha précédente, Chemot).
Rav Meïr Sim’ha (Méchèkh ‘Hokhma, Chemot, 6,6) explique le lien entre les quatre coupes et les quatre langages de Gueoula. Il relie chaque coupe à une dimension particulière dans la Gueoula, mais également aux divers mérites des Bené Israël qui leur ont valu ces étapes de la Gueoula.
Ainsi « Vehotséti » (Je vous sortirai) correspond à la coupe du Kidouch. « Sortir » est rattaché par nos ‘Hakhamim (Yalkout Chim’oni 828) à la sortie d’un embryon du ventre de la vache). Seule la distinction profonde d’identité entre les Bené Israël et les égyptiens a permis de les « sortir ». Tout comme nous « sanctifions » le jour de Yom Tov par le Kidouch (et encore plus, ce sont les ‘Hakhamim qui communiquent la Kedoucha « Sainteté » au jour de Yom tov au moyen de la fixation du calendrier), de même, c’est le respect de la Kedoucha qui nous a valu de « sortir » d’Egypte. En effet, les Bené Israël se sont gardés des fautes de « moralité » pendant toute la durée de leur séjour en Egypte.
« Vehitsalti » (Je vous sauverai) est lié à la troisième coupe, celle du Birkat Hamazon, et au mérite de s’être gardés de toute dénonciation d’un frère Juif aux égyptiens.
Le Birkat Hamazon manifeste notre sérénité face aux besoins du quotidien, que Hachem satisfait. Ainsi toute source de conflit et de réticence d’un Juif envers l’autre est écartée par la confiance en Hachem. Cette unité était la condition du sauvetage, car seule la poursuite par un étranger peut donner lieu à un sauvetage par Hachem, mais pas l’animosité d’un frère.
« Vega’alti » (Je vous « rachèterai »- libèrerai) : si les Bené Israël avaient sombré dans la « condition d’esclavage » sans aspirer à la dignité, ils n’auraient pas pu être « rachetés ». En gardant leurs noms, ils manifestaient la pérennité de leur identité depuis les Avot. Cette Gueoula est en rapport avec la seconde coupe sur laquelle nous récitons la Hagada, qui nous rattache à nos Grands ancêtres, les Avot (Patriarches), et nous lisons conjointement la première partie du Hallel qui rappelle les racines de notre Peuple.
Enfin « Velaka’hti » (Je vous prendrai) est lié au fait que les Bené Israël n’avaient pas changé leur langage, manifestant ainsi la conscience de leur identité et de leur avenir de Peuple avec son identité et son avenir particulier. C’est la quatrième coupe sur laquelle nous récitons la seconde partie du Hallel après le Birkat Hamazon, exprime notre confiance dans l’avenir que nous réserve Hachem.
Rav Chalom Noa’h Bérézovski (Netivot Chalom, p.53) remarque que la Torah s’étend abondamment sur la Galout et la Gueoula d’Egypte car elles ont une dimension éternelle.
Toutes les Galouyot du Clal Israël, et même les « Galouyot » de chaque Juif individuellement (c’est-à-dire les moments d’obscurité où il ne perçoit pas pleinement son lien avec Hachem) dans son existence sont incluses dans la Galout d’Egypte.
Il souligne que chacune des quatre expressions possèdesa spécificité, et qu’il ne s’agit pas de simples synonymes. Ces termes expriment, (comme nous l’avons vu de manière comparable dans l’explication du Méchèkh ‘Hokhma), des niveaux de Galout desquels les Bené Israël devaient sortir.
Le niveau le plus grave est comme le petit veau qui se trouve dans le ventre de la vache, complètement intégré, privé d’existence propre.
Ainsi les Bené Israël faisaient corps avec l’Egypte, et ainsi de l’ensemble de notre Peuple ou de chacun de nous, jusqu’à ce que l’intervention de Hachem sorte le Peuple Juif de la Galout, ou encore le Juif de sa Galout personnelle. Les niveaux s’échelonnent, jusqu’à arriver à l’intimité avec Hachem.
Rav Bérézovski dit que le Chabat est l’occasion d’une telle délivrance. Depuis le début du Chabat où on commence par se dégager des liens de la semaine par les règles du Chabat, pour s’élever degré par degréjusqu’à arriver à ressentir l’intimité complète avec Hachem.
Rav Guedaliahou Schorr (Or Guedaliahou, p.23) cite le Baal Hatourim qui relie les quatre termes aux quatre royaumes, ainsi que les Midrachim qui les rattachent aux décrets de Par’o.
Il conclut en expliquant que pour atteindre pleinement le niveau de « Velaka’hti » (Je vous prendrai comme Peuple), les Bené Israël auraient dû supporter les décrets durs jusqu’au point où la dureté de l’asservissement aurait complété le niveau nécessaire à la Gueoula définitive dès la Sortie d’Egypte. Toutefois lorsqu’ils ne purent pas tenir face à cette épreuve, et que Moché Rabénou exprima sa « plainte » à Hachem sur l’échec apparent de sa mission, c’est alors que, étant insuffisamment affranchis des faiblesses qui avaient justifié la Galout, les quatre termes de Gueoula se transformèrent en Gueoula à venir des quatre royaumes auxquels ils devaient dès lors être confrontés pour parachever leur lien avec Hachem.
Rav Schorr ajoute que le quatrième décret de Par’o, qui ordonnait la dispersion des Bené Israël dans toute l’Egypte pour qu’ils aillent chercher de la paille pour le mortier, correspond à notre long exil dont la caractéristique essentielle est la dispersion.
Rav Schorr rapporte les paroles du Sfat Emet qui explique que c’est pourquoi la promesse correspondante à ce décret est « Velaka’hti » : Hachem nous « prendra » pour Lui, et grâce à notre attachement à la Avoda (le Service de Hachem) nous serons sauvés de la dispersion, et de la « Sin’at ‘Hinam » (divergence) qui est le mal principal de notre Peuple depuis la période de la destruction du second Beth Hamikdach.
Ces quelques explications démontrent le lien étroit entre les faiblesses qui déclenchent la Galout et les qualités qu’il nous incombe de développer afin de vaincre l’épreuve de la Galout, chaque Galout s’accomplissant dans un environnement spécifique, tendant à accentuer en nous les tendances mauvaises que nous devons maîtriser. La Gueoula viendra alors couronner la victoire sur ces épreuves.
Notre Galout, la quatrième, est liée, comme nous l’avons vu, au quatrième décret de Par’o, qui correspondait à la faiblesse qui se manifeste par la divergence et l’incompréhension mutuelle dans le Clal Israël. Chacun doit surmonter l’épreuve de « Sin’at ‘Hinam » le manque d’unité entre nous, qui est symptôme d’un manque dans notre attachement à Hachem, pour mériter la Gueoula de nos Galouyot individuelles (mentionnées par Rav Bérézovski, ci-dessus), et, enfin la Gueoula complète avec la venue du Machia’h, très bientôt.
Rav Eliezer RISSMAK Yechiva OHALE YAACOV
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