Parasha – 167 – Choftim 5784

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La Paracha Choftim consacre un espace important (Devarim 20, 1-20) à la guerre contre les divers ennemis du Peuple Juif.

La Torah distingue deux sortes d’ennemis, les “adversaires économiques”, face auxquels les enjeux sont uniquement d’ordre matériel. Dans ce cas de figure, la Torah nous dicte une démarche de “conciliation” (20, 10-11). Si l’ennemi ne veut pas composer, la Torah définit les modalités de la poursuite de la guerre (20, 12-15) ; 19-20).

Mais la Torah nous définit une autre catégorie d’ennemis, un ennemi fondamental : les peuples du pays que Hachem nous octroie, Erets Kenaan, qui deviendra Erets Israël.

Ici, l’opposition n’est pas d’ordre matériel. Ce n’est pas une question “d’intérêt” qui nous amène au conflit, mais la Mitsva de Hachem de mettre fin totalement à leur existence (20, 16-18).

Cette option brutale d’anéantissement total qui a de quoi nous choquer n’est pas une initiative humaine, mais une Mitsva de Hachem.

Rabénou Be’hayé (Devarim 20, 10) explique la différence. Dans le premier cas où il s’agit d’un adversaire “ordinaire”, l’enjeu n’est que la domination, la soumission de l’ennemi.

Cet objectif se partage entre le niveau matériel du conflit et la dimension spirituelle qui se situe dans les “forces” créées par Hachem pour présider à l’existence des diverses nations. Le degré d’anéantissement de l’ennemi est mesuré (20, 13-14), pour atteindre le but recherché dans ce conflit, tant au niveau spirituel que matériel.

Par contre, dans le cas de la confrontation avec les peuples de Kenaan, Hachem exprime une condamnation sans appel.

Rav Zalman Sorotskin (Oznaïm LaTorah, 20, 16) compare cette condamnation à celle des villes de Sedom et Amora.

Toutefois Hachem leur a ménagé une “porte de sortie” s’ils se retirent d’Erets Israël, auquel cas la “Galout” (exil) leur servira de réparation pour les abominations qu’ils ont commises tout au long des générations.

Cette condamnation des Cananéens par la Torah, au titre de leur “nuisance” essentielle dans la Création par leurs mœurs abominables, se double d’une mise en garde que Hachem adresse aux Bené Israël relativement à l’influence néfaste que ces peuples peuvent avoir sur le Peuple de Hachem. Le verset (20, 18) dit : “Afin qu’ils ne vous enseignent pas de faire comme toutes leurs abominations qu’ils ont faites pour leurs divinités, et que vous ne fautiez envers Hachem votre Dieu !”

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Description générée automatiquementRabbi Yerou’ham Leivovitz (Daat ‘Hochma OuMoussar II, 89 ; Daat Torah Devarim 20, 17-18) développe la notion de l’influence extérieure. Il remarque l’importance que la Torah accorde à ce problème, en mentionnant l’abondance de versets dédiés à la distance à prendre vis-à-vis des non-juifs et de leur exemple. Il souligne en particulier les versets de notre Paracha (20, 17-18) “car anéantir tu les anéantiras, le ‘Hiti, et le Emori, le Kenaani, et le Perizi, le ‘Hivi et le Yevoussi, (les peuples de Kenaan) comme te l’a ordonné Hachem ton Dieu. Afin qu’ils ne vous enseignent pas de faire comme toutes leurs abominations qu’ils ont faites pour leurs divinités, et que vous ne fautiez envers Hachem votre Dieu !”.

Rabbi Yerou’ham ajoute encore les versets de la Paracha Nitsavim (Devarim 29, 15-17) “Car vous savez ce que nous avons séjourné dans la Terre d’Egypte, et ce que nous avons passé au sein des peuples où vous avez passé. Et vous avez vu leurs abominations et leurs répugnances … De peur qu’il n’y ait parmi vous un homme ou une femme, ou une famille, ou une Tribu dont le cœur se détournerait aujourd’hui d’avec Hachem notre Dieu, pour aller servir les divinités de ces peuples …”.

Rav Leivovitz remarque que la Torah met davantage en garde contre l’influence extérieure que contre nos propres pulsions néfastes. Il cite à l’appui les paroles du Gaon de Vilna qui explique qu’il y a deux sortes de Yetser Hara (Penchant pour le Mal) : le Yetser Hara intérieur, et le Yetser Hara extérieur. Rabbi Yerou’ham souligne que les nombreux versets dédiés à l’influence négative des non-juifs sont la base de la notion de Yetser Hara extérieur défini par la Gaon de Vilna. Face à cette nuisance, il n’y a pas d’autre échappatoire que la fuite. Il est illusoire d’espérer le vaincre par la discussion logique. L’influence de la vue, comme l’exprime le verset de la Paracha Nitsavim (cité plus haut) est prépondérante, et ne peut pas être surmontée par l’intellect.

Rav Leivovitz rapporte à ce propos les paroles du Rambam (Hilkhot Déot, 6, 1) : “La nature de la Création de l’Homme est d’être entraîné à la suite de ses proches et de ses amis, se comportant comme les hommes de sa contrée. C’est pourquoi l’homme doit se lier aux Tsadikim, et résider parmi les ‘Hakhamim en permanence afin d’apprendre de leurs actions. Et de s’éloigner des Rechaïm qui cheminent dans les ténèbres, afin de ne pas apprendre de leurs actions …”.

Rabbi Yerou’ham insiste que cette nuisance est particulièrement marquée à notre époque (et ces enseignements de Rabbi Yerou’ham datent d’il y a déjà un siècle !…) en remarquant qu’il ne s’agit pas seulement d’actions ponctuelles mauvaises, mais encore plus de comportements variés, sans raison apparente, mais qui constituent l’atmosphère générale du monde extérieur à la Torah. Les exemples qu’il cite feraient probablement sourire, à notre époque où les clichés du monde extérieur ont totalement acquis “droit de cité” parmi nous, malheureusement ! Il montre comme illustrations le port de la pochette portée dans la poche supérieure de la veste, ou encore du “football”, qui pour nous n’est plus du tout lié au monde non-juif. Ces exemples n’en restent pas moins significatifs, car ils témoignent de la pénétration de la mentalité étrangère dans notre quotidien. Il ne mentionne évidemment pas les études universitaires qui n’avaient pas encore envahi nos communautés …

Toutefois, les “avertissements” que Hachem nous a prodigués dans la période récente dans ce domaine ne sont pas sans rappeler les “Lois de Nuremberg” qui renvoyèrent en leur temps les Juifs de la fréquentation des lieux d’activité sociale des non-juifs. Il s’agit ici non de transgressions d’interdits précis de la Torah, mais de “regard sur la vie”.

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Description générée automatiquementRav Ye’hezkel Lewenstein (Or Ye’hezkel, Midot, p. 295) remarque que le problème exprimé dans les divers versets de la Torah revêt une dimension supérieure à l’époque moderne où l’idolâtrie a été remplacée par la négation et la “Apikorsout”, le rejet de toute valeur spirituelle. L’influence de l’environnement est ainsi encore plus corrosive. Il cite également la notion de Yetser Hara extérieur développée par le Gaon de Vilna. Il appuie encore la mise en garde sur le premier Psaume des Tehilim, par lequel David HaMélekh introduit ses recommandations : “…Heureux l’homme qui n’est pas allé dans le projet des Rechaïm, et ne s’est pas tenu dans le chemin des fauteurs, et ne s’est pas assis dans la séance des moqueurs”. C’est le début de l’effort, de se tenir à l’écart des mauvaises influences, car en pareille compagnie, tout le Sefer Tehilim n’aidera pas dans la recherche du lien avec Hachem.

Rav Lewenstein remarque encore (Or Ye’hezkel Yamim Noraïm, p. 161) que ce qui est vrai des non-juifs dont nous sommes a priori distants est a fortiori justifié relativement à la proximité avec des Juifs qui renient la Torah. Leur proximité fondamentale avec nous nous rend leur influence néfaste d’autant plus puissante et dangereuse.

Rav Arié Zeèv Gourewitz souligne (Meoré Chearim p. 5) que la Mitsva de nous tenir à l’écart des mœurs des non-juifs (Vayikra 18, 3-5) afin de nous attacher à la (vraie) vie s’applique essentiellement aux comportements dans lesquels nous ne percevons même pas la moindre dimension négative. Toute leur culture est imprégnée des “valeurs” négatives de leur civilisation.

Notre Paracha met en garde les Bené Israël au seuil de l’entrée en Erets Israël, afin que notre existence là-bas soit “garantie”. A notre époque, où la présence du Beth HaMikdach et son influence profonde sur notre “état d’esprit” manquent dramatiquement, nous devons prendre d’autant plus à cœur les recommandations de notre Paracha, afin de sécuriser notre présence dans le “Palais Royal” de Hachem. 

Chabbat Chalom !