Parasha – 162 – Matot 5784

בס »ד

La guerre contre Midian occupe une place importante dans la Paracha Matot.

À la suite des évènements de Chitim où les Bené Israël avaient été entrainés à fauter par les femmes Moavites et Midyanites, Hachem ordonne à Moché Rabénou une guerre punitive contre Midian (31,2). Le terme employé pour cette Mitsva est : « Nekama », que l’on traduit généralement par « vengeance », ce qui est une erreur.

Rav Chimchon Raphaël Hirsch relie ce mot à la racine « Koum » – élever ».

Il ne s’agit pas de punir le coupable, mais de rétablir le droit, ainsi que la personne injustement abaissée.

Pour accomplir l’ordre de Hachem, Moché choisit mille hommes par tribu (31, 4), soit un total de 12.000 hommes, pour partir en guerre contre une nation entière. La raison de ce chiffre exagérément faible est que cette campagne sera clairement accomplie par Hachem, sans la moindre apparence de fonctionnement « naturel ».

La guerre se conclut par l’anéantissement de Midian, sans aucune perte humaine parmi les Bené Israël (31,49), et sans même un seul « débordement » de comportement de la part d’un seul soldat parmi les Bené Israël (Rachi 31, 49, tiré du Targoum).

Lorsque les soldats reviennent de la guerre, Hachem ordonne à Moché Rabénou de faire l’inventaire et le partage du butin en êtres vivants. Le passage consacré à cette opération semble exagérément long (31,25-47), en comparaison de la sobriété générale du texte de la Torah. De plus le partage par moitiés entre les soldats et l’ensemble du Peuple (31, 27), et les prélèvements destinés à Elazar le Cohen Gadol (31, 28-29) et aux Leviim (31, 30) sont étonnants. Hachem a dit (Bamidbar 18, 20) à Aharon le Cohen qu’il n’aurait part ni dans la distribution des terres en Erets Israël, ni dans le butin des diverses guerres. La campagne contre Midian constitue donc une exception.

Du fait que la Torah est un enseignement éternel, il nous incombe de comprendre la portée de cette décision pour les générations.

Considérons tout d’abord le partage entre les soldats et le reste de la population. A première vue, Il pourrait sembler qu’il s’agit ici de la règle instaurée officiellement plus tard par David Hamélekh (Chmouel I, 30, 24-25) à la suite d’une expédition victorieuse contre Amalek.

Face aux soldats qui voulaient exclure du butin ceux qui étaient restés « en arrière », David confirma la règle établie déjà par Avraham Avinou lors de la guerre contre les quatre rois qui avaient capturé son neveu Lot (Rachi), le partage doit être égal entre les combattants et les appuis de « l’arrière » (Beréchit 14, 24).

Rav Zalman Sorotskin souligne que cette explication est erronée (Oznaïm laTorah 31,27). D’une part il apparait du verset :  » Mille par tribu, mille par tribu etc… » (31, 4) qu’en plus des 12.000 soldats, les Bené Israël ont envoyé 12.000 hommes pour garder l’arrière. De plus Rav Sorotskin remarque que si le Peuple entier devait être considéré comme « les arrières », alors le partage aurait été égal entre tous les Bené Israël, (cela concernerait tout le butin, y compris les objets) et non moitié pour les soldats, moitié à distribuer entre tout le Peuple.

Rav Sorotskin explique qu’en vérité tout Israël était « partie prenante » dans cette expédition, mais Moché n’a laissé participer que ceux qui n’avaient pas fauté, ne serait-ce que par la pensée ! Cette guerre manifestement miraculeuse devait laisser un droit à l’ensemble des Bené Israël.    

Il reste que la part des soldats a été effectivement partagée également entre les combattants et les 12.000 « arrières ». Le Malbim explique l’octroi de la part des Bené Israël par le fait que le miracle de la victoire était dû au mérite de l’ensemble du Peuple, ce qui leur donnait un statut comparable aux « arrières ».

Rav Eliachiv (Divré Aggada, p.321) introduit ce passage par la Guemara (Sanhédrin 49a) : « Si ce n’était David, Yoav n’aurait pas fait la guerre » ! Rachi explique : « Si ce n’était David qui étudiait la Torah, Yoav n’aurait pas fait la guerre. Mais le mérite de David soutenait Yoav dans les guerres de David ».

Rav Eliachiv complète son commentaire relativement à la guerre de Midian, par un enseignement de nos ‘Hakhamim (Midrach Bamidbar Rabah 22,3) :  » 3000 de chaque tribu, 12.000 soldats, 12.000 gardant le matériel, et 12.000 pour la Tefila (Prière) ». Et d’où le savons-nous ? Du fait qu’il est dit dans les versets (31,4-5) : « mille par tribu, mille par tribu… et furent confiés des milliers d’Israël mille par tribu… ».       

Rav Eliachiv souligne qu’il s’agissait là d’une campagne ordonnée par Hachem, et accompagnée par Pin’has fils d’Elazar fils d’Aharon le Cohen, et les « objets » de Kedoucha (sainteté), avec le Aron Hakodèch (contenant les Lou’hot- Tables des Commandements). Et même dans ces conditions, il s’est avéré nécessaire de désigner particulièrement un homme dédié exclusivement à prier pour les combattants, et la victoire fut, grâce à tous ces « atouts », exceptionnelle.

Aujourd’hui où nous ne disposons plus de ces mêmes « atouts », combien devons-nous consacrer de « soldats » réservés à la Torah et à la Tefila pour obtenir l’aide de Hachem face aux dangers qui menacent en permanence notre Peuple !!!

Dans le même esprit, Rav Matityahou Salomon, Machguia’h de la Yechiva de Lakewood, USA, raconte sa rencontre dans un autobus avec un Israélien d’âge mûr, à son arrivée en Israël, en 1956. Il était alors âgé de 17 ans, et arrivait en Erets Israël pour intégrer la Yechiva. Son voisin dans l’autobus, qui semblait être un cultivateur Kibboutsnik (en short et bonnet caractéristiques), l’interpella, le traitant de traitre, lui reprochant d’être resté tranquillement dans sa Yechiva, pendant que « leurs » jeunes s’exposaient au danger au front. Le jeune Matityahou Salomon lui répondit ainsi : « Tout d’abord, saches que je viens d’arriver d’Angleterre. Et là-bas, dans notre Yechiva, le Roch Yechiva nous a réunis pour nous dire : nos frères en Erets Israël sont en danger ; certains se trouvent au front pour combattre nos ennemis.

Nous aussi devons fournir un effort pour la sécurité de notre Peuple. Levons-nous chaque jour plus tôt que d’habitude, pour étudier et appuyer par le mérite de notre étude les efforts de nos frères ». Matityahou conclut en disant : « Si j’étais venu au front, à côté des chars, sur un vélo, armé d’un arc et de flèches, tu ne m’aurais pas traité de traitre, mais au maximum, de fou ! ».

Son interlocuteur (qui s’avéra être un « honorable » universitaire…) lui répondit honnêtement : « Non ! tu n’es pas fou… »

Quant aux prélèvements que Hachem a ordonnés à Moché Rabénou de prendre pour les soldats et le Peuple, Le Haamèk Davar explique que la part du butin réservée aux soldats attribuée à Elazar est, en fait, une Terouma (Prélèvement) réservée à Hachem pour rappeler que la victoire n’est pas due à l’efficacité des soldats. De même que chaque Terouma prélevée sur les récoltes, celle-ci aussi revêtait un caractère de Kedoucha et a ensuite été attribuée par Hachem à Elazar le Cohen.

Pour ce qui est du prélèvement sur la part des Bené Israël, et destiné aux Leviim, le Haamèk Davar le relie au Midrach sur le verset (Devarim 14, 22) qui ordonne de prélever un dixième des récoltes et que le propriétaire lui-même ou ses invités le consomment à Yerouchalaïm « Afin que tu apprennes à craindre (respecter) Hachem ton Dieu toujours ».

Nos ‘Hakhamim (Midrach Tan’houma Reéh 18) appuient sur cette Mitsva l’extension de la Mitsva de Maasser (Dîme) des produits végétaux aux profits financiers (commerçants et marins) : « de prélever un dixième pour ceux qui se consacrent à l’étude de la Torah ».

Le Haamèk Davar s’étonne que ce maasser soit attribué à ceux qui s’adonnent à l’étude de la Torah plutôt qu’à toute autre Tsedaka. Il explique que le lien établi par les ‘Hakhamim avec le Maasser Chéni consommé à Yerouchalaïm qui vient renforcer notre Yir’at Chamaïm (Crainte de Hachem), justifie cette attribution.

De même que le séjour à Yerouchalaïm fortifie notre Yir’at Chamaïm (voir Guemara Bava Batra 21a et Tossfot Ki MiTsion)) ainsi les Leviim (ainsi que ceux qui se donnent à l’étude de la Torah ; cf. Rambam, Hilkhot Chemitah Veyovel 13,13) fortifient notre attachement à Hachem. C’est à ce titre que Hachem a ordonné à Moché d’attribuer un prélèvement aux Leviim car c’est par leur mérite que les Bené Israël sont protégés de tout mal et guidés dans le chemin de l’existence.

Notre Paracha a donc consacré 23 versets pour nous gratifier de la ligne de conduite éternelle, qui a toujours fait la grandeur de notre Peuple.

Chabbat Chalom !

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