Parasha – 161 – Pin’has 5784

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Cette Paracha qui traite de multiples sujets est dédiée à Pin’has, le petit fils de Aharon.

Hachem attribue à Pin’has le mérite d’avoir écarté Sa colère des Bené Israël en manifestant “à Sa place” l’emportement (Kin’a) en leur sein, et évitant ainsi l’anéantissement des Bené Israël (Bamidbar 25, 11).

Pour comprendre cette déclaration de Hachem, retournons en arrière, à la fin de Balak, la Paracha précédente, dans la description de la faute des Bené Israël avec les femmes de Moav et Midian (25, 1-9).

À la suite du conseil de Bil’am, Balak entreprend de faire chuter les Bené Israël en les incitant à la débauche avec les femmes de Moav et Midian, afin de les amener ensuite à la pratique du culte de “Baal Peor”, divinité dont le culte consiste à déféquer face à l’idole (Rachi 24, 14).

Cette idolâtrie particulièrement répugnante est décryptée comme le culte de la permissivité extrême.

Rien ne mérite le moindre respect ; aucune barrière ne s’élève face aux pulsions les plus viles.

Rav Chalom Chapira (HaMaor ChébaTorah, p.217) souligne que la démarche de Bil’am ne consistait pas en un simple relâchement des mœurs, mais d’une “idéologie” sophistiquée : prôner la “fraternité” des peuples, s’opposer à la guerre et à toute forme de conflit… cultiver une certaine forme de “convivialité” généralisée débouchant sur l’annulation de toutes les frontières et au mélange systématique des peuples.

Rav Chapira conclut que c’est la même “philosophie” de compréhension et de tolérance mutuelle et universelle qui resurgit au fil des siècles, et particulièrement à l’époque moderne (la France de la fin des “années soixante” et le monde entier à sa suite en sont l’illustration parfaite…).

Face à cette idéologie se dresse Pin’has, un Tsadik d’une stature exceptionnelle, et, plus tard, au fil des générations, Eliahou HaNavi dont nos ‘Hakhamim disent qu’il est Pin’has.

Pin’has et Eliahou, semblent, de prime abord, être animés, l’un comme l’autre de sentiments “belliqueux”, radicaux, à l’opposé de toute possibilité d’harmonie.

Pin’has vient en rupture avec la situation de crise générée dans le Peuple d’Israël par l’approche des Moavites, et par son acte extrême il enraye la dégradation qui aurait ‘has veChalom, mené à la perte des Bené Israël.

Eliahou, quant à lui, interviendra dans une période de “dérapage” vers l’idolâtrie dans le Royaume sécessionniste d’Israël (Melakhim I, 16,29-18,40).

Après avoir décrété la sècheresse sur Israël en réponse à la provocation du roi A’hav qui “s’étonnait” de son impunité pour la pratique institutionnalisée de l’idolâtrie, Eliahou laisse le pays se débattre pendant trois ans dans une famine terrible.

Au bout de trois ans, Hachem ordonne à Eliahou de rencontrer à nouveau A’hav afin de lui annoncer le retour de la pluie (Melakhim I, 18,1).

Suit alors la confrontation avec les “prophètes” de l’idolâtrie au Mont Carmel (18, 19-46) qui s’achève par la Techouva collective des Bené Israël, et l’élimination des prêtres idolâtres.

Les interventions de Pin’has et Eliahou HaNavi s’inscrivent donc toutes deux dans une démarche “chirurgicale” catégorique, qui ne laisse aucune place à la clémence !

Comment comprendre, alors, ce qui est dit au sujet de chacun d’eux ?!

Sur Pin’has, Hachem dit (Bamidbar 25, 11-13) : “(Pin’has) a écarté Ma colère de sur les Bené Israël… c’est pourquoi, dis : voici Je lui donne Mon alliance de Chalom… une alliance de Kehouna (être Cohen) éternelle…”.

Comment comprendre ces versets ? Où se situe ici le “Chalom” dans une action violente ?! Le Cohen serait-il un exemple de “brutalité” là où nous attendons du représentant du Peuple Juif face à Hachem d’être un modèle de bonté pure ?!

De même, dans la conclusion des prophéties (Mal’akhi 3, 23-24), Eliahou HaNavi est appelé à préparer la Gueoula (Délivrance) ultime en : “ramenant le cœur des pères vers Hachem par les fils, et des fils par les pères” (Rachi), et amenant le Chalom dans le monde (Michna Edouyot 8,7).

Rav Elyashiv on the Parsha-Beshalach-Some Minhagim are just wrong | Yeshiva  of Newark Podcast | Podcasts on Audible | Audible.comRav Eliachiv (Divré Agada p. 314) soulève cette question relativement à Pin’has : “Celui qui se distingue dans la guerre reçoit une médaille représentant le glaive ; celui qui se distingue dans l’aviation aura droit à une distinction représentant un avion. Or ici, Pin’has a accompli un haut fait d’arme, et cependant la distinction qui lui a été attribuée est “l’alliance de Chalom” !

Et Rav Eliachiv explique que Pin’has a fait là œuvre de Chalom, conformément à la Michna qui stipule (Avot 1, 12) : “Hillel dit : Sois parmi les disciples d’Aharon, aimant le Chalom, et poursuivant le Chalom, aimant les créatures et les rapprochant de la Torah !”.

Rav Eliachiv souligne que chacun des termes de cette Michna est extraordinaire, aimer le Chalom, et poursuivant le Chalom … Et quel est le sens d’ajouter : “Sois parmi les disciples d’Aharon” ?!

Il explique que la Michna nous enseigne ici la condition indispensable pour que ces bonnes “Midot” (traits de caractère) aient leur véritable valeur : il faut qu’elles soient marquées du sceau d’Aharon !

Pour illustrer cet enseignement, Rav Eliachiv cite la Michna (fin de Ouktsin) : “Hachem n’a pas trouvé de récipient contenant la Berakha pour Israël autre que le Chalom”.

Pourquoi la Michna qualifie-t-elle le Chalom de “récipient” ? Pour nous apprendre que tout comme le récipient dépend de ce qu’on y met, et s’il est rempli de poison, il est à l’opposé du but pour lequel il a été fabriqué ; il en est de même pour le Chalom : tout dépend de ce qu’on y met … s’il s’agit de la “convivialité” effrénée des disciples de Bil’am, il n’est que poison ! Si par contre on construit le Chalom selon les principes de Kedoucha d’Aharon, il prend toute sa valeur !

Rav Mordekhaï Miller (Olat Chabat BeChabato, p.347) présente une analyse similaire. Il cite les paroles de Rav Yehouda Leib ‘Hasman (Or Yahel) qui relève l’incohérence de notre comportement : si nous voyons circuler librement un assassin notoire, il va de soi que nous sommes révoltés face à un tel spectacle !

En revanche, si nous croisons un écrivain produisant des livres en rupture avec la Torah, loin de réagir défavorablement, nous nous sentirons flattés qu’il nous salue … Et pourtant au regard de la Torah, c’est un véritable “serial killer” par ses écrits !!!

Nous comprenons enfin la raison pour laquelle Hachem a insisté sur la filiation qui reliait Pin’has à Aharon.

Rav David Powarski explique que la contestation des Bené Israël à l’encontre de Pin’has était d’affirmer que son acte n’était pas purement motivé par un emportement pour l’honneur de Hachem puisque Pin’has portait en lui l’héritage des caractéristiques de son ancêtre Yitro, et que c’est de là que provenait l’élan qui avait mené à son acte (Yichmerou Daat, p.246). Hachem répondit à cette critique en certifiant que la racine de son intervention était totalement pure, issue d’Aharon.

A l’instar de Rav Eliachiv, Rav Chalom Noa’h Bérézovski (Netivot Chalom, p.151) s’étonne du rapport entre le “haut fait” belliqueux de Pin’has et sa récompense totalement liée au ‘Héssed (bonté). Il explique que Pin’has a réagi pour l’honneur du Peuple Juif, bafoué par la compromission de membres de notre Peuple avec l’impureté des nations. Il développe encore la gravité de la faute dans un autre texte (p.146). Certaines fautes entrainent des punitions plus lourdes, comme l’idolâtrie dans le contexte que nous traitons. Mais la faute, semble-t-il moins grave de relation avec une non-juive constitue une infidélité fondamentale à la Kedoucha (sainteté – réserve) qui caractérise notre lien privilégié avec Hachem.

La passivité de l’ensemble des Bené Israël face à cette atteinte mettait en danger toute la dimension profonde de notre Peuple, l’exposant ainsi à un risque d’anéantissement.

Pin’has sauva ainsi les Bené Israël et c’est pourquoi le verset souligne qu’il a exprimé l’emportement de Hachem “Betokham-en leur sein” (25, 2). Il a restauré le sentiment profond du lien exclusif avec Hachem dans le cœur de tous.

De même, Eliahou HaNavi, a dû faire face à une passivité généralisée des Bené Israël au spectacle des écarts idolâtres de l’entourage royal, et il a su prendre l’initiative héroïque de réagir énergiquement, et provoquer ensuite une confrontation publique afin de radicaliser à nouveau le Peuple d’Israël contre la moindre complaisance envers l’idolâtrie.

C’est cette intervention courageuse, sans la moindre hésitation, qui lui vaut d’être destiné à nous sauver à nouveau de l’apathie pour préparer la Gueoula annoncée par le Navi Mal’akhi, et nous préparer ainsi positivement au “jugement” ultime.

C’est aussi ce qui justifie sa “présence” à nos côtés à chaque Brit Mila (circoncision) où nous proclamons au fil des générations notre fidélité indéfectible à Hachem.

Puissions-nous puiser dans les exemples de Pin’has et d’Eliahou l’énergie de revenir à la puissance de sentiments qui a permis à nos ancêtres de traverser toutes les péripéties de l’Histoire sans se laisser influencer par l’atmosphère des cultures avoisinantes !

Chabat Chalom !

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