Parasha – 160 – Ben Hamétsarim 17 Tamouz – 9 Av 5784

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La période de “Ben Hamétsarim” – “entre les limites”, est un moment de réflexion particulier.

Il s’agit des trois semaines comprises entre le 17 Tamouz, date de la faute du Eguel (Veau d’Or), et le 9 Av, date de la faute des Meraglim (Explorateurs).

Ces deux fautes déterminent la source de toutes les difficultés qui ont accablé notre Peuple au fil des temps. Elles sont la racine des faiblesses qui ont justifié toutes les Galouyot (les Exils), et de toutes les catastrophes qui nous ont frappé.

Cette période est appelée “Ben Hamétsarim” – “entre les limites”, en référence au verset : “Tous ses poursuivants l’ont atteinte entre les limites” (Eikha 1, 3) . Rachi explique d’abord le mot “limites” comme désignant les frontières des champs et vignes. Puis il cite le Midrach qui dit qu’il s’agit de la période entre le 17 Tamouz et le 9 Av.

Ces jeûnes reliés à la destruction du Beth Hamikdach (le Temple) furent institués par les Neviim, contemporains de la destruction du premier Beth Hamikdach (Zekharia 8, 19). Le 17 Tamouz, date de la première brèche dans la muraille de Yerouchalaïm, et le 9 Av, jour de la destruction du Beth HaMikdach se distinguent parmi les autres jeûnes, avec la période qui les sépare.

Il ne s’agit évidemment pas de passer uniquement ces deux journées de jeûne à s’abstenir de manger et d’être “quitte” par cela du deuil de l’effondrement de notre Peuple, représentant de Hachem face aux nations. La finalité de ces jeûnes consiste à nous concentrer sur les causes initiales de ces catastrophes et de la durée de notre Galout (Exil), afin de tendre nos efforts pour réparer nos faiblesses, et mériter enfin de sortir de cette épreuve.

De tous temps nos ‘Hakhamim se sont penchés sur les causes des tourments particuliers qui frappaient leur époque. Dans cet esprit, le Tossefot Yom Tov, Grand Rav qui vécut il y a environ quatre siècles, fut confronté aux évènements tragiques appelés “Ta’h-Tat” (5408-5409), du déferlement des hordes cosaques sur la Pologne et l’Ukraine. Pendant ces deux années les massacres monstrueux (pas inférieurs en cruauté à ceux de Sim’hat Torah cette année …) firent des dizaines sinon des centaines de milliers de victimes parmi les Juifs.

Le Tossefot Yom Tov écrit dans un de ses livres qu’il fit à ce sujet une “Cheélat ‘Halom” (Question posée à Hachem dans son sommeil), et qu’il reçut la réponse que le décret était dû au manque de respect dû au Beth Haknesset. Suite à cela, le Tossefot Yom Tov rédigea un “MiChèbérakh” (une Berakha) particulier qui fut intégré à la Tefila de Chabat après la lecture de la Torah, adressé à ceux qui sont attentifs à ne pas parler au Beth Haknesset.

Plus récemment, Rav Chemouel Wozner, un des Grands Rabbanim de notre génération avait l’habitude d’expliquer que la Choa était due aux conversations profanes qui avaient lieu dans le Beth Haknesset. Ce manque de considération était répandu dans les communautés Achkenase, tandis que les communautés Séfarade avaient le respect du Beth Haknesset, et étaient attentives à ne pas y parler.

C’est pourquoi la peine terrible de la Choa frappa les communautés Achkenase, et épargna les Juifs des pays orientaux.

Cette même explication, à 350 ans de distance, montre l’importance de la conscience que le Beth Haknesset n’est pas un “lieu de rencontre sociale” confortable, mais un lieu où nous venons nous présenter devant Hachem. Tout manque à cet égard est un réel crime de “lèse-Majesté”, même si notre perception de la “Majesté Divine” est considérablement affaiblie par les derniers siècles de déni de la notion royale. (Et en réalité, nous permettrions-nous une telle légèreté même dans le bureau d’un grand dirigeant politique de notre époque ?! …)

Plus généralement, Rav Avigdor Miller, dont nous avons mentionné les propos dans le Dvar Torah sur la Paracha Balak, développe abondamment l’obligation d’analyser les évènements de l’Histoire pour comprendre ce que Hachem attend de nous (Or Olam I, p.170).

Rav Avigdor Miller cite Rav El’hanan Wassermann, le Talmid du ‘Hafets ‘Haïm, qui écrit à ce sujet : “…De même qu’il faut comprendre les paroles de la Torah et l’approfondir, ainsi il faut réfléchir à tous les évènements qui surviennent dans le monde et trouver leurs fondements selon les règles de la Torah”.

Rav Miller ajoute les paroles du Rambam : “Qu’Il (Hachem), Qui est élevé, connait les actions des hommes, et ne les délaisse pas, et pas comme l’opinion de ceux qui disent “Hachem a abandonné la Terre” ! (Introduction au commentaire du chapitre ‘Hélek de la Michna Sanhédrin)”.

Rav Avigdor Miller cite encore le Ramban : “Car l’homme n’a pas part à la Torah de Moché Rabénou s’il n’est pas conscient concernant toutes nos affaires, et tous nos évènements, qu’ils sont tous des “Nissim” (“Miracles”) ; il n’y a en eux ni nature ni fonctionnement habituel du monde” (Commentaire du ‘Houmach, fin de la Paracha Bo). (Le Ramban applique cette notion aussi bien à l’individu qu’à la collectivité …)

Rav Miller conclut ses citations par les propos de Rav ‘Haïm Friedlander (Machguia’h de la Yechiva Poniowitz après son Maître, Rav Dessler) : “La profondeur des actes de Hachem ne nous dispense pas de nous efforcer d’apprendre ce que nous pourrons apprendre selon notre petite compréhension de tous les actes de Hachem !”

Cette obligation est évidemment permanente. Mais elle doit s’appliquer particulièrement pendant la période des “bilans” ! Tout comme chaque entreprise a un moment de “bilan” spécialement dédié à faire les “comptes” d’un exercice, ainsi la période des “Trois semaines” comprise entre le 17 Tamouz et le 9 Av, est définie par nos ‘Hakhamim comme une période “fragile”. Nos “mérites” sont particulièrement scrutés pour voir si nous avons suffisamment appris de l’Histoire, et si nous sommes enfin aptes à revenir vivre une véritable vie Juive en Erets Israël.

De notre effort à analyser nos actions, et, plus encore, de nos orientations générales dans l’existence, dépend notre quotidien et notre avenir !

De même que nos Grands Rabbanim des générations précédentes ont attiré l’attention sur les faiblesses de leurs contemporains, Rav Avigdor Miller scrute l’évolution dramatique de la communauté au fil des dernières générations, depuis la fin du “18ème siècle” jusqu’à nos jours (Or Olam I, p. 173 et suivantes).

Le “dérapage” commença avec l’avènement du “siècle des lumières” où certains Juifs se laissèrent attirer par l’attrait de l’ouverture vers le monde extérieur avec toutes ses possibilités. La tentation était grande, tant au niveau financier que dans le domaine de la “reconnaissance” sociale, et les premiers (comme Moché Mendelssohn un des inspirateurs du judaïsme réformé, par exemple) pensaient qu’il était possible d’associer une démarche Juive authentique dans la vie privée à une intégration à la société (non juive) ambiante, sans être fragilisé par cela dans sa spiritualité. Mendelssohn “tenait salon” chez lui avec l’élite intellectuelle berlinoise, mais se retirait au milieu d’une conversation pour faire la Tefila de Min’ha. Il était, lui, encore attentif au respect stricte des Mitsvot.

Toutefois, le résultat se manifesta dans sa descendance ! Tous ses enfants s’assimilèrent et firent des mariages mixtes. Un des descendants de Mendelssohn fut le célèbre compositeur (de musique d’église, entre autres) Félix Mendelssohn-Bartholdy qui n’était pas juif, son père ayant épousé une non-juive.

Rav Miller souligne (p.181) les paroles de Bil’am dans ses Berakhot dans la Paracha Balak (Bamidbar 23,9) : “Voici c’est un peuple qui réside seul, et parmi les peuples il ne se compte pas !”

Rav Avigdor Miller souligne par ailleurs l’influence prépondérante d’Israël sur le fonctionnement du monde.

Le verset dit : ” Hachem est le Dieu d’Israël, dans toute la Terre sont Ses jugements !” (Tehilim 105, 6).

La Guemara (Yevamot 63a) dit à ce sujet qu’aucune catastrophe ne touche le monde qui ne soit pas “pour” Israël. Rachi explique “pour les amener à la “Yir’a” (la Crainte de Hachem).

C’est à la lumière de ces enseignements, et bien d’autres encore… que nous devons lire l’Histoire, et pareillement l’actualité, à toutmoment.

Dans cette période de “bilan” entre le 17 Tamouz et le 9 Av, c’est une obligation d’autant plus importante, pour affronter le souvenir douloureux de tous les évènements qui ont marqué notre Histoire.

A notre époque dont l’actualité manifeste une instabilité généralisée dans le monde, et particulièrement des troubles en Erets Israël et dans l’ensemble du monde tournant autour du droit à l’existence collective et individuelle des Juifs, notre devoir est accru de déchiffrer l’influence du comportement de chaque Juif sur les troubles qui agitent le monde.

Comme nous l’avons mentionné dans le Dvar Torah sur la Paracha Balak, la semaine dernière, il n’y a pas de “coïncidence” fortuite ! il n’est pas étonnant que ce qui ne s’était pas produit plus tôt (les massacres terribles de Sim’hat Torah), malgré les possibilités identiques (les terroristes étaient “les mêmes”, et les “pouvoirs publics” israéliens étaient déjà aussi fragiles, même si cela ne s’était pas encore manifesté …), soit arrivé justement après les faits choquants qui ont agité les rues et les Baté Knesset de Tel Aviv à Yom Kippour (manifestations diverses de violence à l’encontre des prières publiques, y compris les rassemblements de ceux qui ne retrouvent le chemin de la Tefila qu’à cette occasion …). Rien de surprenant, aussi, que Chabat Sim’hat Torah ait été le moment de massacres horribles, alors que des milliers de jeunes avaient choisi précisément ce jour à la Kedoucha exceptionnelle pour festoyer au mépris des valeurs de la Torah.

Rien de surprenant, non-plus, à ce que les évènements se précipitent dans le monde entier pour rappeler à chacun de nous où est sa place dans le monde. Tout comme les “lois de Nuremberg” (lois dictées par les nazis pour chasser les Juifs de l’espace social allemand) sont venues “faire Havdala” après que trop de Juifs aient cherché leur place parmi les non-juifs, ainsi les agitations dans les “bastions de la culture” viennent souligner à chaque Juif où est sa place … et où elle ne l’est pas !

Cette nouvelle période éprouvante des “Trois semaines” doit être vécue avec une lucidité renouvelée, tant pour améliorer notre approche de l’existence que pour tenter de communiquer ce regard au maximum de nos frères.

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