Parasha – 16 CHEMOT 5782

Le Séfer Chemot s’ouvre avec notre Paracha qui est aussi celle de la première Galout (l’exil) des Bené Israël.

A première vue, la Galout semble n’être qu’un “accident de parcours”…

Selon nos désirs, l’idéal aurait été que l’Histoire du Monde se déroule paisiblement, comme un long “Gan Eden”.

Cependant, lors du Brit ben Habetarim” (l’Alliance “entre les morceaux”), Hachem avait déjà annoncé ces Galouyot à Avraham Avinou, en particulier la première Galout d’Egypte (Beréchit 15, 9-21).

Lors de cette Alliance, Hachem avait demandé à Avraham de disposer divers animaux coupés en deux, en deux rangées face à face selon un procédé courant de concrétisation d’alliance (Rachi 15, 10), pour sceller ainsi l’alliance éternelle de Hachem avec les descendants d’Avraham. Loin d’être un accident, ou même un rejet, la Galout participe au plan Divin dans Son lien avec le Peuple d’Israël.

De plus, dès la Création du Monde, Hachem annonce que quatre “Royaumes”, (Bavel (la Babylonie), Maday (le royaume des Perses et des Mèdes), Yavane (la Grèce) et Edom (Rome)) domineront le monde et asserviront les Bené Israël, (Midrach Beréchit Rabah 2, 5).

La Galout est donc un élément fondamental de la Création. Quel en est le sens ?!

Rav Its’hak Zeev Yadler (Tiférèt Tsion) explique ce Midrach en soulignant que tout ce qui se développerait au fil du temps devait figurer potentiellement dans la Création.

Le Monde ayant été créé dans le but de son épanouissement à travers l’évolution des Bené Israël, les “germes” de toutes les situations que nous serions amenés à traverser devaient être présents dans la Genèse y compris la Galout.

Rav Yadler explique qu’afin d’accéder à l’aboutissement du bien éternel prévu par Hachem, le principal mérite pour y parvenir est la Emouna que nous manifestons dans les moments où la Chekhina – la Présence de Hachem est voilée, pendant l’obscurité de la Galout.

Dans ces moments, alors qu’il semble n’y avoir plus aucun espoir pour ceux qui s’attachent à la vérité, nous nous dévouons néanmoins sans réserve à la Torah et à la Avoda de Hachem. C’est là que se construit le but de la Création.

C’est pour cela que Hachem a préparé dès la Création la Galout en Egypte qui a fondamentalement préparé Matane Torah (le Don de la Torah), ainsi que les différentes facettes d’obscurité représentées par les quatre royaumes.

Rabbi Moché Alchikh (Torat Moché, introduction à Chemot) explique que l’Histoire du Monde s’articule autour du Don de la Torah à chacun des Bené Israël.

Or du fait de la faute de Adam Harichone, chaque homme est marqué par la “souillure” de la faute.

Le processus qui devait assainir le futur Peuple de Hachem commença par les Avot (Patriarches). Les épreuves qu’ils durent surmonter permirent par paliers de purifier les générations à venir.

Le “tri” dans leur descendance participa également à la construction future. Yichmaël, fils d’Avraham portait encore la “souillure” de la faute de Adam Harichone. Essav, le fils de Its’hak, était également porteur d’impureté.  

Seul Yaacov engendra enfin une descendance qui se consacrera entièrement à la Avoda.

Mais même ainsi, il restait encore des “traces” d’impureté à éliminer…

Tel était le but de la Galout en Egypte. De même que l’or est affiné dans un creuset, ainsi les Bené Israël furent purifiés en Egypte, le tri s’effectuant à l’issue de la Galout entre ceux qui étaient aptes à recevoir Matane Torah et qui sortirent d’Egypte (Rachi, Chemot 13,18), et ceux qui étaient trop imprégnés de la “souillure” d’Egypte et qui disparurent à jamais pendant les jours de ‘Hochèkh – la plaie des ténèbres.

Rav Dessler (Mikhtav MeEliahou, III, p. 207-218) analyse ainsi le sens des Galouyot dans l’Histoire du Monde : Le but de la Galout est de nous réveiller et de nous amener à nous perfectionner.

Superficiellement toutes les Galouyot consistent en une soumission au pouvoir de peuples hostiles.

Toutefois, en approfondissant, on comprend que l’essentiel de la Galout réside dans l’épreuve qu’elle constitue pour nous. Les persécutions ne font qu’accentuer l’épreuve.

Le fond de la Galout réside dans la domination sur le Monde de démarches opposées à la Kedoucha (“Sainteté” c’est-à-dire une vie reflétant la valeur spirituelle du Monde).

L’épreuve consiste à garder notre vision claire du fonctionnement réel du Monde malgré les apparences contraires.

La vue des rechaïm (les mécréants) qui persécutent le Peuple de Hachem, qui réussissent dans leurs entreprises et qui détiennent le pouvoir est propre à ébranler les convictions profondes de Emouna. Ceux qui gardent néanmoins leur Emouna forte et intacte dans un tel contexte et ne se laissent pas affaiblir si peu que ce soit ont vaincu l’épreuve et sont d’ores et déjà “délivrés” de la Galout, puisque l’entourage n’a pas prise sur eux.

Par contre, ceux qui subissent l’influence de l’environnement et qui cherchent à s’y associer si peu que ce soit, même s’ils ne partagent pas le comportement des rechaïm, mais sont toutefois imprégnés des idées de la société autour d’eux, n’ont pas surmonté l’épreuve de la Galout.

La source des Galouyot provient de la nécessité de réparer la faute d’Adam Harichone. Le rôle d’Israël consiste à ramener la Création au niveau qu’avait Adam Harichone avant la faute, lorsqu’il percevait la véritable dimension spirituelle du Monde.

Les Avot avait atteint au niveau individuel ce but ; et il incombait à leurs descendants de le concrétiser dans une dimension collective au moyen de la Galout d’Egypte, et de la préparation à Matane Torah.

Malheureusement la faute du Eguel (Veau d’or) fit à nouveau perdre aux Bené Israël cet acquis. Alors commença le cycle d’élévations et chutes successives des générations du Clal Israël. A chaque nouvelle épreuve que les Bené Israël n’ont pas réussi à surmonter succède la Galout correspondante. C’est ainsi que se sont suivies au fil de l’Histoire les quatre royaumes – civilisations ; chacune incarnait la quintessence du défaut des Bené Israël à ce moment, qui avait justifié cette Galout.

Ceux parmi nous qui échappent à l’atmosphère ambiante ont atteint une “Gueoula” individuelle.  

Il en est de même dans l’existence de chacun de nous : la faute entraîne la confrontation à des circonstances qui sont susceptibles de l’amplifier ; c’est une forme de Galout individuelle. La victoire consiste à surmonter la tentation et à tourner le dos aux sollicitations extérieures.

Chacun a sa part de manifestation de la présence de Hachem dans le monde, et reçoit pour cela l’ensemble de ses potentialités et “outils” (comprenant toutes les circonstances de la vie).

La Gueoula collective est cependant bien plus que la somme des “Gueoulot” individuelles, elle est un résultat global d’une dimension supérieure au total des victoires individuelles.

La Galout en Egypte qui était la racine de toutes les Galouyot, représentait l’imprégnation d’une “spiritualité” dévoyée, dirigée vers la “Toum’a” (l’impureté), accompagnée de tous les comportements qui s’ensuivent.  

Les Bené Israël résistèrent à cette influence à tous les niveaux :

-Ils ne changèrent pas leurs noms, qui représentent leur identité profonde.

-Ils ne changèrent pas leur langage, qui constitue leur lien collectif et leur unité.

-Ils ne changèrent pas leurs vêtements, gardant ainsi leur apparence de Bené Israël, afin de ne pas s’identifier aux égyptiens, même superficiellement.

Dans le même esprit, Rabbi Lévi Its’hak MiBerditchev (Kedouchat Lévi, Chemot) souligne que Yossef, “avant-garde” des Bené Israël en Egypte, était resté “Yossef”.  Le verset (Chemot 1,5) : “et Yossef était en Egypte”, témoigne que, bien que Par’o lui avait attribué un nom égyptien “Tsafnat Panéa’h” (Beréchit 41, 45), Yossef avait préservé son identité et continuait à se présenter comme “Yossef” !

Rachi explique (Chemot 1,1) : ” Bien qu’Il (Hachem) les ait énumérés (les Fils de Yaacov) par leurs noms de leur vivant (Beréchit 46, 8-27), Il les a comptés à nouveau après leur mort, pour montrer leur importance du fait qu’ils sont comparés aux étoiles”.

Rabbi Yossef Tsvi Salant (Beèr Yossef, Chemot 1,1) développe que même dans les situations d’infériorité de la Galout, les Bené Israël gardent une grandeur comparable aux étoiles, y compris au niveau individuel.

La Galout initiale en Egypte est le démarrage de la mission qui nous est dévolue, individuellement comme collectivement, dans les circonstances d’épreuve.

La clé de la victoire finale tient, avant-même la tentation des fautes concrètes, dans la préservation de notre identité profonde, en conservant notre façon authentique de nous exprimer (sans “sacrifier” aux styles légers ou-même grossiers de langage en usage dans la société environnante …), et en gardant la sobriété vestimentaire qui nous protège des modes qui mènent à l’assimilation. Prions Hachem de nous donner les forces de résister à toutes les influences pour Lui rester fidèles en toutes circonstances.

Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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