Parasha – 156 Chela’h 5784

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La première partie de la Paracha Chela’h est consacrée à l’envoi des Meraglim (les Explorateurs) et au désastre que leur rapport défavorable sur Erets Israël a entrainé. Par suite de la réaction générale de découragement des Bené Israël, Hachem décréta que les hommes de cette génération dont l’âge était compris entre vingt ans et soixante ans n’entreraient pas en Erets Israël et seraient donc condamnés à errer dans le désert pendant quarante ans.

Le manque de confiance en Hachem qui s’est manifesté précisément lors de l’épisode des Meraglim a généré toutes les catastrophes qui se sont abattues sur notre Peuple au fil des siècles.

La seconde partie de la Paracha, qui comporte des lois apparemment sans lien entre elles, puis le récit du seul manquement au respect du Chabat survenu pendant cette génération, s’achève sur le passage dédié à la Mitsva des Tsitsit.

Concentrons ici notre étude sur les deux premières Mitsvot dont l’énoncé suit immédiatement l’épisode des Meraglim : le passage concernant les “Nessakhim” (l’offrande de farine et huile, et libation de vin) qui doivent accompagner chaque Korban (Offrande) individuelle spontanée, et le passage qui définit la Mitsva de ‘Halla, le fait de prélever un petite partie de chaque pâte faite à base d’une des cinq céréales, et de la donner à un Cohen.

La place de ces Mitsvot après le décret que cette génération ne connaitra pas Erets Israël semble plutôt étonnante !

Le Ramban explique que c’était justement une réponse à leur inquiétude sur l’avenir : ils se disaient que de même que maintenant la faute avait causé le décret les concernant, peut-être que leurs enfants, fauteraient eux aussi et qu’ils subiraient un décret comparable, de telle sorte que l’entrée en Erets Israël ne serait qu’une illusion…

C’est pourquoi Hachem leur a ordonné dès à présent des Mitsvot liées à la Terre, leur garantissant ainsi que leurs enfants entreraient effectivement en Erets Israël.

Le Midrach (Bamidbar Rabah 17,2) introduit ces passages par le verset : “Vas, manges avec joie ton pain, et bois avec bon cœur ton vin, car Hachem a déjà agréé tes actions ! (Kohélet 9,7) “. Le Midrach explique ainsi : Manges avec joie ton pain c’est le prélèvement de la ‘Halla. Bois avec bon cœur ton vin c’est le passage relatif aux libations. Et quel est le sens de la suite du verset : « car Hachem a déjà agréé tes actions ?C’est l’entrée des Bené Israël en Erets Israël, comme il est dit : “Lorsque vous entrerez dans le Pays” !

Ce Midrach est surprenant, car le décret n’a pas été annulé, et donc les Bené Israël n’étaient pas destinés à entrer maintenant en Erets Israël. Comment alors le Midrach peut-il dire : “…car Hachem a déjà agréé tes actions ?c’est l’entrée des Bené Israël en Erets Israël” ?!

Dans un autre Midrach (Tana DevéEliahou, Chapitre 29), nos ‘Hakhamim expliquent que face au découragement des Bené Israël, Hachem dit à Moché Rabénou de les réconforter. Moché Rabénou demanda alors : “Maitre du monde par quoi vais-je les réconforter ? “Hachem lui répondit : “Vas et réconforte les avec des paroles de Torah, comme il est dit “…et tu leur diras : lorsque vous viendrez vers le Pays … (Bamidbar 15,2) “.

Là également les paroles de nos ‘Hakhamim sont étonnantes ! En quoi consiste le “réconfort” par les paroles de Torah ?! Les Bené Israël sont maintenant condamnés à errer pendant quarante ans dans le désert !

Par ailleurs, Sforno explique les deux Mitsvot “nouvelles” des Nessakhim qui accompagneront les Korbanot, et de la ‘Halla : “Lorsqu’ils ont fauté avec le Eguel (Veau d’Or), Hachem a rendu nécessaire la Min’ha (l’offrande de farine), et les Nessakhim (libation de vin) pour le Korbane Tamid (quotidien), Korbane collectif. Et lorsqu’ils ont fauté avec les Meraglim, Hachem a rendu nécessaires la Min’ha et les Nessakhim pour accompagner aussi le Korbane individuel”. Puis sur le verset relatif à la ‘Halla, Sforno explique pareillement : “Après la faute des Meraglim, Hachem a rendu nécessaire aussi la ‘Halla pour qu’ils (les Bené Israël) soient aptes à ce que s’applique la Berakha à leurs maisons”. 

Sous cet aspect, les Mitsvot de ces Passages semblent être des moyens de “réparation” destinés à corriger les faiblesses des Bené Israël dues à la faute des Meraglim et au manque de Bita’hon (le manque de confiance en Hachem dont les Bené Israël ont fait preuve dans ces circonstances.

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Description générée automatiquementRabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah, 15, 3-4 ; 15, 20) commente ces explications de Sforno et explique que les “suppléments” des Min’ha et Nessakhim ajoutés au Korbane individuel sont comparables aux besoins d’une alimentation “variée” de ceux qui sont atteints de faiblesse de santé. Il souligne que le “paysan en bonne santé” mange son pain naturel de seigle ordinaire, accompagné d’eau simple, qu’il trouve là tous ses besoins, et que, ce faisant, il goûte tous les “mets du monde”.

Dans la santé tout est inclus ! Par contre, un homme malade a besoin de compléments pour compenser les manques dus à sa faiblesse. De même, avant la faute du Eguel (puis celle des Meraglim), les Bené Israël étaient “en bonne santé” spirituelle, et n’avaient pas besoin de compléments pour accompagner leurs Korbanot. Mais après la faute, leur “digestion” s’est altérée, et ils avaient besoin de Min’ha et Nessakhim pour faire “agréer” leurs Korbanot par Hachem.

Rabbi Yerou’ham explique aussi que la Berakha que la ‘Halla doit amener n’est pas une “récompense”, mais une réalité fondamentale de la Création et de toute la nature du monde.

La Berakha est inhérente à la réalité comme la vie et la mort, comme le bien et le mal. Ainsi avant la faute des Meraglim, la Berakha était naturellement présente en toutes choses sans besoin d’une Mitsva particulière pour amener la Berakha. Mais après la faute des Meraglim il est devenu nécessaire de prélever la ‘Halla pour que la Berakha puisse s’appliquer dans chaque foyer.

Rav Chimchon Raphaël Hirsch (Bamidbar 15, 16) explique que les éléments de la Min’ha (la farine et l’huile) et des Nessakhim (le vin) représentent ensemble les bases de l’existence (les céréales), du confort (l’huile) et du bonheur (la joie liée au vin, comme l’expriment de nombreux versets, avec “modération” bien sûr …). Hachem nous accorde ces bienfaits, que nous devons dédier à l’accomplissement exclusif de la Volonté de Hachem. Ces compléments qui accompagnent désormais chaque Korbane individuel en Erets Israël expriment la conscience que nous devons avoir en permanence que toute notre existence dépend de notre lien avec Hachem. Un écart de cette perception est en fait la faute qui précède cette Mitsva, la faute des Meraglim, où l’ensemble des Bené Israël, depuis ses “mandataires”, les Meraglim, jusqu’à chacun des Bené Israël qui ont pleuré en entendant leur rapport défavorable, ont “oublié” la Présence permanente de Hachem. C’est ce qui a rendu nécessaire dorénavant l’accompagnement de chaque Korbane individuel en Erets Israël pour éviter un tel “oubli”.

Rav Hirsch explique pareillement le passage relatif à la ‘Halla comme exprimant au niveau de chaque foyer ce que les Min’ha et Nessakhim manifestent au niveau de la production agricole collective. La ‘Halla prélevée sur chaque pâte préparée dans une maison particulière étend le rappel de la Présence de Hachem dans l’existence de chacun au-delà de l’influence générale du Soleil et des éléments sur l’ensemble du monde que nous reconnaissons par l’ajout des Min’ha et Nessakhim aux Korbanot. Le sort de chacun peut être favorisé même au sein d’une situation collective défavorable, ou même l’inverse.

Ces deux Mitsvot viennent ainsi en réponse à la dégradation de l’atmosphère spirituelle dans le Peuple d’Israël du fait de la faute des Meraglim.

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Description générée automatiquementRav Moché Ye’hiel Epstein (Beér Moché p.334) commente lui aussi le rapport entre la faute des Meraglim et les passages dédiés à ces Mitsvot. Il cite le Midrach de Tana Devé Eliahou mentionné ci-dessus, qui dit que Hachem a dit à Moché Rabénou de “réconforter” les Bené Israël après leur échec avec des paroles de Torah.

Il explique ce Midrach ainsi : la faute consistait à avoir méprisé Erets Israël, et la réparation devait donc se faire par les Mitsvot liées à Erets Israël. Etant donné qu’ils ne pouvaient pas accomplir immédiatement ces Mitsvot, ils pouvaient au moins se consacrer à leur étude approfondie.

Nos ‘Hakhamim apprennent d’un verset de la Torah relativement aux Korbanot (que nous ne pouvons plus accomplir en l’absence du Beth HaMikdach (le Temple), que nous pouvons les “accomplir” par l’étude approfondie de leurs règles. Le même principe s’applique ici pour les Mitsvot des Nessakhim et de la ‘Halla.

La Torah nous montre ici les conséquences dramatiques de la faute, mais aussi la grandeur des Bené Israël qui reçurent en récompense de leur Techouva la Grâce de Hachem au niveau le plus élevé, par l’octroi de ces grandes Mitsvot, et de leur Torah. La Torah elle-même “régénère” la vie, comme l’exprime le verset de Tehilim : “La Torah de Hachem est intègre, et ramène l’âme ! (19, 8)”

Comme Rav Hirsch, Rav Epstein souligne que le rapport entre la faute et les Mitsvot se situe dans la reconnaissance de l’Autorité totale de Hachem sur toutes les facettes de la vie. C’est de cette prise de conscience, exprimée par les lois de ces Mitsvot, que vient la véritable Sim’ha (Joie) qui réconforta les Bené Israël.

Ainsi, notre étonnement que les Bené Israël puissent être réconfortés par l’enseignement de ces règles est lié à notre propre niveau “terre à terre” qui cherche des résultats “tangibles”. Pour les Bené Israël qui se situaient à un niveau tellement élevé, la gravité de leurs fautes nous échappant totalement, l’essentiel de leur préoccupation n’était pas d’accéder à leur “lopin de terre” ! Pour eux, chaque instant se mesurait en proximité ou éloignement de Hachem. Ainsi les enseignements de la Torah “régénérèrent” totalement les Bené Israël, conformément aux instructions de Hachem à Moché Rabénou.

Ces dimensions spirituelles sont bien évidemment très au-delà de notre perception. Toutefois nous devons comprendre que la Torah ne nous décrit pas des notions totalement étrangères à notre propre vécu. Toutes les générations qui ont traversé les épreuves les plus dures en gardant un attachement indéfectible à l’étude de la Torah témoignent à nos yeux que telle est l’identité profonde héritée de nos grands ancêtres.

Dans la période actuelle de troubles et d’incertitude du lendemain, sachons puiser dans les enseignements de notre Paracha les forces de nous hisser aussi près que possible de cette grandeur dans l’attachement aux Mitsvot et à l’étude de la Torah.

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