Parasha – 149 Emor 5784

בס”ד

La Paracha Emor complète les règles de la Kedoucha relatives au Michkan (Tabernacle) et au Beth HaMikdach (le Temple) par les lois relatives aux Cohanim, à la Terouma (le prélèvement des produits agricoles qui sont attribués aux Cohanim), et aux animaux dédiés aux Korbanot (Offrandes) (Vayikra 21,1-22,31).

Deux versets (22, 32-33) viennent ensuite nous dicter l’obligation de “sanctifier” le Nom de Hachem, et l’interdiction qui nous est faite de ne pas le “profaner”, ce que la Guemara traduit par l’obligation de résister à une menace de mort visant à nous faire transgresser publiquement une Mitsva de la Torah (Sanhédrin 74a).

Vient ensuite un passage (23, 1-44) dédié aux “Moadim” (nos “fêtes” qui sont des moments de rencontre avec Hachem) qui commence par Chabat, pour continuer par Pessa’h, Chavouot, Roch Hachana, Yom Kippour, en concluant avec Soucot. Ce n’est pas le seul passage de la Torah mentionnant les Moadim.

Rav Chimchon Raphaël Hirsch souligne qu’il y a trois endroits où la Torah parle des Moadim : dans Vayikra, ici, pour leur ordre d’apparition dans l’année, dans Bamidbar (28, 9 29, 39) pour les Korbanot spécifiques apportés à chacune de ces occasions, et dans le Séfer Devarim (16, 1-17).

Rav Hirsch s’étonne de ce que les Korbanot des Moadim ne sont pas enseignés ici, dans le Séfer dédié au Michkan, mais plus tard dans Bamidbar. Il explique que le Peuple ne pouvait pas percevoir pleinement les Korbanot des Moadim avant de concevoir sa propre situation face à sa grande mission, chose qu’il n’a pu reconnaitre que par ses épreuves tout au long de son séjour dans le Désert.

Rav Hirsch remarque que l’emplacement des Moadim dans cette Paracha est justifié du fait de leur point commun avec le Michkan et le Beth HaMikdach qui étaient le sujet principal qui les précède. Le Michkan représente le lieu de “rencontre” avec Hachem, et les Moadim sont les moments particuliers de rencontre avec Hachem.

Rav Wolbe (HaMitsvot HaChekoulot, Chapitre 12) cite Sforno qui explique le mot “Beréchit” comme la Création du “Temps”, qui n’existait pas avant ce “mot”. Rav Wolbe explique que Hachem est “Eternité”, au-dessus de la notion de temps.

Puis, à la fin de l’action créatrice initiale, Hachem a créé la “Kedoucha du temps”, le Chabat !

Le temps est l’outil par lequel tout “l’influx” du Créateur parvient au Monde.

Rav Dessler cite abondamment (entre autres dans Mikhtav MéEliahou II, p.21) son Rav, Rav Tsvi Hirsch Broïdé, qui expliquait que ce n’est pas le temps qui “défile” sur l’homme, mais au contraire l’homme “voyage” dans le temps. Dans cette “dimension”, il y a des “stations”, Chabat où nous passons chaque semaine, les Moadim où nous passons chaque année. Et chaque “station” a son “climat”, et son impact sur nous.

Toutefois, il semblerait que chaque “station” a reçu son climat des évènements particuliers qui s’y sont déroulés. Ainsi, c’est parce que nous sommes sortis d’Egypte à Pessa’h que ce jour a reçu ses caractéristiques qui nous imprègnent à nouveau chaque année.

Mais cette perception est manifestement erronée, car nous voyons apparaitre Pessa’h dans la Torah bien avant la Sortie d’Egypte !

Alors que les Mal’akhim (les “Anges”) étaient venus annoncer à Avraham la naissance de Its’hak, ils le quittèrent, et se dirigèrent vers la ville de Sedom pour la détruire et sauver Lot, le neveu d’Avraham de ce désastre (Beréchit 18, 1-16). A leur arrivée à Sedom, Lot invita les Mal’akhim avec insistance, comme il l’avait appris d’Avraham (19, 1-3). Dans la description de son accueil qu’il leur fit, la Torah dit : “il leur fit un festin, et il cuisit des Matsot et ils mangèrent”.

La précision des “Matsot” dans ses préparatifs nous interpelle, et Rachi rapporte les explications de nos ‘Hakhamim : “c’était Pessa’h” !

Comment comprendre la notion de célébrer Pessa’h avant-même le début de l’exil auquel “Pessa’h” a mis fin 400 ans plus tard ?!

Il est clair que Lot avait appris cette Mitsva d’Avraham. Mais quel sens pouvait avoir Pessa’h avant que l’évènement qu’il représente soit survenu ?!

Rav ‘Haïm Friedlander (Sifté ‘Haïm, Moadim I, p. 12) nous apporte des éléments de compréhension face à cette question en citant le Midrach (Kohélèt Raba, 3, 1) qui explique le verset (Kohélèt 3, 1) : “A tout (il y a) un temps et un moment pour chaque chose sous les cieux”.

Le Midrach cite une série d’évènements fondamentaux de l’Histoire, en soulignant qu’ils avaient un “temps” prévu pour survenir : depuis “l’entrée” d’Adam dans le “Gan Eden”, puis sa sortie, la Mitsva de Mila (la circoncision) donnée à Avraham, Matane Torah (le Don de la Torah au Sinaï) etc…

Rav Friedlander s’étonne de ces affirmations des ‘Hakhamim : est-ce le “temps” qui a causé la sortie d’Adam Harichone du Gan Eden ?! N’est-ce pas plutôt sa faute ?!

Pour répondre à cette question, Rav Friedlander rapporte les paroles du Maharal (Tiférèt Israël, Chap. 25) qui explique le Midrach ainsi : Chaque évènement, grand ou petit, est dirigé avec précision par Hachem. Rien n’est abandonné au “hasard” ! Aucun fait ne peut résulter d’un “concours de circonstances”. Aussi, tout doit être programmé préalablement.

Il va de soi, précise Rav Friedlander (p.15) que nos actes ne sont pas “déterminés” par cette “programmation” du temps. Le temps ne crée que la possibilité que se produise un évènement précis ; toutefois, si nous n’agissons pas dans le sens de cette “préparation”, que ce soit dans un sens positif ou néfaste, les évènements résulteront différemment, mais toujours en accord avec une “préparation” initiale depuis le début de la Création. De même que Hachem a tout créé, Il a également créé le “Temps” avec ses potentialités.

Rav Friedlander rapporte encore l’enseignement de Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat ‘Hokhma OuMoussar, II, Chap.73). Les Mitsvot spécifiques à chaque Moèd ne sont pas fortuites (p.227). Au contraire, c’est le “moment” du Moèd qui amène chaque Mitsva particulière. Ce n’est pas parce que Hachem a “cessé” l’action créatrice le Chabat que ce jour a reçu ses interdictions spécifiques. C’est parce que Hachem a attribué à ce jour cette Kedoucha qu’Il y a attaché ses Mitsvot. Il en est de même pour les Moadim : chaque Moèd est “chargé” d’une dimension de Kedoucha spécifique qui est appropriée aux évènements qui sont appelés à s’y produire.  

Les Moadim, Chavouot “Zman Matane Toraténou” (le temps du Don de notre Torah), Pessa’h “Zman ‘Hérouténou” (le Temps de notre Libération), sont des moments qui portaient en eux la potentialité de manifestation de la Chekhina (Présence Divine) appropriée à l’évènement.

Rabbi Yerou’ham pousse cette analyse jusqu’à remarquer que le lien souligné par la Guemara (Makot 23a) entre les 365 Mitsvot “négatives” (c’est-à-dire “d’abstention”) et les 365 jours du cycle solaire n’est pas un simple signe mnémotechnique. Il existe un lien profond entre chaque Mitsva et le jour correspondant, même si nous ne savons pas le déchiffrer. Chacun de nos actes est ainsi “accompagné” par Hachem, et nos Mitsvot reçoivent une dimension nouvelle issue de la Volonté de Hachem qui les “porte”.

Retour à la place des Moadim dans notre Paracha.

Rav Guedaliahou Schorr (Or Guedaliahou, p.66) souligne que la Paracha Emor déroule devant nous les divers facteurs de Kedoucha d’Israël, qui sont trois dimensions : Le Monde (l’espace), l’Année (le temps) et le “Néfech” (l’âme).

Le début de la Paracha est dédié aux Cohanim et manifeste l’aptitude d’Israël à communiquer la Kedoucha aux Cohanim, comme le dit le verset : “Tu le sanctifieras” qui montre que la Kedoucha du Cohen lui vient d’Israël, le Peuple de Hachem (21, 8). C’est la Kedoucha du “Néfech” d’Israël.

La seconde Kedoucha dans la Paracha est la Kedoucha du temps, dans les Moadim.

Rav Schorr remarque que la troisième Kedoucha, celle de l’espace apparait à la fin de la Paracha, avec les Mitsvot de la Menorah (le Candélabre) dans le Michkan, le Le’hem Hapanim (le Pain apporté chaque Chabat au Beth HaMikdach), et la Kedoucha du Campement des Bené Israël, organisé Chevet (Tribu) par Chevet, autour du Michkan.

Ces explications de nos Maitres nous révèlent une nouvelle facette du Monde. Là où nous sommes relativement “indifférents” au temps qui s’écoule, nous devons “reconsidérer” notre approche, et valoriser cette “création” de Hachem comme elle le justifie. Ce ne sont pas seulement les Moadim qui prennent un nouveau relief pour nous, mais chaque instant d’existence, “programmé” par Hachem, qu’il nous incombe d’honorer comme il se doit.

Notre Paracha constitue ainsi l’apogée de l’appel au lien privilégié avec Hachem reçu des Avot (Patriarches), et que Hachem a construit particulièrement avec la Sortie d’Egypte et Matane Torah.

Nous sommes privés de la Kedoucha du Beth Hamikdach, mais nous sommes dans la période du Omer, qui a la potentialité de nous mener de l’acquis de Pessa’h à Chavouot pour renouveler notre lien profond avec la Torah de Hachem, ses 365 Mitsvot “passives” liées aux jours de l’année, et ses 248 Mitsvot actives reliées aux 248 “organes” de notre corps.                                                               Chabat Chalom !