Parasha – 148 Kedochim 5784

בס »ד

La Paracha Kedochim comporte un nombre important de règles apparemment hétéroclites, certaines règles relatives aux relations à Hachem et d’autres face à autrui. L’ensemble de ces lois est défini par le terme « Kedoucha » (« Sainteté ») un mot difficile à définir.

Rachi définit la Kedoucha comme le recul face à l’immoralité et à la faute.

Ramban l’explique comme la capacité à se retenir face aux appétits, même relativement aux objets permis.

Dans tous les cas, la Kedoucha ne consiste pas à vivre tel un ermite qui se prive pour la satisfaction de se sentir héroïque. Le but d’une vie de Kedoucha est de valoriser les véritables objectifs de l’existence en s’affranchissant de la dépendance aux sollicitations matérielles.

Parmi les Mitsvot de cette Paracha figure la loi de « Orla » – l’interdiction de tirer profit des fruits des trois premières années suivant la plantation d’un arbre (Vayikra 19, 23-25). La quatrième année, les fruits devront être consommés à Yerouchalaïm, en présence du Beth HaMikdach. Si ce n’est pas réalisable, soit pour des raisons « d’encombrement », soit comme à notre époque de Galout (Exil) du fait de l’absence du Beth HaMikdach, il faut « racheter » ces fruits, c’est-à-dire « transférer » la « Kedoucha » inhérente à ces fruits sur de l’argent.

Quel est le lien entre cette Mitsva et la notion de Kedoucha ?

Le Ramban (19, 23) explique que le but de la Mitsva de Orla est d’honorer Hachem avec les premiers fruits, et de ne pas en consommer avant l’année où on les apporte à Yerouchalaïm pour y « faire la louange » de Hachem. Les fruits des trois premières années ne sont pas de qualité apte à représenter une louange de Hachem. C’est pourquoi il faut attendre la quatrième année.

Le Midrach compare la Mitsva de devoir se retenir de consommer les fruits pendant trois ans à l’attente que Adam Harichone n’a pas respectée relativement au fruit de l’arbre qui lui était interdit, mais lui aurait été permis à l’entrée du Chabat (Vayikra Raba 25, 2) …

Ce Midrach qui met en cause sans restriction Adam Harichone est surprenant et plutôt inhabituel de la part de nos ‘Hakhamim ?!

Rav Its’hak Zeev Yadler (Tiférèt Tsion) commente ce Midrach comme suit : Nos ‘Hakhamim ont souligné ici le verbe « ouneta’tem » (vous planterez) qui exprime un ordre, là où nous nous serions plutôt attendus à l’emploi de : « lorsque vous planterez », ou : « si vous plantez » dans la mesure où il ne semble pas vraisemblable qu’il y ait la moindre obligation de nous livrer à la culture si nous n’en éprouvons pas le besoin.

C’est pourquoi, selon le Tiférèt Tsion, il s’agit ici d’une Mitsva destinée à « réparer » la faute d’Adam Harichone en manifestant la « patience » qui lui a fait défaut …

Rav David Powarski (Yichmerou Daat Beréchit 3, 6), et Rav Tsvi Chraga Grossbard (Daat Chraga Vayikra 19,23) comprennent tous deux que la comparaison ne vise pas à « critiquer » Adam Harichone. Selon eux, le Midrach vient souligner que le respect simple d’un ordre de Hachem grâce aux moyens de « l’intellect » n’a pas suffi à Adam Harichone pour faire face aux forces puissantes de la nature profonde implantée dans l’Homme.

Cependant, nous qui avons reçu la Torah, nous bénéficions d’une aide puissante de Hachem comme la Guemara dit : « J’ai créé le « Yétser Hara » (le penchant pour le mal), et Je lui ai créé la Torah comme « antidote » (Kiddouchin 30b) !

Le Midrach attire ainsi notre attention sur le précieux outil dont Hachem nous a dotés !

Rav Powarski illustre cela en rapportant un échange entre un Guer (un « converti ») célèbre, Issour le Guer, et un Sage de la Guemara, Rava (Guemara Avoda Zara 70a).

Le Guer disait que tant qu’il était non-juif il ne pouvait pas croire que les Juifs respectent le Chabat, au point de passer dans la rue à côté d’une bourse bien garnie sans la ramasser …

Rav Powarski souligne que ce n’est que « tant qu’il était Païen » qu’il avait cet étonnement, mais qu’il ressort de ses paroles-mêmes qu’une fois devenu Juif, il comprenait parfaitement la retenue qu’un Juif acquiert grâce à la Torah !

Rav Tsvi Hirsch Ferber (Kerem Hatsvi Vayikra p. 78), et Rav Its’hak de Vilna (Bet Its’hak p. 44) expliquent ce passage sous l’angle d’un autre paragraphe du Midrach (25, 1), qui rapproche le verset de la Mitsva de Orla du verset : « C’est un arbre de vie pour ceux qui la soutiennent … » (Michlé 3, 18). Le Midrach fait ici l’éloge de l’étude de la Torah.

Ce lien fait par le Midrach est surprenant, car ici, la Torah ne parle pas de l’étude de la Torah. Pour résoudre cette question, Ils citent tous deux la même source, un certain Rav Moché Its’hak, Rav à Krestinguen et Poniowitz, qui remarque le caractère « obligatoire » du terme « ouneta’tem » (vous planterez), alors que : « si vous plantez » ou : « lorsque vous planterez » auraient été plus appropriés.

C’est pourquoi le Midrach comprend que la Torah fait allusion ici à un second sens profond enfoui dans ce verset, une autre « plantation » dont on aura l’obligation à l’arrivée en Erets Israël !

Tant que les Bené Israël vivaient dans le désert, gratifiés de la Manne, de l’eau du « puits de Myriam », et des « Anané Cavod » (nuées « d’honneur »), ils étaient libres de s’adonner à l’étude de la Torah toute la journée (pendant quarante ans …).

Mais « Lorsque vous viendrez dans la Terre … » (Vayikra 19, 23), et que vous serez préoccupés chacun avec son champ, sa vigne, son figuier, qu’adviendra-t-il alors de la Torah ?!

C’est à cette question poignante que la Torah vient répondre, (selon le Midrach) par l’emploi du verbe : « ouneta’tem ».

« Vous planterez » : la Torah emploie un terme d’obligation, comme allusion à l’obligation de « planter l’arbre de Vie de la Torah » en soutenant ceux qui se dévoueront à l’étude de la Torah.

Toutefois le Midrach ne s’arrête pas à cette Mitsva de soutenir, et il rapporte l’enseignement suivant : « Que les paroles de la Torah ne soient pas à tes yeux comme un homme qui a une fille adulte, et qui cherche à la marier à n’importe qui !« .

Mais : « Mon fils, si tu prends Mes paroles, et conserves Mes Mitsvot avec toi … » (Michlé 2, 1) : « Si tu as le mérite, prends Mes paroles » ! C’est-à-dire : ne te contentes pas de « soutenir » seulement l’étude de la Torah, mais étudies toi-même ! Il ne suffit pas de « s’acquitter » en « déléguant » autrui pour nous remplacer dans le lien avec la Torah ! Chacun doit entretenir un lien personnel avec la Torah !

Le Minhag (la coutume) répandu qui consiste à couper les cheveux d’un petit garçon pour la première fois à l’âge de trois ans, est généralement considéré comme relié à la Mitsva de Orla.

Rabénou Be’hayé (Vayikra 19, 23) rapproche effectivement la nature humaine de celle de l’arbre, en soulignant qu’un certain degré de « maturité corporelle » n’est atteint qu’après trois ans.

Rabbi Ovadia MiBartenoura commente ainsi la Michna (Avot 5, 21) : « à l’âge de cinq ans pour l’étude du ‘Houmach (texte de la Torah). C’est de la Mitsva de Orla qu’on l’apprend : après trois ans où l’accès est « bouché », comme la Orla, à quatre ans « son fruit sera Kodech pour la louange pour Hachem », car alors son père lui enseigne la forme des lettres. Puis : « à la cinquième année vous consommerez son fruit pour vous ajouter sa récolte » : à partir de là : « gaves le comme un taureau » (expression issue de la Guemara qui définit ainsi « l’alimentation » en Torah due à l’enfant !

Le Minhag de la coupe de cheveux prend manifestement sa source dans la constatation que jusqu’à trois ans l’enfant est « comme Orla ».

Pour conclure après tous ces commentaires sur la Mitsva, voyons les paroles de Rav Moché Ye’hiel Epstein (Beèr Moché, p.337) qui souligne que toutes les explications « logiques » sur la Mitsva sont sans fondement (celles qui veulent rattacher l’interdiction à une « nocivité » des premiers fruits d’un arbre …). Il conclut qu’il n’y a qu’une seule et unique raison à toutes les Mitsvot « comme m’a ordonné Hachem mon Dieu ! ».

Le Maharal (Tiférèt Israël, Chapitre 8) le souligne pareillement, en citant le Midrach (Torat Cohanim 20, 26) (rapporté par Rachi 20, 26) : « D’où savons-nous que l’homme ne doit pas dire : J’éprouve du dégout pour la viande de porc, il m’est insupportable de porter du Chaatnez (mélange de laine et lin), mais il doit dire : je le concevrais bien, mais que dois-je faire alors que mon Père Qui est aux Cieux me l’a décrété ! « . Comme dit le verset : « Je vous ai distingués des peuples pour être Miens ! » (20, 26).

Aucune explication ne doit nous éloigner de cette déclaration !

La Mitsva de Orla nous enseigne dans sa « complexité » en même temps que dans sa « simplicité » le sens profond de la Kedoucha (« Sainteté ») : être intégralement lié à Hachem !

Chabat Chalom !