Parasha – 146 Pessa’h 5784

בס »ד

Pessa’h

Au seuil de ce nouveau Pessa’h, nous sommes toujours dans la Galout (Exil), mais avec le ferme espoir que ce Pessa’h marque la fin de nos tourments, et l’aboutissement du projet de Hachem. Comme nous le disons chaque année au Séder dans la Hagada : « A chaque génération chaque homme a l’obligation de se voir comme sorti lui-même d’Egypte ».

Bien sûr le fait d’être « sortis d’Egypte » ne constitue pas la Gueoula (Délivrance) complète, puisque plusieurs Galouyot (Exils) nous ont frappés depuis, et en particulier celui que nous vivons depuis près de deux millénaires.

Toutefois, la Sortie d’Egypte, qui a préparé Matane Torah (le Don de la Torah), et notre entrée initiale en Erets Israël, est le fondement de notre Histoire jusqu’à l’accomplissement de la Gueoula ultime.

Ce Pessa’h revêt peut-être pour nous un aspect différent de ceux des années précédentes.

Bien qu’étant en Galout, comme toutes les générations depuis la destruction de second Beth HaMikdach (Temple), nous nous étions « endormis » dans une douce « torpeur ». Si on disait il y a un certain temps « comme dieu en France », pour célébrer l’accueil ouvert à chacun du pays de la déclaration des droits de l’Homme, on n’en disait pas moins du pays de la « réussite » pour tous, outre atlantique …

Après les tempêtes de la « Choa », quelques décennies avaient suffi à « calmer les esprits » !

Toutefois, Rav Avigdor Miller, un des Grands de la Torah en Amérique, parlait très sérieusement du sujet. Dans le recueil Or Olam d’une partie de ses enseignements, une série de textes (Vol. I, p.165-215) est consacrée à l’analyse de la Choa et de ses prémisses.

Il remarque que si on avait annoncé à un allemand en 1910, à l’époque du Kaiser, que de son pays, symbole de la civilisation, sortiraient des hordes d’assassins méprisables qui massacreraient des Juifs innocents, il aurait juré sur ce qu’il avait de plus cher qu’une telle information était un mensonge !

Une « prophétie » comparable serait vraie en Amérique de son temps, disait-il …

Les générations depuis la Choa ont été « nourries » au slogan : « Jamais plus », comme si la civilisation avait enfin atteint son but d’assainissement des pulsions de l’humanité :

-Les organismes internationaux de toutes sortes militaient pour le « bien » de toute l’humanité.

-On annonçait avec confiance la disparition définitive de la guerre de la surface de la planète.

Dans une telle euphorie, les Juifs, même attachés à la Torah et au respect de ses Mitsvot pensaient pouvoir enfin trouver une place paisible au sein des nations, que ce soit dans les domaines culturels ou économiques.

Les fondateurs de la Medina s’appliquaient à persuader notre Peuple qu’ils étaient les véritables garants de la sécurité des Juifs partout dans le monde (en s’efforçant de faire oublier leur « silence » criminel face à l’anéantissement de plus du tiers de notre Peuple ! cf. « Perfidy » de Ben Hecht téléchargeable sur Google …)

Et sur ce terrain empreint de sérénité a soudain éclaté comme une bombe ce qui devient progressivement l’atmosphère de notre quotidien. En six mois, d’annonce en annonce des morts au combat ou dans des attentats, de « désaffection » en animosité de plus en plus marquée de la part du monde extérieur, nous avons glissé insensiblement au point où la question se poserait, si nous avions l’audace ou le courage de nous la poser, « jusqu’où tout ça peut nous amener » ?!

Il ne s’agit pas ici d’une « analyse politique de journal « juif », mais de considérer l’approche qui peut être la nôtre à Pessa’h qui est « à notre porte » !

Retournons en arrière dans un « panorama » de Pessa’h à travers les âges.

Nous pouvons essayer d’imaginer le Pessa’h plein de joie des époques fastes où nos ancêtres se réunissaient à Yerouchalaïm pour le Korban (l’offrande) Pessa’h, consommé en grands groupes familiaux lors du Séder empreint de grandeur spirituelle !

Nous n’approchons bien sûr pas leur niveau et leur vécu quotidien du lien avec Hachem. Nous pouvons toutefois extrapoler de l’atmosphère dans l’environnement des Grands de nos générations.

Le Séder est centré sur les trois Mitsvot, le Korban Pessa’h, la Matsa, et le Maror que nous devons non seulement consommer, mais aussi commenter comme nous le lisons dans la Hagada : « …Quiconque n’a pas dit ces trois choses à Pessa’h ne s’est pas acquitté de son obligation » :

– Le Pessa’h que nos ancêtres mangeaient à l’époque où le Beth HaMikdach existait : à quel titre ?! Au titre que Hachem « passa » sur les maisons de nos ancêtres en Egypte …

– Cette Matsa (et nous la soulevons en prononçant ces mots) que nous mangeons : à quel titre ?! Au titre de ce que la pâte de nos ancêtres n’a pas eu le temps de lever jusqu’à ce que se manifeste sur eux le Roi des Rois des Rois, HaKadoch Baroukh Hou et les délivre …

– Ce Maror (que nous soulevons également en prononçant ces mots) à quel titre ? ! au titre de ce que les égyptiens ont rendu amère la vie de nos ancêtres en Egypte …

Ces trois Mitsvot témoignent des principes fondamentaux de notre existence :

– Hachem est proche de nous comme un père aimant, et entretient une « relation privilégiée » avec Son Peuple, Israël !

– Nos actes n’ont pas d’impact direct sur les évènements ! Tout comme la Matsa est le produit du mélange de farine et d’eau, sans intervention d’un processus de fermentation, sans « histoire », de même tous les évènements de la vie individuelle ou collective résultent exclusivement de la Volonté Divine.

– Même les péripéties « difficiles » de l’existence, tant individuelle que collective, sont dirigées par Hachem dans notre intérêt.

Le Sfat Emet explique ainsi le terme « Lehodot » (« reconnaître ») qui précède le terme « Lehallel » (« louer ») dans notre introduction à la Berakha de conclusion de la Hagada. Il ne suffit pas de « louer » et remercier Hachem pour la délivrance des tourments… Nous devons prendre conscience que les tourments eux-mêmes participent du Projet Divin pour notre bien !

Ces notions étaient parfaitement perceptibles pour les générations qui vivaient la Présence de Hachem en leur sein dans le Beth HaMikdach.

Mais qu’en était-il dans les périodes éprouvantes de persécutions, lorsque l’accomplissement des Mitsvot, et même l’existence étaient menacés ?!

Qu’en était-il, en vérité, du 1er Pessa’h, en Egypte, au seuil de la Sortie, alors que la Délivrance n’était encore que la Promesse Divine pour le lendemain ?! Les Bené Israël durent fêter la Délivrance par « anticipation », en se réjouissant du lien avec Hachem, Père plein d’amour pour Ses enfants, alors qu’ils avaient encore le cœur plein du souvenir des bébés jetés dans le Nil ou incorporés dans les murailles. Ils devaient encore « digérer » les lourdes pertes des 4/5 du Peuple qui avaient disparu pendant la plaie des trois jours de ténèbres.

Ces personnes qu’ils avaient dû enterrer n’étaient pas des « traitres » à leur Peuple !

Ils étaient des Bené Israël comme les autres, auxquels il avait seulement manqué la Emouna nécessaire pour écouter les Anciens de la génération qui avaient reconnu la véracité de la mission de Moché Rabénou. Mais pour le reste, ils étaient totalement intégrés à ceux qui maintenant devaient surmonter ces deuils et fêter avec un cœur entier la proximité avec Hachem. Comment nos ancêtres ont-ils eu la grandeur de surmonter leurs deuils pour se « donner » pleinement au contact avec Hachem dans ce Séder si particulier ?!

Ce sont des épreuves comparables qu’ont vécues toutes les générations qui devaient aborder Pessa’h, avec la joie et la ferveur qu’il mérite, en sachant unifier dans leur cœur le Korban Pessa’h, la Matsa et le Maror.

Ce Maror pour lequel ils auraient pu considérer qu’il ne nécessitait pas l’ajout des herbes amères à l’amertume du quotidien.

Grâce à Hachem, nous n’en sommes pas au point de ces générations particulièrement éprouvées ! Toutefois les « messages » que Hachem nous envoie depuis 6 mois doivent nous « réveiller » et nous amener à recalculer nos sentiments face aux « challenges » de l’époque actuelle, à l’intérieur de notre Peuple comme face aux nations. Que ce soit dans le rapport collectif à la Torah, ou dans notre vécu individuel du quotidien, nous avons une tâche importante à accomplir en préparation de ce Pessa’h et en intégration de ses enseignements. Sachons retrouver la vraie intimité avec Hachem !

Prions Hachem de nous donner les forces et la lucidité qui fera, nous l’espérons, un Pessa’h favorablement décisif vers la Gueoula Ultime.