Parasha – 145 Metsora – Chabat Hagadol 5784

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La Paracha Metsora s’ouvre sur le chapitre qui traite du retour “à la normale” du Metsora, l’homme qui était affligé d’une des “décolorations” de la peau appelées Tsaraat. Ces plaies étaient de nature manifestement “miraculeuse”, pour sanctionner un problème profond dans la personnalité de l’homme, et n’étaient “confirmées” comme source d’impureté que par la déclaration d’un Cohen.

À la suite de la déclaration du Cohen, le Metsora devait s’éloigner de toute agglomération “fermée” d’une muraille, comparable en cela à Yerouchalaïm, où est situé le Beth Hamikdach (Temple). Le fait que le Metsora ne soit “banni” de la société qu’après que le Cohen ait déclaré qu’il est Tamé (impur), joint au fait que cette personne n’était que “tolérée” dans les agglomérations sans muraille illustre bien qu’il ne s’agit pas d’une maladie naturelle et contagieuse.

Tant que le Metsora n’a pas “fait le point” des problèmes intérieurs à sa personne, afin d’en “guérir”, les “symptômes” persistent. Ce n’est qu’une fois que son isolement l’a amené à réfléchir et à faire Techouva que sa peau retrouve son aspect normal.

Mais alors, il semblerait, de prime abord, que tout est “rentré dans l’ordre” !

Il devrait suffire que le Metsora réintègre “triomphalement” son domicile et qu’il organise alors une grande fête familiale avec ses amis pour célébrer sa libération du poids de ses fautes et son retour à l’état normal.

Pourquoi est-il encore nécessaire d’accomplir tout un processus, avec la participation du Cohen, et des étapes successives, jusqu’à amener une série de Korbanot (offrandes) ?!

Puisque ses symptômes sont partis, c’est bien la preuve qu’il a fait Techouva ! Et si la Techouva a effacé ses fautes, que lui manque-t-il encore ?!

Rav ‘Haïm Zaïtchik (Mayné Ha’Haïm II) remarque que tout au long des passages relatifs au Metsora, la Torah dit “le Cohen verra”. Une fois seulement la Torah dit : “le Cohen le verra” (Vayikra 13, 5).

Rav Zaïtchik explique qu’il ne suffit pas que le Cohen examine le Nèga (plaie de Tsaraat) pour juger de son éventuel changement. Il doit “voir le visage du Metsora” pour constater s’il a “changé”. Il faut voir si l’homme a changé dans sa personne, si les jours de solitude l’ont amené à des pensées de Techouva.

Tout le processus du Tsaraat consiste à réparer la faute.

Toutefois, même après un changement partiel, il reste à compléter la réparation. Il faut qu’il soit perceptible qu’il a profondément changé dans tout son être.

Pour illustrer cette notion de “visibilité” de l’état de la personne, Rav Zaïtchik rapporte les paroles du Or Ha’haïm HaKadoch sur la rencontre de Yaacov Avinou avec son fils Yossef, après 22 ans de séparation que Yossef a passés dans un milieu “corrosif” susceptible d’altérer sa dimension spirituelle.

Le Or Ha’haïm souligne (Beréchit 46, 30) que ce n’est qu’au moment effectif de leur rencontre que Yaacov Avinou dit : “après que j’ai vu ton visage que tu es encore vivant” !?

Pourtant, Yaacov s’était déjà réjoui lorsque ses fils lui avaient annoncé qu’ils avaient retrouvé Yossef en Egypte (45, 27).

Qu’a-t-il vu de plus lors de la rencontre qui lui confirme que Yossef est vivant ?! Le Or Ha’haïm explique que dans un premier temps, Yaacov a juste appris que Yossef “existe” physiquement. Toutefois, ce n’est qu’en le voyant qu’il a pu constater qu’il était toujours le Tsadik qu’il devait être.

Pour Yaacov ; la réjouissance véritable ne pouvait résulter que de la vie réelle de son fils, la Tsidkout !

Sans cela son existence n’aurait aucun sens.

Le Or Ha’haïm explique que les Tsadikim sont à même de voir sur le visage d’un homme ses actes !

C’est à cette dimension d’examen par le Cohen que doit se soumettre le Metsora !

Rav Zaïtchik explique qu’il est possible que le Metsora ait effectivement acquis les bases de la Techouva. Toutefois son intériorité n’a pas encore changé.

Telle est l’exigence de Hachem envers les êtres d’exception dotés de cet outil miraculeux de “message Divin” que constitue le Tsaraat.

Le Kli Yakar (Vayikra 14, 2) souligne une contradiction apparente dans le langage du verset : “Voici la loi du Metsora le jour de sa purification“. Comment la Torah peut-elle appeler cette personne : “Metsora” et simultanément parler de sa purification ?!

S’il est encore Metsora, il n’est pas en état de purification !

Il répond qu’en réalité, la Torah vient dire ici que par son état de Metsora, il en est venu à une prise de conscience qui l’amène à s’adresser au Cohen. Le mouvement mentionné dans le verset n’est pas le déplacement physique, mais l’élan intérieur !

Le mouvement exprimé dans ce verset : “…Il sera amené au Cohen” ne parle pas du déplacement physique vers le Cohen pour être examiné. Il s’agit ici du mouvement de son cœur qui comprend la nécessité de la Techouva et du contact avec le Cohen pour apprendre le chemin de Hachem dont il s’est éloigné. C’est donc bien à partir “du Metsora”, c’est-à-dire de son état que vient la purification intérieure qui débouchera sur l’étape suivante.

Rav Chalom Noa’h Bérézovski (Netivot Chalom, p. 66) explique la place considérable accordée par la Torah aux règles relatives au Tsaraat. Il souligne la différence profonde entre les fautes qui consistent uniquement dans l’action interdite, et les fautes qui se situent dans les traits de personnalité négatifs. Dans ceux-ci, que ce soit l’orgueil ou les appétits physiques sans contrôle, l’essentiel de la faute n’est pas dans ses concrétisations, mais dans la racine qui y mène. Tant que l’homme n’a pas déraciné en lui les mauvais élans, il est sous l’emprise du Mal.

Rav Bérézovski explique que la réparation se fait en deux temps :

– Tout d’abord le déracinement du Mal

– Ensuite, le renouveau de l’attachement à Hachem.

Pour cette seconde étape également la participation du Cohen est requise.

Rav Mordekhaï HaCohen (Sifté Cohen, Vayikra 13, 2) explique que le Cohen dont la dimension profonde émane du ‘Hessed (la “bonté” gratuite que Hachem manifeste dans la Création), sait reconnaitre les racines du mal qui a frappé l’homme. C’est pourquoi il est apte à lui dicter sa “médication”.

C’est le début de la purification par la période de solitude. Il explique ensuite (Vayikra 14, 3) que c’est là la constatation que fait le Cohen à la fin lorsqu’il déclare : “Voici, la plaie du Tsaraat est guérie du Tsarou’a”. C’est-à-dire que la plaie profonde dans son être est guérie.

Après ces préliminaires, vient le processus appelé à renouveler l’attachement profond à Hachem.

Rav Chimchon Raphaël Hirsch explique (14, 18) que les processus accomplis dans le cadre des Korbanot (offrandes) du Metsora pour sa purification visent à relier sa “santé physique” retrouvée à son lien avec le Beth Hamikdach. Les aspersions de l’huile vers le Kodech HaKodachim, puis l’application sur sa tête viennent lui apprendre à maitriser sa “santé morale et spirituelle” afin de retrouver le contact avec Hachem.

Ce Chabat est appelé “Chabat Hagadol”, le “Grand” Chabat, car le Chabat précédant la Sortie d’Egypte, les Bené Israël durent prendre un agneau et le réserver au Korban Pessa’h (offrande Pessa’h) qu’ils devaient accomplir la veille de la Délivrance complète.

Comme dans le cas du Metsora, la Galout (Exil) en Egypte avait pour but de “purifier les Bené Israël ” des manques qui empêchaient le lien complet avec Hachem par le Don de la Torah.

Il semblerait de prime abord que la Galout et les Nissim (Miracles) des Esser Makot (les dix plaies) qui préparèrent la Sortie d’Egypte devaient suffire à préparer le Peuple Juif à Matane Torah (le Don de la Torah).

Pourtant, nous voyons ici aussi la nécessité d’offrir un Korban Pessa’h, et l’effort des Bené Israël qui bravèrent les Egyptiens en prenant l’agneau, leur divinité qu’ils adoraient, sous leurs yeux, quatre jours avant, en annonçant qu’ils allaient l’égorger en Korban devant Hachem.

Rav Bérézovski (Netivot Chalom, p. 68) complète son analyse de la purification du Metsora en comparant le Korban Pessa’h de la Sortie d’Egypte au processus de purification du Metsora. Il souligne que le Pessa’h ne peut pas se consommer en présence de ‘Hamèts, ni par quelqu’un qui n’est pas circoncis. Ces deux conditions correspondent l’une aux appétits alimentaires, et l’autre aux pulsions dans les relations.

La purification de ces deux élans passait par la consommation du Pessa’h en ‘Haboura (groupe).

Et il en est ainsi à chaque génération, chaque Juif devant se voir comme sorti lui-même d’Egypte.

Chaque année nous devons, lors de ce Rendez-vous Kadoch, sortir de la domination de la Toum’a (impureté) et pénétrer dans le domaine de la Kedoucha, grâce au Seder de Pessa’h en groupe de Kedoucha, comme la venue du Metsora vers le Cohen.

שבת שלום – Chabbat Chalom