Parasha – 142 Tsav – Para 5784

בס”ד

La Paracha Tsav qui est la 2nde du Séfer Vayikra, continue à traiter des règles générales des Korbanot (Offrandes), et présente dans sa seconde partie les démarches d’entrée en fonction du Michkan (Tabernacle) et des Cohanim.

Nous lisons également la Parachat Para qui est la troisième Paracha des quatre que nous ajoutons dans cette période en préparation à Pessa’h, et qui développe le passage relatif à la Para Adouma (la Vache rousse) (Bamidbar 19, 1-22) dont les cendres mêlées à de l’eau de source sont aspergées pour purifier l’homme ou l’ustensile de la Touma (impureté) due au contact avec un cadavre.

Parmi les Korbanot figure le Korban Chelamim (Harmonie), apporté spontanément pour exprimer un désir de rapprochement avec Hachem.

Notre Paracha (Vayikra 7, 11-15) introduit une forme particulière de Chelamim, le Toda, qui est un Korban apporté pour manifester la reconnaissance envers Hachem.

Ce Korban est plus spécifiquement amené par celui qui a échappé à un danger (Guemara Berakhot 54b), sur la base du chapitre 107 des Tehilim qui énumère quatre cas où un homme qui a échappé à un danger doit exprimer publiquement sa reconnaissance à Hachem : celui qui a traversé le désert et en est sorti sauf (Tehilim 107, 4-9), celui qui a été libéré de prison (10-16), celui qui se relève d’une maladie grave (17-22), et enfin, celui qui sort d’un voyage en mer (23-32).

Le Korban Toda est la forme essentielle de l’expression de gratitude envers Hachem, et ses caractéristiques soulignent les paramètres de cette reconnaissance.

Le Korban consiste en un animal, bovin ou ovin, accompagné de quarante pains, trente de trois sortes différentes en Matsa (c’est-à-dire de pâte non levée), et une en pâte ‘Hamets.

Une partie du Korban est consumée par le feu sur le Mizbéa’h, représentant ainsi la “part” de Hachem. Une partie est attribuée aux Cohanim en exercice ce jour, et tout le reste est consommé par celui qui a amené le Korban Toda, avec ses invités.

Ce Korban ne peut être consommé que le jour-même où il est apporté dans le Beth HaMikdach, ainsi que pendant la nuit qui suit, jusqu’à l’aube. Aussi le propriétaire doit augmenter considérablement le nombre des convives afin que le reste du Korban ne devienne pas disqualifié de la consommation en raison du dépassement du délai.

La publication de la gratitude de cet homme à Hachem sera ainsi d’autant plus accentuée par le nombre de participants à sa Seoudat Hodaa (un repas de manifestation de reconnaissance).

Bien que de nos jours nous n’avons plus de Beth HaMikdach pour exprimer de cette manière notre sentiment de reconnaissance envers Hachem, il nous reste la Berakha particulière instituée par nos ‘Hakhamim à cet effet, ainsi que le fait d’organiser une Seoudat Hodaa sans le Korban, malheureusement, pour exprimer publiquement nos sentiments. Comme dans toutes nos Mitsvot, il nous incombe d’intérioriser réellement le sens de cette démarche.

En fait, la “Hakarat Tova”, la “reconnaissance” est au centre de notre relation à Hachem, et en vérité de notre appréhension profonde de la vie.

La Paracha Ki Tavo débute (Devarim 26, 1-11) par la Mitsva des Bikourim (Prémices), les premiers fruits arrivés à maturité que chacun doit amener au Beth Hamikdach pour les présenter devant Hachem.

Le verset 3 dit : “Et tu viendras vers le Cohen … et tu lui diras : “je déclare ce jour à Hachem … que je suis venu vers le pays que Hachem a promis à nos ancêtres de nous donner”.

Il est évident que cette déclaration ne vise pas à “informer” Hachem que nous sommes “arrivés” en Erets Israël, et surtout au fil des siècles, alors que nous y sommes installés depuis longtemps !

Rachi explique donc ces mots ainsi : “Tu lui diras” : que tu n’es pas ingrat !”. C’est-à-dire qu’il ne s’agit pas “d’informer” Hachem qu’on est en Erets Israël, mais qu’on est conscient d’être dans le pays que “Hachem a promis à nos ancêtres de nous donner” !

Nous voyons ici que cette Mitsva a pour but essentiel d’exprimer notre reconnaissance à Hachem !

Quelle est donc l’importance de ces manifestations ?!

Rav Its’hak Hutner (Pa’had Its’hak, ‘Hanouka, p. 32) remarque la “dualité” de la notion de “Hodaa” (reconnaissance) dans le langage de la Torah. Ce terme (et d’ailleurs sa traduction en français …) exprime et la gratitude, et l’acceptation d’un fait (que ce soit une dette, une erreur, ou une simple réalité dont on aurait une difficulté quelconque à convenir).

Rav Hutner souligne qu’il est dans la nature humaine d’aspirer à “l’autonomie”, c’est-à-dire à “ne rien devoir à quiconque”. Aussi dans toute expression de gratitude repose simultanément l’aveu d’une “impuissance”, et du besoin dans cette occasion de recourir au bienfait d’autrui !

En réalité, nous explique Rav Hutner, ce problème atteint son paroxysme dans l’attitude face à Hachem.

En toutes choses l’homme souhaite se voir “indépendant” et “efficace”, et refuse d’admettre sa dépendance totale de Hachem.

Rav Hutner montre comment ces deux facettes apparaissent clairement dans la Berakha du Chmoné Essré “Modim” (nous reconnaissons), qui commence par : “Nous reconnaissons face à Toi que Tu es Hachem notre Dieu …”, puis : “Nous te serons reconnaissants et exprimerons Ta louange pour notre vie …”.

Le premier s’applique à la reconnaissance d’un fait “que”, tandis que le second manifeste la gratitude “pour” !

Les explications de Rav Hutner éclairent la place de la “Hodaa” dans notre vie de façon décisive. Toute notre “Avoda” (le Service de Hachem), et sous un angle légèrement différent toute notre conception de la vie dépendent d’une juste compréhension de ces notions. Là réside l’alternative entre une vie “d’arbitraire” de notre part, de “caprice” permanent, dictée par notre “bon plaisir”, et une vie accompagnée de la conscience permanente de notre essence de “créature” de Hachem, devant dédier toutes ses aspirations à satisfaire au but de notre existence.

C’est ce que vient exprimer le Korban Toda !

Rav Guedaliahou Schorr souligne, lui-aussi, la dualité du terme “Hodaa” (Or Guedaliahou, p. 13). Il l’appuie encore sur le Midrach (Beréchit Rabah, 71, 5) qui rattache à leur ancêtre Léa la “Hodaa” de Yehouda qui a reconnu sa responsabilité face à Tamar sa bru, et la “Hodaa” de David HaMélekh dans ses louanges à Hachem dans les Tehilim.

Le Midrach (Vayikra Rabah 9, 1) souligne la valeur particulière du Korban Toda face aux autres Korbanot. Alors que les autres Korbanot viennent réparer une faute, le Toda n’a aucune connotation négative.

De plus le Midrach (9, 7) dit que seul le Toda aura place dans le Monde accompli, et pareillement seule l’expression de la “Hodaa” aura place dans la Tefila.

Rav Eliezer Kahan (Na’halat Eliezer, p. 9) rapporte le Midrach et cite encore la Guemara (Avoda Zara 5a) qui relie les erreurs des Bené Israël dans le Désert au manque de “Hakarat Tova” (reconnaissance) face à Hachem ! Il ne s’agit pas là-bas de reconnaissance pour les bienfaits matériels, mais de leur niveau spirituel. Croyant qu’ils étaient parvenus au niveau de recevoir la Torah par leurs propres efforts, les Bené Israël n’ont pas jugé nécessaire de solliciter l’aide de Hachem pour se maintenir à ce niveau exceptionnel !

Nous pouvons apprendre d’ici un regard nouveau sur la Paracha de la Para Adouma. Rachi (imprimé sur le verset Bamidbar 19, 22) cite l’enseignement qui relie le rôle de purification de la Para Adouma à la faute du Eguel (Veau d’or).

Le Beth Halévi (Parachat Ki Tissa) explique que la faute du Eguel consistait à avoir voulu “remplacer” l’absence de Moché Rabénou, organe de contact avec Hachem, par une sorte de “Michkan” (Tabernacle), lieu de manifestation de la Chekhina (Présence de Hachem) en leur sein, avant d’en avoir reçu la Mitsva de Hachem. La réparation de cette faute s’exprime par les versets qui répètent dans la Paracha Pekoudé : “Comme Hachem a ordonné à Moché” (Chemot 39, 1-32) !

Le Beth Halévi explique de même le Midrach (Bamidbar Rabah 19, 8) qui relie la purification de la Para Adouma à la faute du Eguel, en disant que la “mère” (La Vache Rousse) vient réparer la souillure du “fils” (le Eguel-Veau d’or).

Or la Torah définit la règle de la Para Adouma comme un “‘Hok” (un décret) sans explication accessible à l’homme ! Comment concilier ce Midrach avec le caractère de “Décret” de la Para Adouma ?!

Le Beth Halévi explique que la faute du Eguel consistait précisément dans le fait de vouloir “maîtriser” jusqu’au contact avec Hachem, en réalisant spontanément un lieu de Présence de la Chekhina.

La soumission au caractère “inaccessible” de la règle de la Para Adouma répare, de fait, ce travers dans notre comportement face à la vie.

La coïncidence cette année de la lecture de Parachat Para avec la Paracha Tsav qui nous montre la centralité de la “Hodaa”, doit nous préparer plus fortement encore à recevoir notre existence des mains de Hachem en revivant à Pessa’h notre Sortie d’Egypte et le début de notre Histoire “d’Ambassadeurs” de Hachem face aux nations.

Puissions-nous enfin surmonter notre tendance à “l’indépendance” (toute relative …) et vivre pleinement le privilège de ne dépendre que de Hachem

שבת שלום – Chabbat Chalom