Parasha – 141 POURIM 5784

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Ce Pourim, l’atmosphère n’est plus autant à la “kermesse” que d’ordinaire. Après le Pourim 5781, où les masques avaient pris un sens nettement moins “festifs” que d’ordinaire, dans l’ombre du “corona”, les années se succèdent avec leur cortège d’épreuves toutes plus inquiétantes que les précédentes…

Pourim ne doit pas changer du fait de l’atmosphère ambiante !

C’est notre perception de Pourim qui doit évoluer en fonction des leçons que Hachem nous prodigue.

Peut-être pourrons-nous arriver à vivre plus authentiquement ce jour si profond que le Ari Zal définissait “Yom Kippour” comme “Ke-Pourim”, comme Pourim.

Ce n’est évidemment pas un jeu de mots, mais la révélation que le sens réel de Yom Kippour doit être perçu à travers la référence de Pourim.

Il va de soi qu’un Pourim de kermesse ne peut pas contribuer à définir Yom Kippour, et que nous devons entièrement reconsidérer notre approche de Pourim pour nous permettre de percevoir, même partiellement, le sens de cet enseignement du Ari Zal.

En réalité, l’atmosphère “tendue” de la période actuelle sera peut-être justement l’occasion pour nous de nous rapprocher de l’identité exceptionnelle de ce jour de proximité particulière avec Hachem dont nos ‘Hakhamim nous ont gratifié sous l’influence du Roua’h HaKodèch (l’inspiration Divine).

Nous baignions dans une douce torpeur de la routine de la vie, tant publique qu’individuelle, lorsque les évènements ont commencé à “s’accélérer”. A peine sortis des angoisses du Corona, et cherchant difficilement à “digérer” les pertes d’êtres chers, dans nos familles, parmi nos proches, ou dans les “figures de proue” de nos communautés, surgirent les troubles politiques des “occupants” de notre cher pays.

Le mot “occupants” n’est pas un “dérapage”, mais le constat que lorsque des juifs en arrivent à parler de “guerre civile”, c’est qu’ils ne sont pas “au diapason” de l’atmosphère d’un pays de Kedoucha et de vie juive. Il ne s’agit pas ici de développer les détails politiques de leur conflit, mais de constater que “la faim fait sortir le loup du bois”.

A propos de Pourim, nous pouvons dire que nous avons assisté à : “bas les masques” !

Pour lutter contre toutes les menaces de l’extérieur, les prétendus défenseurs d’un pays qui était défini comme un refuge pour les Juifs ont su agiter toutes les menaces de l’importation par eux des “valeurs” de l’occident dans notre vie. Et alors que nous en étions à nous demander jusqu’où cela irait, s’est abattue sur nous l’horreur du ” Pogrom” !

Les inventeurs de la “normalisation” du Peuple Juif, qui s’ingéniaient à “l’intégrer” parmi les nations, se vantaient d’éradiquer les persécutions, de faire oublier les siècles de Juifs poursuivis, maltraités, massacrés et “incapables de se défendre” face à leurs agresseurs, pour faire surgir un nouveau peuple fier et puissant, apte à “rendre coup pour coup”, si ce n’est même de devancer les menaces.

Et là, catastrophe ! Tout ce “château de cartes” s’écroule, en attendant qu’une “commission d’enquête” trouve des “boucs émissaires” pour redorer le blason du rêve de grandeur ébranlé.

Et comme si cela ne suffisait pas, voici que le “masque” hideux de l’antisémitisme resurgit de partout, et, circonstance aggravante, particulièrement dans les bastions de la culture et de la connaissance, les “temples” de la nouvelle religion des “valeurs humaines” sans référence à Hachem, les universités !

C’est plus d’un siècle de rêve d’affranchissement du lien avec les générations de Juifs simples, cherchant dans le seul contact avec Hachem toute la grandeur d’Israël qui s’effondre avec fracas !

L’Israélien devait “remplacer” le Juif, quitte à ce que son identité juive laisse plus ou moins à désirer. Qu’importe s’il s’agit d’un authentique héritier d’une lignée de “pogromistes” russe ou ukrainiens, du moment qu’il sait faire carrière dans Tsahal !!

Tout ce constat pour déboucher sur la vraie question !

Le Monde n’est pas livré au hasard, comme se plaisent à le professer les adeptes de l’assimilation !

Notre Créateur et Maître de l’Histoire individuelle et collective conserve toutes les “cartes” des évènements. Ce n’est donc pas fortuit que les péripéties s’enchainent, accentuant avec une accélération constante l’effondrement des “fausses valeurs” ! Nos ‘Hakhamim, et en particulier la ‘Hafets ‘Haïm soulignaient déjà il y a un siècle l’accélération des évènements !

Toutes ces angoisses sur notre sécurité en Israël et dans l’ensemble du monde ne nous éloignent pas de Pourim, mais, au contraire nous y ramènent !

Considérons l’enchainement des évènements rapportés dans la Meguilat Esther.

Rav Dessler (Mikhtav MéEliahou sur la Meguilat Esther, p.147) analyse l’histoire de Pourim.

Lorsqu’arrive la troisième année du règne d’A’hachvéroch, celui-ci organise un festin monumental pour fêter sa domination sur tout le monde civilisé de l’époque.

Après 180 jours de festivités réservés à ses troupes et aux autorités politiques des provinces, il veut “réjouir” la population de sa capitale pendant 7 jours, invitant tous ses sujets à y participer.

Et là se présente un dilemme pour les Juifs : être collectivement absents des réjouissances du nouveau monarque ne peut que l’indisposer, jusqu’à amener à un danger réel de persécutions sinon plus …

Mais Mordekhaï, Grand parmi les ‘Hakhamim de la génération, met le Peuple en garde contre toute compromission avec le monde extérieur.

Négligeant ses recommandations, une partie des Juifs participera alors au festin.

Il convient de noter que, comme nous le disent nos ‘Hakhamim (Guemara Meguila, 12a), le festin était préparé pour les Juifs selon toutes les exigences de la Cacherout, Mordekhaï lui-même, faisant partie des “dignitaires” du Royaume avait été commis préposé à cet effet.

9 années passent, sans que la moindre conséquence fâcheuse n’ait sanctionné cette infraction des Juifs. Il semble que les “avertissements” de Mordekhaï étaient injustifiés …

Puis, à la douzième année du règne d’A’hachvéroch, celui-ci porte Haman aux plus hauts honneurs, allant jusqu’à ordonner à tous ses sujets de se prosterner devant lui.

Et alors, Mordekhaï se “singularise” en provoquant délibérément Haman.

Tous critiquent le comportement de Mordekhaï qui met en danger l’ensemble de la communauté. Toutefois Mordekhaï ne cède pas, et continue à braver ouvertement Haman…

Le résultat ne se fait pas attendre, et Haman publie, avec l’assentiment d’A’hachvéroch, son décret d’extermination de tous les Juifs de l’empire Perse.

Selon toutes les apparences, Mordekhaï a tort “sur toute la ligne”.

Ses avertissements d’il y a 9 ans se sont avérés erronés, et son propre comportement mène à la catastrophe … Ajoutons, comme “circonstance aggravante” que se prosterner face à Haman ne constituait pas une faute d’idolâtrie, mais un simple problème “d’apparence” mineur.

Rav Dessler soulève la question :  si nous avions vécu à cette époque, quels auraient été nos sentiments ?!

Là résidait l’épreuve pour les contemporains de Mordekhaï. Lorsqu’ils surent se ressaisir, et tourner le dos à leur impression première, en reconnaissant la justesse de la position de Mordekhaï qui leur expliqua que c’étaient uniquement leurs fautes qui avaient déclenché le décret de Haman.  Que ce soit de s’être prosternés face à la statue de Nevou’hadnétsar (l’Empereur de Bavel qui avait détruit le Beth HaMikdach et exilé les Bené Israël plus de cinquante ans plus tôt), ce qui n’était pourtant pas une véritable idolâtrie, mais un “culte” honorifique du dictateur, ou que ce soit la participation au festin d’A’hachvéroch, c’est le manque de confiance dans les ‘Hakhamim de la génération (Mordekhaï) qui est la véritable source des catastrophes.  

Considérons à présent la dimension de cette génération : étaient-ils atteints d’assimilation “galopante” comme c’est le cas dans le monde moderne ?

Les éléments décrits par nos ‘Hakhamim nous dépeignent un tableau beaucoup plus nuancé. Il ne s’agissait pas de précurseurs des Hellénisants des générations ultérieures, ni de leurs héritiers, les Tsedokim (Saducéens) de l’époque qui précéda la destruction du second Beth HaMikdach.

L’épreuve était d’autant plus grande que l’erreur était apparemment “infime”. Il s’agissait d’une analyse selon les principes de la Torah de la démarche qui se justifiait face à chaque “enjeu”.

La leçon de Pourim concerne évidemment toutes les générations jusqu’à la Gueoula (Délivrance) ultime !

Considérons maintenant le profil des générations récentes depuis le début de l’émancipation, il y a plus de deux siècles.

Sans parler des artisans délibérés de l’assimilation, que le Gaon de Vilna définit comme Amalek au sein du Peuple Juif, l’ensemble de la communauté s’est laissé entrainer à une certaine complaisance face aux “valeurs” du monde ambiant. Depuis la recherche d’intégration dans l’activité économique et culturelle (études “supérieures” …) et jusqu’à un crédit au moins partiel à la démarche “active” de défense face aux ennemis de notre Peuple, notre regard s’est considérablement écarté des horizons “traditionnels” de la Emouna.

Il ne s’agit pas ici de ceux qui tournent le dos délibérément aux valeurs de la Torah, mais de l’ensemble de la communauté unie par une adhésion de principe à la Emouna, quelle que soit la précision de leur respect des règles du Choul’han Aroukh.

Il est clair que notre inquiétude d’aujourd’hui est plus ou moins teintée de “déception” face à des valeurs auxquelles nous accordions un certain crédit. Notre attente, si légère soit elle, d’une réaction des pouvoirs publiques dans le monde face à la dérive antisémite des centres de la culture et des mouvements politiques, notre inquiétude sur les progrès de la guerre menée par les “responsables” politiques de l’état contre nos ennemis, sont autant de symptômes d’une Emouna “à deux vitesses”…

Peut-être est-il temps pour nous de rééditer la prouesse de nos ancêtres de l’époque de Pourim, et de “recentrer” notre regard sur le fonctionnement du monde.

Il ne s’agit pas de glisser à l’apathie, mais de nuancer nos réactions à la lumière d’une véritable Emouna, dans la Présence de Hachem dans notre quotidien, et dans la justesse du regard de nos ‘Hakhamim à chaque instant donné de l’Histoire.

En “buvant” (raisonnablement …) à Pourim pour manifester que nous renonçons à notre compréhension erronée du monde, nous reconnaitrons que ce ne sont ni Haman, ni Mordekhaï qui sont en cause, mais notre relation personnelle avec Hachem. Nous pourrons retrouver ainsi notre lien profond avec Hachem, et la véritable Sim’ha (joie intérieure) qui caractérise la confiance en la Présence de Hachem dans tous les instants de notre existence.

La Meguilat Esther (9, 16) dit qu’à la suite de la délivrance du décret de Haman, les Juifs atteignirent “la “lumière”, la joie (intérieure), l’allégresse, et “l’honneur”.

La Guemara (Meguila 16b) développe : la “lumière” c’est la Torah (la possibilité de s’adonner à l’étude de la Torah), la “joie” c’est le “Yom Tov” (les jours de “fête” dédiés au contact privilégié avec Hachem), l’allégresse c’est la Brit Mila (la possibilité de continuer à circoncire leurs fils), et “l’honneur”, ce sont les Tefilin.

Ces quatre “repères” sont les paramètres fondamentaux de la conscience de la vie Juive.

La délivrance du décret prend toute sa dimension dans les valeurs profondes de la “vie Juive”.

Nous aussi, efforçons-nous de réveiller en nous cette grandeur.

En réussissant à nous hisser à ce niveau de Techouva, nous accèderons à la Gueoula de l’épreuve que nous vivons et progresserons vers la Gueoula complète tant attendue !

שבת שלום – Chabbat Chalom