Parasha – 140 VAYIKRA – ZAKHOR 5784

בס”ד

Ce Chabat, nous commençons la lecture du le Séfer Vayikra, qui est dédié aux Korbanot (“offrandes”).

Dans notre Dvar Torah de Vayikra 5777, nous avions souligné le fait que le terme Korban est mal traduit, et même trahi par le terme généralement employé de : “sacrifice”.

Rav Chimchon Raphaël Hirsch souligne que suivant les langues (et les cultures respectives des nations …) cette notion est appelée sacrifice, avec la connotation “d’amputation”, l’homme “abandonne ” une part de lui-même au “Divin”.

Dans d’autres langues, c’est la notion “d’offrande” qui est exprimée, à peine moins choquante. L’homme ne “s’ampute” pas d’une partie de ses biens, mais il “offre” à celui qu’il considère comme son “dieu”, ce qui implique que son “dieu” “reçoit” un cadeau, qui comblerait chez lui un manque.

Le véritable sens du mot Korban vient de la racine “karev” qui signifie : approcher. Le Korban est un moyen pour l’Homme de se rapprocher de Hachem. Le Korban ne “profite” donc pas à Hachem, mais à l’Homme lui-même, pour l’amener au contact et à la juste perception de son lien avec son Créateur.

Le début de la Paracha présente les Korbanot spontanés, que l’homme amène pour se “rapprocher” de Hachem. La seconde partie de la Paracha (Vayikra 4, 1-5, 26) décrit les divers Korbanot qu’il faut amener suite à une faute, individuelle ou collective.

Le dernier Korban cité dans la Paracha présente une particularité qui le distingue fondamentalement de tous les autres. Il est présenté par le verset (5, 21) : “Une personne, lorsqu’elle fautera et commettra une “trahison” envers Hachem, et il niera face à son prochain un dépôt (un objet confié à garder) etc. …”.

Alors que les autres Korbanot sont simplement présentés comme venant pour des “fautes”, des “défauts”, des “manques”, cette faute est définie comme une trahison envers Hachem. Or, dans notre cas, il s’agit essentiellement d’une faute “financière” envers un tiers auquel l’homme a nié une quelconque dette ou obligation, en appuyant sa dénégation par un serment (5, 22).

Pourquoi précisément la faute qui se situe dans le domaine des relations humaines prend-elle une dimension “aggravée” de “trahison” envers Hachem ?!

Le Midrach (Torat Cohanim 372) rapporte les paroles de Rabbi Akiva qui souligne la particularité de la première faute mentionnée dans le verset, la négation d’un dépôt. A la différence d’un prêt ou de toute autre transaction financière qui se font en présence de témoins, le dépôt d’un objet en garde se fait fréquemment discrètement. Le déposant ne souhaite pas que quiconque ait connaissance de ses biens, et aura tendance à confier un objet précieux en dehors de la présence de quiconque hormis le dépositaire. Aussi, à la différence de la négation d’un prêt qui vient en opposition aux témoins, la négation d’un dépôt “bafoue” le “Tiers” unique qui a “assisté” était présent lors de à cette opération. Le dépositaire “nie” la Présence de Hachem entre eux.

Rav Chimchon Raphaël Hirsch élargit le sujet, en soulignant que tout mensonge dans les relations humaines renie Hachem, car Hachem est Le “garant” de la droiture entre les hommes.

Rav Zalman Sorotskin (Oznaïm LaTorah) remarque que la Torah vient contredire ceux qui prétendent qu’il peut y avoir un comportement humain droit et “propre” sans Emouna et “Yir’at Chamaïm” (la “Crainte de Hachem”). Celui qui “trahit Hachem”, conformément aux termes du verset, aboutira inévitablement à “nier face à son prochain”.

Rav Its’hak Zeev Yadler (Tiférèt Tsion, 5, 21) souligne que le jugement est a priori confié au Beth Din (tribunal) terrestre, qui règle les différents entre les hommes. Mais lorsque le Beth Din terrestre est inopérant, faute de témoins, le Tribunal Céleste intervient même dans “ce monde”. Lorsqu’il n’y a pas de témoins, tout l’espoir du prêteur ou du déposant repose sur la Justice Céleste. C’est pourquoi lorsque celui qui a nié à faux reconnait sa faute, il doit “réparer” sa trahison face à Hachem.

Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah, Beréchit, 4, 8 ; p.30) souligne la faute de celui qui pense pouvoir “échapper” au regard de Hachem. C’est là la “trahison” qu’il commet, en agissant comme si “personne ne le voyait”.

Le Kli Yakar explique qu’en niant sa dette envers son prochain, l’homme renie le fonctionnement du monde où Hachem attribue à chacun, y compris à lui-même, ses besoins.

Le fauteur manifeste ainsi son ingratitude envers Hachem pour Ses bienfaits à son égard.

Le Or Ha’Haïm HaKadoch explique pareillement que l’homme détourne l’argent que Hachem a attribué à son prochain, et cause ainsi une “accusation” erronée contre la Justice Divine dans la répartition des biens matériels.

Rav Zalman Sorotskin (Oznaïm LaTorah) ajoute que l’homme qui nie un dépôt oublie que son âme est “confiée” chaque soir à Hachem. Qu’adviendrait-il de lui, si Hachem ne lui restituait pas, un matin, ce dépôt précieux, sa Nechama …

Ce Chabat, nous lisons également la Parachat Zakhor qui est la 2ème des 4 Parachiot qui préparent à Pessa’h et qui nous enjoint de nous souvenir de l’agression d’Amalek venu de loin pour attaquer le Peuple Juif sur son chemin dans le Désert, juste après la Sortie d’Egypte, avant même que nous ne recevions la Torah au Sinaï.

Nous avons une Mitsva particulière de lire cette Paracha (Devarim 25, 17-19) le Chabat qui précède Pourim, la fête qui nous fait revivre chaque année notre délivrance des mains de Haman, descendant d’Amalek.

Mais en quoi consiste notre devoir de nous souvenir de Amalek ?

Devons-nous faire tendre tous nos efforts à affronter la guerre avec Amalek et à l’anéantir ?!

Serions-nous, alors, astreints à nous entrainer à utiliser contre Amalek ses propres armes ?! Mais alors, en quoi serions-nous si différents d’Amalek dans notre démarche ?!

Rabbi Lévi Its’hak de Berditchev (Kedouchat Levy, Drouch Le Pourim) explique qu’au-delà de l’anéantissement physique du peuple d’Amalek, la Mitsva consiste essentiellement à éliminer de notre cœur la partie “dénommée” Amalek.

Tant qu’Amalek existe dans le Monde, puisque l’Homme est à lui seul un “microcosme”, il y a en lui une dimension d’Amalek qui le pousse à fauter. C’est en cela que consiste la Mitsva de nous souvenir. Nous devons “activer” en nous la qualité spécifique d’Israël : “…La voix est la voix de Yaacov” (Beréchit 40, 22) dans l’étude de la Torah et la Tefila, et éliminer ainsi en nous les traces d’Amalek.

Rav Dessler (Mikhtav MéEliahou – volume dédié à ‘Hanouka et Pourim, p. 107) définit la spécificité d’Amalek : chaque nation possède sa dimension profonde particulière que nos ‘Hakhamim définissent comme le “prince de la nation”, c’est-à-dire la dimension spirituelle fondamentale de ce peuple.

Même si dans ce monde les peuples utilisent leurs potentialités pour se détourner de Hachem, toutes les nations ont en elles une caractéristique qui peut être “réorientée” vers Hachem.

Amalek est l’exception qui ne représente que le rejet total de la Spiritualité et de la Kedoucha. La ‘Houtspa (l’audace) et l’orgueil qui caractérisent Amalek n’existent que pour nous servir d’épreuve à surmonter.

La lutte contre Amalek se mène dans notre cœur en extirpant de notre personne profonde les traces de complaisance pour la moindre “erreur” de perception de la réalité du fonctionnement de la Création de Hachem, entièrement soumise à Sa Volonté. Chacun de nous entretient au plus profond de son être un reflet d’Amalek dont il n’est pas lui-même conscient. C’est là que réside la Mitsva d’anéantir Amalek.

Ce n’est qu’en tendant tous nos efforts vers le contact avec Hachem par la Tefila que nous pouvons vaincre “le Amalek” qui réside en nous.

Les deux passages de la Torah que nous lisons ce Chabat s’accordent et se complètent pour nous préparer à Pourim.

La lutte contre Haman ne consistait pas dans la préparation militaire !

Elle s’est menée sur le front particulier d’Israël, la confiance sans réserve en Hachem, comme nous le verrons dans notre Dvar Torah sur Pourim.  

שבת שלום – Chabbat Chalom