Parasha – 139 Pekoudé 5784

בס »ד

La Paracha Pekoudé nous amène à la réalisation tant attendue : l’érection du Michkan (le Tabernacle).

Les Bené Israël ont mis toute leur énergie dans cet ouvrage, les uns en apportant leurs contributions, les autres en participant concrètement à sa confection. Et au moment de l’ériger, les Bené Israël apportent les divers éléments à Moché Rabénou (Chemot 39, 33-42).

Rachi (33) rapporte le Midrach Tan’houma (Pekoudé 11) qui explique qu’étant donné le poids considérable des panneaux du Michkan, les Bené Israël ne pouvaient pas en effectuer le montage.  Aussi, ils présentèrent tous les éléments du Michkan à Moché Rabénou, qui dressa lui-même le Michkan pour la première fois.

Pour diverses raisons cette explication est particulièrement étonnante :

– Si le montage posait problème, ne suffisait-il pas de mobiliser de nombreux hommes pour ce faire ?

Tout au long des déplacements dans le désert, les Leviim devraient démonter et remonter le Michkan. N’auraient-ils pas pu en faire autant dès la période de son inauguration ?! (Oznaïm LaTorah).

– De plus, Moché Rabénou lui-même dit à Hachem : « Comment un homme pourrait-il dresser le Michkan ? », et Hachem lui répondit : « Agis quant à toi, avec tes mains, et tu sembleras le dresser, et il se dressera de lui-même ! ».  C’est ce que signifie le verset (40, 17) : « …fut érigé le Michkan » (au passif, et non « Moché érigea le Michkan ») (Rachi 39, 33 ; au nom du Midrach Tan’houma).

– Quel est alors le sens de ce « simulacre  » de montage par Moché Rabénou, qui, en réalité n’effectue rien ?!

Rav Zalman Sorotskin (Oznaïm LaTorah, 39, 33) rapporte le Midrach Tan’houma qui dit que comme l’érection du Michkan correspond à la Création, de même que la Création du Monde qui fut réalisée par Hachem seul, il fallait que n’y participe qu’un seul homme, Moché, « l’Homme de Dieu ». Les Mal’akhim (« Anges ») n’ayant été créés que le deuxième jour … (Rav Sorotskin veut dire par là que le Michkan, qui était une œuvre humaine destinée à accueillir la Chekhina (Présence de Hachem), devait « ressembler » autant que possible à l’œuvre initiale de la Création où se manifeste la Présence Divine).

Rav Sorotskin explique encore que le Michkan avait comme fonction d’unifier les Bené Israël, et de les fondre en un Peuple unique. Le Beria’h Hatikhon (la barre centrale) qui parcourrait les trois côtés du Michkan, unifiant les panneaux, représentait le rôle du Michkan qui unifie les Chevatim (Tribus) d’Israël.

La Mitsva de se rendre au Michkan (puis au Beth HaMikdach (le Temple) lors des trois rendez-vous annuels, Pessa’h, Chavouot, et Soucot, reliait tout le Peuple.

Aussi, aucun homme, sage ou artisan ne pouvait ériger initialement le Michkan, si ce n’est Moché Rabénou, qui pouvait le faire par la Torah qui a été donnée par son intermédiaire.

Rav Sorotskin appuie ce fait sur les paroles de Rav Saadia Gaon que : « Notre Nation n’est une nation que par la Torah HaKedocha ! ».

Aucune sagesse, aucun idéal ou intérêt matériel ne peuvent unir le « Peuple de la Torah », en dehors de la Torah elle-même.

Rav Sorotskin renvoie à son développement de cette notion dans son ouvrage « HaDéa Ve HaDibour », II, chap.4.

Reste la question du sens de l’intervention réelle de Moché Rabénou, puisque, comme le souligne Rachi, même avec tous ses efforts il ne pouvait pas accomplir réellement ce montage du Michkan, son intervention s’est limitée à « sembler » effectuer cette tâche.

Rav Tsvi Chraga Grossbard (Daat Chraga, 40, 17) soulève cette question, et répond qu’en réalité la même difficulté s’applique à toutes les actions humaines. En vérité l’Homme ne peut rien accomplir par ses moyens dans la Avoda (le Service de Hachem). Toutefois, ce n’est que s’il s’efforce avec toute son énergie, et qu’il veut de tout son cœur, qu’il mérite le soutien de Hachem pour qu’aboutissent ses efforts.

La Avoda de l’homme consiste donc à aspirer de tout son être à accomplir la Volonté de Hachem, et alors il reçoit l’aide Divine.

L’érection du Michkan était réellement au-delà des forces humaines, du fait du poids considérable des panneaux de bois (entre 1,5 m3 et 3 m3 selon diverses opinions). Seule l’aide de Hachem pouvait donner un sens à l’intervention de l’Homme. Mais la part de l’Homme est d’engager toute sa volonté dans cette entreprise.

Rav ‘Hizkiyahou Eliezer Kahan (Na’halat Eliezer, p. 284) demande pour quelle raison Hachem a-t-IL fait en sorte que la toute première fois les Leviim ne puissent pas accomplir ce qui sera leur fonction tout au long du séjour dans le Désert ?!

De plus, même Moché Rabénou n’a fait que « sembler » assembler le Michkan ?!

Rav Kahan souligne que la base initiale de chaque entreprise est fondamentale, comme en témoigne l’exemple de Elicha Ben Abouya (un des grands ‘Hakhamim cités dans la Michna (Avot 4, 20) qui dévia de la Torah parce que l’intention de son père lorsqu’il avait dédié son fils à l’étude de la Torah était intéressée (Tossefot dans la Guemara ‘Haguiga, 15a).

Il était donc d’une importance considérable que l’érection initiale du Michkan soit effectuée par Moché Rabénou, avec sa Kavana (intention) particulièrement élevée.

Rav ‘Haïm Chmoulewitz (Si’hot Moussar, Vaye’hi 32) cite la Guemara (Nedarim 38a) : « HaKadoch Baroukh Hou ne fait résider Sa Chekhina que sur un homme Fort, Riche, Sage et Anav (modeste) ».

Nos ‘Hakhamim analysent le sens de chacune de ces définitions.

Concentrons-nous ici sur le terme « Fort » qui est appuyé sur l’exemple de Moché Rabénou lors de l’assemblage du Michkan.

Rav Chmoulewitz s’étonne que Moché Rabénou soit défini ici comme homme un « fort » relativement à l’érection du Michkan alors que le Midrach dit qu’en réalité il n’y était pas apte, et qu’il n’a accompli qu’un « semblant » d’action ?!

Il répond qu’en réalité la même question pourrait s’appliquer à chacune de nos actions, qui n’ont en vérité aucun impact « mécanique », mais précèdent seulement l’intervention Divine qui est la véritable réalisation.

Alors pourquoi définir Moché Rabénou comme étant un homme « fort » ?!

Rav Chmoulewitz répond qu’il ne s’agit pas de force physique, mais de mobilisation par l’homme de la totalité de ses forces pour accomplir ce qui lui est dicté par Hachem.  

C’est là la qualité des Tsadikim comme Moché Rabénou qui méritent ainsi que Hachem « complète » leur intervention par Sa réalisation.

Ainsi en est-il de toutes nos entreprises, où nous devons nous garder de faire des calculs « d’efficacité » ; mais nous devons agir uniquement en fonction de ce que Hachem attend de nous, en Lui reconnaissant l’exclusivité des objectifs.

Rav Chmouléwitz explique par ailleurs (Behar-Be’houkotaï 32) que la Atslout (la paresse – inertie) consiste à ce que l’homme se justifie de sa passivité par son incapacité à accomplir telle ou telle chose, qui serait, prétend-il, au-delà de ses forces.

Rav Chmouléwitz cite le Ramban (Chemot 35, 21) qui explique que les artisans qui confectionnèrent le Michkan n’avaient aucune aptitude préalable, mais ont été animés d’un élan de volonté d’accomplir la Volonté de Hachem. Et Hachem a fait aboutir leurs efforts.

Tout dépend donc de la volonté que nous engageons dans nos Mitsvot et dans notre étude de la Torah.

A propos du verset : « Ils Me feront un Mikdach (Sanctuaire) et Je résiderai en leur sein », le Malbim (Chemot 25, 8) souligne que « Chacun doit construire un Mikdach dans les compartiments de son cœur ! ». 

C’est notre « Michkan » que nous érigeons par notre « mobilisation » pour répondre à l’appel de Hachem !

שבת שלום – Chabbat Chalom