Parasha – 137 Ki Tissa 5784

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La Paracha Ki Tissa développe abondamment l’épisode de la faute du Eguel (Veau d’Or) et les conséquences qui en découlent, depuis le verset 1 (Chemot chap. 32) jusqu’au seuil des recommandations de Hachem à Moché en vue de l’entrée en Erets Israël (34, 10).

La Paracha ouvre toutefois sur la Mitsva de compter les Bené Israël au moyen de pièces d’un demi-Chékel que chacun remettra, et qui serviront ainsi au dénombrement.

La place de cette Mitsva à cet endroit suscite l’étonnement. Les deux Parachiot précédentes étaient consacrées au Michkan et aux vêtements des Cohanim pour la Avoda (Service) dans le Michkan. Les règles qui suivent ici, avant le récit de la faute du Eguel, sont en rapport avec le Michkan:  la confection du Kiyor (bassin) pour que les Cohanim se sanctifient par ses eaux avant d’aborder la Avoda (30, 17-21), la préparation des essences pour l’huile “d’onction” pour sanctifier les éléments du Michkan et les Cohanim (22-33), les essences pour le Ketorèt (encens) (34-38), la nomination de Betsalel comme coordinateur de la confection du Michkan (31, 1-11), et enfin un rappel de  la Mitsva du Chabat (31, 12-17), pour souligner que la confection du Michkan ne prime pas sur le respect du Chabat.

Ces passages sont situés ici à juste titre, au carrefour des Parachiot dédiées au Michkan, et leur place avant le récit de la faute du Eguel est justifiée, dans la mesure où celle-ci même s’inscrit entre les Parachiot des Mitsvot relatives à la confection du Michkan (Terouma et Tetsavé) et celles de sa réalisation (Vayak’hèl et Pekoudé).

Mais que vient faire ici la Mitsva de dénombrer les Bené Israël ?!

Rav Zalman Sorotskin (Oznaïm LaTorah, 30, 12) explique qu’en réalité toutes les Parachiot du Michkan viennent “en préparation” de la faute du Eguel. Selon lui, le but du Michkan serait de remédier à la faute du Eguel !

Ceci est un débat abondant entre les ‘Hakhamim :

– Selon certains (voir Rav Yehochoua Heller, Dracha Ohel Yehochoua), le Michkan avait sa raison d’exister même avant la faute du Eguel (et selon cette opinion les différences de formulation entre les Parachiot Terouma et Tetsavé, et Vayak’hel et Pekoudé correspondent à des différences de niveau dans la réalisation du Michkan après la faute par rapport à sa dimension prévue initialement …)

– Selon d’autres ‘Hakhamim (voir Sforno Chemot 31, 18) le Michkan n’était pas nécessaire initialement, car les Bené Israël étaient destinés à être “une Nation de Cohanim et un Peuple Kadoch (“Saint”) dans leur quotidien ordinaire, sans besoin d’un “endroit” particulier dédié à la Avoda (Chemot 19, 6).

Rav Sorotskin souscrit manifestement à cette seconde opinion, et considère donc que les Mitsvot qui ont précédé dans la Torah la faute du Eguel venaient préparer la réparation de cette faute. Dans ce sens, Rav Sorotskin explique que les Bené Israël qui ont assisté passivement à la faute du Eguel, même sans s’y associer, et qui n’ont pas répondu massivement à l’appel de Moché Rabénou : “Qui est pour Hachem, qu’il vienne vers moi !” (32, 26), comme les Leviim, devaient donner un “demi-Chékel” pour réparer leur “manque” !

Rav Sorotskin remarque que l’intérêt du décompte qui suivit la faute du Eguel était de souligner que l’ensemble du Peuple restait intact, et que seule une poignée de fauteurs avaient commis la faute, comme le souligne l’expression : “voici ton Dieu, Israël” et nonnotre Dieu” ! (32, 4)

Le point de vue de Rav Sorotskin justifie bien la place du Michkan en guise de “réparation” de la faute du Eguel.

Cependant, quel est le sens du décompte par le “Demi-Chékel” dans le contexte de réparation de la faute du Eguel ?!

Le Malbim également interprète cette Mitsva comme “prévisionnelle”. Et bien que le dénombrement par les “demi-Chekel” précède la faute du Eguel, son but est de la réparer. C’est pourquoi cette Mitsva est formulée de façon apparemment “facultative” : “Lorsque tu compteras” (30, 12), et non “Compte !” comme devrait être une Mitsva obligatoire.

Le Malbim s’étonne toutefois des détails d’application de cette Mitsva : pourquoi précisément un “demi-Chékel” ?! Et pourquoi est-il précisé que “le riche n’augmentera pas, et le pauvre ne diminuera pas d’un “demi-Chékel, pour donner le prélèvement de Hachem, pour réparer pour vos personnes” ” (30, 9) ?!

Il explique que le fait de compter “individualise” chacun, et appelle le jugement sur chaque homme, ce qui peut entrainer une catastrophe, faute de mérites suffisants chez chacun.  

Par contre, le fait que chacun ne donne qu’“un demi”, et non un “entier”, de telle sorte que ce n’est qu’à deux que l’on atteint une valeur complète, le riche complétant le pauvre, c’est ainsi que se confirme l’unité réelle profonde, facteur de réparation des défauts individuels.

Toutefois le lien entre le Michkan, le Don de la Torah, la faute du Eguel, et le décompte par le “demi-Chékel” reste à définir…

Rav Moché Ye’hiel Epstein (Beèr Moché, p.869) explique que la Mitsva du “Ma’hatsit HaChékel” (Demi-Chékel) manifeste l’unité profonde d’Israël. La Torah n’a été donnée qu’une fois que les Bené Israël ont atteint le sommet de l’unité (Midrach Vayikra Rabah, 9, 9) “Vayi’hane” (la Torah emploie le terme : “il campa” – au singulier pour souligner l’Unité à laquelle le peuple était arrivé) là-bas Israël face à la Montagne” (Chemot 19, 2).

Après la faute du Eguel, alors que les Bené Israël devaient “à nouveau” recevoir la Torah (avec les secondes “Lou’hot”- les Tables des Dix Commandements) à Yom Kippour, la Torah souligne la notion de “Demi” pour enseigner que la qualité des Bené Israël est d’être collectivement comme un seul homme. C’est pourquoi chacun ne doit donner qu’un “Demi”, le riche comme le pauvre.

Rav Epstein ajoute que pour le jour de “l’inauguration” du Michkan (Vayikra 9, 1-6), Moché Rabénou dit aux Bené Israël (6) : “Voici la chose que Hachem a ordonnée …”, et nos ‘Hakhamim disent (Torat Cohanim) ” ce Yetser HaRa (le Penchant du Mal) écartez-le de votre cœur, et soyez tous en une seule Yir’a (crainte de Hachem), et en un seul projet pour servir devant Hachem. Tout comme Il est “Un” dans le Monde, ainsi doit être votre Avoda, unique devant Lui…”.

Rav Epstein souligne que cette unité est le facteur fondamental de la Avoda comme on le voit dans le Midrach qui relie la reconnaissance de Hachem à l’unité des Bené Israël représentée par le bouquet du Loulav (Vayikra Rabah 30, 12). C’est pourquoi la Mitsva du “Ma’hatsit HaChékel” est à ce point importante qu’un pauvre doit aller jusqu’à vendre son manteau pour avoir de quoi donner son “demi-Chékel”.

Rav Chalom Noa’h Bérézovski (Netivot Chalom, p.233) souligne la dimension d’unité du Peuple d’Israël, qui consolide sa Kedoucha (“Sainteté”), c’est-à-dire son lien étroit avec Hachem. Le premier “Ma’hatsit HaChékel” était destiné à la confection des socles du Michkan, concrétisant ainsi la participation complémentaire de tous les Bené Israël dans la Présence de Hachem dans le Monde.

Ce lien entre “l’Unicité” de Hachem et l’unité des Bené Israël est encore souligné dans la Tefila de Min’ha de Chabat “Tu es Un, et Ton Nom est Un, et qui est comme Ton Peuple Israël, un peuple “Un” dans la Terre”.

De tous temps, le facteur d’unité a été l’objet de la recherche de l’Humanité, et ce jusqu’à notre époque. Toutefois, les efforts des nations ont eu des “bonheurs” variés” dans ce domaine. Il est précieux de comprendre les différences profondes dans ce domaine, afin de ne pas nous tromper de “cible” !

La recherche moderne à travers les divers organismes internationaux s’effondre avec fracas dans les manipulations des uns et des autres. La raison est évidente : personne, aucun individu ni nation, n’a jamais cherché dans cette démarche autre chose qu’un outil pour atteindre ses buts égoïstes. Chacun des autres n’est considéré dans ce genre de démarche que comme un “marchepied” pour asseoir sa propre influence.

La génération de la Tour de Bavel avait tenté une initiative plus “élaborée” où l’unité était “au rendez-vous”, comme Hachem le souligne dans la Torah : “Voici un peuple, et une langue pour tous, et c’est ce qui les a amenés à agir …” (Beréchit 11, 6). Le danger de cette “fausse” unité était tel que Hachem intervint en les dispersant et en brouillant leurs langages respectifs.

Seule une véritable unité, basée sur la convergence vers Hachem, comme dans le Michkan, et construite sur la valorisation juste de chacun, comme dans le” Ma’hatsit HaChékel”, possède la qualité requise pour amener la Création à sa réalisation ultime.

Prions Hachem de nous inspirer tous afin que le Peuple d’Israël soit enfin pleinement le Peuple de Hachem, unis dans la Kedoucha !

שבת שלום – Chabbat Chalom