Parasha – 136 Tetsavé 5784

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La Paracha Tetsavé est presque entièrement consacrée aux vêtements que les Cohanim doivent porter lorsqu’ils effectuent la Avoda (le Service) dans le Beth HaMikdach (le Temple).

Rav Chimchon Raphaël Hirsch explique (dans son récapitulatif sur les vêtements des Cohanim, Chemot 28, 43) que les vêtements ne viennent pas souligner la qualité réelle du Cohen, mais l’idéal auquel il faut atteindre selon les Mitsvot de la Torah. Le Cohen est ainsi la “vitrine” de ce à quoi chaque Juif doit aspirer dans son contact avec Hachem.

Au début de la Paracha (27, 20-21) Hachem ordonne à Moché Rabénou de se faire apporter par les Bené Israël de l’huile d’olive d’une qualité particulière, destinée à l’allumage de la Menorah (le Candélabre) dans le Michkan (Tabernacle).

Nombre de Commentateurs s’étonnent de la présence de cette Mitsva précisément à cet endroit, entre les Parachiot Terouma et Tetsavé ?!

L’huile pour la Menorah n’est pas un élément constitutif de la construction du Michkan, mais un “consommable” qui doit être renouvelé en permanence. Elle ne devrait donc pas être intercalée au milieu des versets consacrés à la mise en place de la Avoda, entre la confection initiale du Michkan dictée dans la Paracha Terouma, et la confection des vêtements des Cohanim qui sont également préparés de façon durable.

Aussi, pour expliquer ces deux versets, nos ‘Hakhamim soulignent la dimension particulière de la Menorah qui se trouvait dans le Michkan et le Beth HaMikdach.

Le Ramban (25, 1) introduit la Paracha Terouma en disant que le rôle du Michkan est de perpétuer la manifestation de la Présence de Hachem au Har Sinaï.

Le Haamèk Davar développe que la “Lumière” de la Torah qui est le but du Michkan amène la Chekhina dans Israël. Cet objectif est réalisé abondamment par les deux “articles de Kodèch (Saints)”, le Aron qui recueille les Lou’hot des Asséret HaDibrot (Les Tables des Dix Commandements), et la Menorah (Le Candélabre). Leurs rôles sont toutefois différents : le Aron Hakodèch représente la dimension explicitement transmise, par écrit ou en transmission orale précise (Halakha de Moché Mi Sinaï). La Menorah correspond à la possibilité de déduire par analyse réfléchie des règles qui n’ont pas été exprimées explicitement.

La Guemara précise que cette dimension provient du mérite spécifique de Moché Rabénou (Nedarim, 38a).

Le Haamèk Davar justifie ainsi l’introduction à l’attribution de la Kehouna (fonction de la Avoda dans le Michkan) à Aharon par cette Mitsva. Avant de confier la Kehouna, dimension d’une valeur exceptionnelle, à son frère Aharon, Hachem souligne à Moché Rabénou que toute cette grandeur d’accès à la Torah passe par lui.

Et puisque la Menorah représente l’étude de la Torah Orale, le Talmud, la Mitsva concerne l’ensemble du Peuple Juif. C’est pourquoi l’ensemble des Bené Israël doivent pourvoir à l’huile spéciale de la Menorah.

La Torah n’est pas l’apanage d’une caste de “prêtres” comme la “connaissance” dans les religions.

La Torah est le lien de chaque Juif avec Hachem.

Rav Chimchon Raphaël Hirsch remarque que dans la Torah, le texte concernant la préparation des Nérot est placé avant celui des règles de confection des vêtements pour souligner que la préparation des Nérot pour la Menorah doit être la première Avoda le matin. Cette exigence manifeste la place essentielle de l’enseignement de la Torah.

Rav Hirsch souligne que seule la “Hatavat HaNérot” (la préparation des godets recevant l’huile) est réservée aux Cohanim. Dans le principe, même si ce n’est pas pratiqué couramment, un non-Cohen pourrait allumer les Lumières de la Menorah. Cependant, c’est le rôle des Cohanim d’enseigner et de donner ainsi à chacun les moyens d’accéder à la connaissance de la Torah.

La Guemara (Chabat 21a) explique que le terme “leha’alot” (faire monter) qui est employé relativement à l’allumage des Nérot définit que la Mitsva consiste à maintenir la source au contact de la mèche jusqu’à ce que la flamme “monte d’elle-même.  Rav Hirsch, ainsi que Rav Moché Feinstein dans Darach Moché, et de nombreux autres ‘Hakhamim… soulignent que cette exigence représente le fait que l’enseignant doit faire en sorte de devenir “superflu”. Il ne doit pas maintenir le disciple en état de dépendance permanente face à lui.

Rav Hirsch souligne encore que la précision dans la Torah que la Menorah est située “à l’extérieur du Parokhèt (le Rideau) qui isole le “Témoignage” (les Lou’hot)” met en garde contre la tentation de “s’approprier” la Torah et de croire en la possibilité d’y introduire ses “lumières” personnelles pour “l’améliorer” ! La présence des Kerouvim sur le couvercle du Aron Hakodèch nous rappelle constamment que la Torah doit être protégée de toute atteinte extérieure.

Le Malbim s’étonne également de la place de cette Mitsva située entre la confection du Michkan et celle des vêtements des Cohanim ?!

Il semble ainsi que le paragraphe relatif à l’huile de la Menorah est une introduction aux vêtements des Cohanim. Il confirme que c’est effectivement le cas, compte tenu du sens réel de la Mitsva des vêtements.  Le Malbim explique que les vêtements ne sont pas simplement des habits matériels. Les vêtements font allusion aux “vêtements” de l’âme, les Midot (traits de caractère).

Conjointement aux Midot exceptionnelles que les Cohanim doivent développer en eux, Il faut associer “l’huile” de l’âme. Dans Kohélet (9, 9), Chlomo Hamélekh dit : “À tout moment tes vêtements seront blancs, et l’huile ne manquera pas sur sa tête”.

Le Malbim explique ce verset : “les vêtements de l’âme sont les Midot qui doivent être “blanches” de toute souillure, et “l’huile ne manquera pas sur sa tête” signifie :  l’Homme forme un tout avec la Torah, qui est la “Lumière” de Hachem sur terre. L’Homme représente le récipient de la lampe et la mèche qui absorbe l’huile de la Nechama (âme). La Torah est la flamme qui apporte la clarté.

Mais le Malbim remarque qu’il y a diverses sortes d’huile, et que ce n’est pas chacun qui réussit à purifier son âme des souillures des fautes, et d’être ainsi apte à la lumière de la Torah.

Le Malbim explique toutefois que le Michkan représente l’unité d’Israël. Aussi Hachem ordonne que le Peuple d’Israël apporte collectivement cette huile pure pour recevoir la Lumière de la Torah. C’est le rôle de Moché Rabénou qui a amené la Torah sur terre de recevoir cette “huile pure” collective, et c’est le rôle du Cohen Gadol de faire en sorte par ses “vêtements blancs” que la Torah repose sur le Peuple. C’est pourquoi cette Mitsva vient en introduction aux vêtements des Cohanim.

Rav Guedalya Schorr (Or Guedalyahou, p. 69) soulève lui aussi la question de la place de ces deux versets. Il explique que l’objectif du Michkan était la Présence de la Chekhina sur terre. La Présence de la Chekhina est elle-même l’œuvre de Hachem par “It’arouta de leéla”, c’est-à-dire un “mouvement” venant “d’en haut”, de l’initiative de Hachem. Mais Hachem veut que l’Homme participe par sa Avoda.

La construction du Michkan décrite dans la Paracha Terouma représente la préparation d’un lieu pour faire résider la Présence de la Chekhina parmi les Bené Israël. C’est “l’initiative” de Hachem.  

La Paracha suivante, Tetsavé, est consacrée à la Avoda de l’Homme (avec les vêtements des Cohanim).

Rav Schorr cite la Michna : “il y a trois “couronnes”, la couronne de la Torah, la couronne de la Kehouna, et la couronne de la royauté (Avot 4, 13). Et la couronne de la “bonne renommée” les coiffe”.

Rachi explique que cette couronne de la “bonne renommée” est celle des “Maassim tovim” (les bonnes actions). Rav Schorr explique qu’il ne peut pas s’agir de “bonnes actions” au sens simple, car cette sorte de “bonnes actions” doit précéder les trois couronnes et non les “coiffer”. Il explique qu’il s’agit ici d’action totalement “bonnes” sans la moindre “impureté” ou défaut. Ces actions “illuminent” et sont une grandeur en soi. Ces actions sont le résultat de l’influence de la Torah sur l’homme. Ainsi c’est bien la “couronne” supérieure qui est issue des trois autres conjointement.

Le verset dans Michlé dit “car la Mitsva est une lampe et la Torah est la lumière” (6, 23). C’est-à-dire que la Mitsva est le récipient qui reçoit la lumière de la Torah. Rav Schorr précise que la Mitsva de la Menorah est particulière du fait qu’elle est elle-même “lumière”. Non pas parce qu’elle consiste en un allumage de lumière, mais parce qu’elle amène la “Lumière” supérieure prodiguée par Hachem.

Rav Schorr ajoute (p. 71) que les deux Parachiot Terouma et Tetsavé représentent, l’une, la Torah “écrite” présente dans le Aron Hakodèch qui abrite les Lou’hot (Tables des Dix Commandements), et la seconde, la Torah “orale” développée par l’action de l’Homme. Cette Torah “orale” développée par l’Homme est inspirée par la Menorah, placée “à l’extérieur du Parokhèt qui protège le “Témoignage” (les Lou’hot).

La Torah “Orale” trouve sa source dans le Aron Hakodèch, qui accueille les Lou’hot de la Torah “écrite”.

Là est le sens réel du Michkan et de sa Avoda. C’est le rôle du Cohen d’enseigner la Torah, comme le verset le dit : “car les lèvres du Cohen garderont la sagesse, et on demandera la Torah de sa bouche” (Mal’akhi, 2, 7).

L’huile de la Menorah prépare ainsi la Paracha des Cohanim, dont le rôle n’est pas simplement “d’apporter des offrandes” dans le Beth Hamikdach, mais de propager l’influence de la Torah dans le Peuple Juif, afin d’amener la Présence de la Chekhina sur terre.

שבת שלום – Chabbat Chalom !