Parasha – 134 Michpatim 5784

בס”ד

La Paracha Michpatim suit immédiatement l’évènement de Matane Torah (le Don de la Torah).

Dans la paracha précédente, Yitro, nos ‘Hakhamim enseignent que la Torah “s’avance”, précédée et suivie de lois “civiles” telle une grande dame qui est entourée par une escorte devant et derrière elle (Midrach Rabah Chemot, 30, 3).

Ce Midrach souligne l’importance fondamentale des “Michpatim” (les lois “civiles”) dans la Torah.

Toutefois, il subsiste le risque d’une compréhension erronée de cette notion, comme beaucoup de nos frères qui se sont égarés dans les derniers siècles, pensant que les Michpatim étaient dotés d’une importance “en soi”, en en faisant selon leurs désirs une “religion à part entière”, et en s’autorisant à les dissocier du reste de la Torah.

C’est le fondement du mouvement appelé “Haskala” (culture), se voulant humaniste et progressiste !

Le premier verset de notre Paracha commence par : “Et voici les Michpatim…”.

Rachi cite le Midrach qui explique l’emploi du “Vav” – “et” comme reliant les Michpatim aux Mitsvot de la Paracha précédente, à savoir les Asséret HaDibrot (les Dix Commandements).

 Nos ‘Hakhamim expliquent que de même que les “précédentes” (les Asséret HaDibrot) provenaient du Sinaï, ainsi celles-ci (les Michpatim) proviennent du Sinaï. Car les lois dites “sociales” dans la Torah ne sont pas de simples règles de fonctionnement de la société, comme les nations s’en inventent, mais de réelles Mitsvot de Hachem, comme les règles du comportement dit “religieux” …

La première Mitsva dans notre Paracha est celle des règles relatives au “Eved Ivri” (l’”esclave” Juif).

La Torah définit les modalités d’emploi d’un travailleur Juif chez son frère Juif au terme d’un contrat ferme de six ans. Rachi souligne qu’il existe deux cas de figure d’une telle situation : soit l’homme s’est “vendu” lui-même par suite de difficultés matérielles, soit le Beth Din (Tribunal) l’a “vendu” pour rembourser un vol qu’il n’avait pas les moyens de réparer.

Dans les deux cas, la Torah limite ce statut à une période maximum de six ans.

De plus, bien que cette “servitude” constitue en soi une déchéance de l’individu, la Torah encadre ce statut de règles si contraignantes pour le “maître” (limitation des travaux qu’il peut demander au Eved, contrainte de priorité au Eved lorsque le “maître” ne dispose pas d’éléments de confort “en double” …) au point que la Guemara (Kiddouchin 20a) dit : “Quiconque acquiert un Eved Ivri c’est comme s’il acquérait un maître pour lui-même !”, tant les contraintes sur le maître sont importantes.

Le cas du Eved Ivri a été développé dans les Divré Torah des années 5778 et 5779, accessibles sur la clé USB que vous pouvez demander par mail à kvlhm.ezr@gmail .com.)

Analysons le rapport entre les ‘Houkim (les lois pour lesquelles nous n’avons aucune approche par notre intellect) et les Michpatim (les lois “civiles”, qui paraissent “compréhensibles” à l’intellect humain).

De même que la section de Matane Torah dans la Paracha Yitro est “encadrée” par les Michpatim, les Michpatim eux-mêmes sont également bordés par des Mitsvot qui n’ont aucune dimension civile. Rachi indique que le “Vav” (“Et”) qui introduit la Paracha la rattache à Matane Torah.

Par ailleurs, l’énumération de règles “sociales” de notre Paracha est parsemée de versets apparemment sans lien avec ce contexte. 

Quelques exemples : trois versets relatifs aux interdits de sorcellerie, zoophilie, et idolâtrie (22, 17-19). Plus loin, des versets concernant les malédictions et blasphèmes, les prélèvements sur les récoltes et animaux nouveau-nés, et l’interdit de consommer la chair d’un animal porteur d’un défaut vital, Ces versets sont ponctués par : “Et vous serez des hommes “Kodèch” (“Sainteté”) pour Moi” (22, 27-30).

Enfin après le long passage essentiellement consacré aux lois “sociales”, vient, sans transition (23, 10-19), une mention de la Chemita (l’année Chabatique), suivie du Chabat.

La Torah souligne ensuite l’interdit de ne serait-ce que mentionner le nom de l’idolâtrie ou de causer qu’il soit évoqué (par exemple par un non-juif dans un serment dans le cadre d’un conflit financier …).

Ce passage se conclut enfin sur la mention des trois Fêtes de pèlerinage, ponctuées de façon surprenante par une des trois mentions dans la Torah de l’interdiction de cuisson ensemble de la viande et du lait …

Notre bref Dvar Torah ne nous permet pas de réaliser l’analyse exhaustive de tous ces versets, qui ne sont cités ici que pour éveiller notre attention à l’imprégnation totale des diverses facettes des lois de la Torah.

Il n’est pas question de “cloisonnement” consistant à regarder la Torah comme un recueil de lois “religieuses”, ou, alternativement, de lois sociales. Tout comme notre personne est composée de facettes spirituelles et matérielles, et qu’il est hors de question de les dissocier, ainsi, il en est de même concernant les règles de vie que Hachem nous offre dans Sa Torah !

Revenons au début de la Paracha avec les règles relatives au Eved Ivri.

Le Ramban (21, 2) remarque que la libération du Eved Ivri à la septième année est un rappel de la Sortie d’Egypte mentionnée dans le premier des Asséret HaDibrot. Le Ramban ajoute que cette Mitsva se réfère également à la Création, comme le Chabat, car la septième année du Eved est son Chabat. De plus le Eved a un lien avec le Yovel, qui marque la fin de sept cycles de sept ans et qui est une sorte de Chabat.

Lorsque nous abordons ce sujet, nous ne pouvons pas manquer de remarquer que, comme cité plus haut, les lois “civiles” de la Paracha sont suivies de règles relatives à la Chemita (l’année Chabatique) et au Chabat. Ainsi, de même que Matane Torah est entouré par les règles de comportement entre les hommes, ainsi ces lois elles-mêmes sont marquées au sceau du Chabat, témoignage de la Création et de sa finalité.

Rav Chimchon Raphaël Hirsch souligne (23, 10-12) que par la Chemita le Peuple entier manifeste que sa terre appartient à Hachem. Par le Chabat chaque Juif témoigne que lui-même et l’ensemble du Monde appartiennent à Hachem. Ces deux témoignages, associés à la sortie du Eved à la septième année, encadrent le corps fondamental des lois “sociales” que constitue la Paracha Michpatim.

Rav Hirsch explique encore l’interdit de mélange de la viande avec le lait qui conclut la mention des trois “rendez-vous” annuels avec Hachem aux “Fêtes de pèlerinage”. Il souligne que ce mélange est interdit non seulement à la consommation mais aussi à la cuisson. Cela distingue cette interdiction des autres lois alimentaires et la rattache aux lois de “Kilaïm” (mélanges) comme le Chaatnez (vêtement de laine et lin mêlés), le croisement d’espèces animales, le mélange et la greffe d’espèces dans la culture.

Il développe que la viande représente la dimension “active”, “animale” de l’Homme, tandis que le lait, aliment de base, représente, lui, la dimension “passive”, “végétative” de l’Homme.

La matière inerte alimente le végétal, qui à son tour, nourrit l’animal, qui est lui-même donné à l’Homme pour renouveler ses forces.

Cette Mitsva vient rappeler à l’Homme que lorsqu’il “absorbe” des composantes des “règnes” végétal et animal pour les assimiler à son organisme, la finalité de toute la Création est l’accomplissement de la Volonté Divine.

En concluant la Paracha par excellence des règles de comportement “social” par cette Mitsva, Hachem vient sceller les lois “civiles “par la “Yir’at Chamaïm” (la “Crainte” du “Ciel”), qui doit animer chacun individuellement, et non par la “peur du gendarme” du comportement des nations.

Rav Ye’hezkel Sarna (Daliot Ye’hezkel, III, p. 209-213) développe la différence fondamentale entre les lois “civiles” de la Torah et leurs pendants dans les codes humains.

Les lois des nations sont “élastiques”, mesurées à la sensibilité des lieux et des époques (Le Docteur Elie Temstet, Zal, qui fut un grand Talmid ‘Hakham, éminent membre de la communauté juive parisienne, soulignait qu’alors que précédemment, une sage-femme qui pratiquait un avortement était poursuivie pour homicide, la législation en était venue à faire rembourser cet “acte médical” par la sécurité sociale …).

Rav Sarna souligne qu’alors que dans les interdits généraux de la Torah (alimentaires, Chaatnez et autres) c’est uniquement l’action elle-même qui est visée, dans les Michpatim (lois “civiles”), c’est la tendance à centrer son attention sur ses “intérêts” qui est proscrite. Le Juif doit canaliser ses élans-mêmes selon la Volonté Divine.

Les Michpatim représentent ainsi un niveau supérieur de ‘Houkim (“Décrets”) où chaque Juif se soumet totalement à Hachem !

Rav Guedaliahou Schorr (Or Guedaliahou, p.51) explique que le caractère “compréhensible” des règles fondamentales du comportement social de l’humanité ne vient pas de l’Homme lui-même. C’est au contraire parce que Hachem a dicté ces lois à l’ensemble de l’humanité qu’Il a mis dans la nature humaine ces sentiments de droiture. Il souligne que les Michpatim du Peuple de la Torah dépassent cette dimension. David HaMélekh dit dans Tehilim : “Il rapporte Ses Paroles à Yaacov, Ses ‘Houkim et Ses Michpatim à Israël. Il n’a pas fait de même pour chaque peuple, et ils ne connaissent pas les Michpatim, Louez Hachem !” (147, 19-20).

Rav Schorr rapporte les paroles de Rabbi David de Kotsk que la conclusion “Louez Hachem” enseigne que les nations n’ont pas accès à cette dimension que les Michpatim également sont une source de “Louez Hachem”. Seuls les Bené Israël ont reçu ce secret que les ‘Houkim et les Michpatim ne font qu’un et sont issus de la Révélation au Sinaï.

Pour l’humanité, il s’agit simplement du “fonctionnement” du Monde. Par contre, Hachem a implanté dans le cœur de chaque Juif la Vie éternelle, la perception fondamentale de la Création.

Dans l’introduction à la Tefila du matin (tous minhaguim confondus …) nous disons : “Achrénou, ma tov ‘Helkénou, ouma na’im goralénou, ouma yafa yerouchaténou … oumeya’hadim Chimekha …Chema Israël … !” : “Heureux sommes-nous, et comme est bonne notre part, et combien délicat notre sort, et combien beau notre héritage …. Lorsque nous proclamons l’Unicité de Ton Nom… Chema Israël … !”

Chaque instant de notre existence face à la Création et face à nos frères Juifs est imprégné de la conscience de la Présence de Hachem à nos côtés Qui nous guide !

Voici un petit aperçu de la grandeur de nos Michpatim !

שבת שלום – Chabbat Chalom !