Parasha – 131 Bo 5784

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La Paracha Bo nous décrit l’aboutissement de la Sortie d’Egypte.

Le point central de cet évènement grandiose, décisif dans l’Histoire du Monde est Makat Bekhorot, la mort des premiers nés égyptiens qui eut lieu à minuit précise, la nuit précédant la sortie effective des Bené Israël.

Hachem avait initialement annoncé cette plaie dès le début du long processus qui passa par 9 Makot préalables (Chemot 4, 22-23) : “Tu diras à Par’o : ainsi a dit Hachem : Israël est Mon fils, Mon Bekhor (Aîné) ! Et Je te dis : libère Mon fils et qu’il Me serve, et tu refuses de le libérer ; voici Je tuerai ton fils, ton aîné !”

Cette plaie est donc le réel outil de la Délivrance. Les 9 autres Makot (Plaies) n’avaient qu’un but de démonstration des principes fondamentaux de la Création, l’Existence de Hachem, le Créateur du Monde (7, 17), l’Intervention Divine dans le fonctionnement du Monde (8, 18), et enfin la Toute Puissance de Hachem (9, 14) Maître absolu sur toutes les lois de la nature.

La Sortie d’Egypte est le centre de notre existence en tant que Peuple de Hachem.

L’évolution du Monde amorcée par les Avot (Patriarches) qui ont manifesté chacun dans sa valeur spécifique la Présence de Hachem dans le Monde aboutit enfin à la construction du Peuple qui sera “l’Ambassadeur” de Hachem sur Terre.

A ce titre, le calendrier juif est centré sur Nissan, mois de la Sortie d’Egypte que la Torah désigne comme le premier des mois de l’année (12, 2).

Et chaque année, nous revivons la Sortie d’Egypte le 15 Nissan avec les Mitsvot du soir du Séder :

-manger du Korban (Offrande) Pessa’h (un agneau ou chevreau amené la veille au Beth HaMikdach (Temple) comme manifestation de notre reconnaissance envers Hachem pour l’existence qu’Il nous a octroyée par la Sortie d’Egypte. (Pour nous qui n’avons plus le Beth HaMikdach (le Temple) et le Korban Pessa’h, nos ‘Hakhamim ont institué de manger à la fin du repas un morceau de Matsa en “souvenir” du Korban Pessa’h. C’est ce qui est appelé dans le Séder la Afikoman).

Ce Korban est accompagné de :

– La Matsa (pain non levé) qui manifeste la rupture des lois de l’Histoire et des faits naturels qui sont issus d’un processus préparatoire. Car bien que la Sortie d’Egypte ait été précédée des Makot (Plaies), elle n’a pas réellement été amenée par ces Makot qui ne suffisaient pas à rompre l’opposition de Par’o. Ces Makot n’avaient comme objectif que de faire prendre conscience aux Bené Israël et à l’ensemble de l’humanité de la Présence effective de Hachem dans Sa création.

Tout comme la Matsa n’a pas “d’histoire”, puisqu’elle est cuite sans processus de fermentation par des levures, ainsi la Sortie d’Egypte a été brusque, immédiate, au moment précis décidé par Hachem.

-Le Maror (les herbes amères) qui rappelle l’amertume de la servitude en Egypte, tant sur le plan spirituel que matériel.

Bien que ces trois Mitsvot soient toutes aussi importantes, la Mitsva “centrale” de Pessa’h est constituée par le Korban Pessa’h (Bamidbar 9, 11).

De plus, bien que la “fête” soit abondamment accompagnée de Mitsvot, le Korban Pessa’h, la Matsa, le Maror, l’interdiction de posséder et consommer du ‘Hamets (des céréales levées) pendant les 7 jours de Yom Tov (jours de fête avec interdiction d’accomplir les ouvrages ordinaires), elle est centrée sur le Korban Pessa’h (12, 24-27) : “Vous observerez cette chose … et vous garderez cette Avoda (Service). Et ce sera lorsque vos fils vous diront qu’est-ce que cette Avoda pour vous ?! Et vous direz : c’est un Korban Pessa’h pour Hachem Qui est passé au-dessus des maisons des Bené Israël en Egypte lorsqu’Il a frappé l’Egypte, et nos maisons Il les a sauvées …”.

Le fait d’appeler ce Korban “Pessa’h” au titre de ce que Hachem “a passé” sur les maisons des Bené Israël est surprenant !

Qu’y a-t-il d’étonnant à ce que Hachem ait “épargné” les Bené Israël lors de la mort des premiers-nés égyptiens, alors que tout le but de Son intervention était de délivrer les Bené Israël ?! Pour quelle raison les Bené Israël auraient-ils dû pâtir de cette plaie ?! Les 10 plaies qui ont frappé l’Egypte pendant toute une année n’avaient pour but que d’aboutir à la Sortie d’Egypte !

Rav Yaacov Kamenetski (Emeth LeYaacov, Chemot 12, 27) répond brièvement à cette question en disant que les Bené Israël eux-mêmes savaient que leur niveau spirituel ne méritait pas que Hachem intervienne en leur faveur, et que tous les miracles qui menèrent à leur délivrance n’étaient dus qu’à l’immense ‘Hessed (Don gratuit) de Hachem.

C’est également l’explication de nos ‘Hakhamim (Mekhilta 12,27) que les Bené Israël ne méritaient pas d’échapper à la plaie, si ce n’est le Korban Pessa’h.

Toutefois, comment expliquer que les Avot accomplissaient déjà, parmi les autres Mitsvot, le Korban Pessa’h ?

Nos ‘Hakhamim (Pirké DeRabbi Eliezer, 32) nous apprennent que Its’hak Avinou avait projeté de bénir Essav le soir de Pessa’h. C’est pour cette raison que Rivka Iménou demanda à Yaacov Avinou de lui amener deux chevreaux. Bien sûr, Its’hak Avinou n’était pas supposé consommer deux chevreaux à lui seul. Mais ces chevreaux étaient destinés à être le Korban Pessa’h et le Korban ‘Haguiga (de fête) qui l’accompagne (Rachi Beréchit 27, 9).

Ainsi, nous voyons qu’il ne s’agit pas, comme en réalité dans toutes les Mitsvot de la Torah, de marquer le souvenir d’un évènement fortuit.

Rav Dessler explique (entre autres Vol. II, p.21) que nos Moadim (“rendez-vous”) dans l’année ne sont pas des commémorations d’évènements passés, mais un retour à leur contenu fondamental.

Pessa’h est donc un moment de renouvellement de l’acquis initial de la Sortie d’Egypte, qui prend sa source dans les fondements mêmes de la Création.

Rav Chalom Schwadron (Lev Chalom, Chemot, p. 139 et suivantes) analyse la Mitsva de Korban Pessa’h. Il souligne la question de l’opportunité de “fêter” notre Sortie d’Egypte plutôt que notre entrée en Erets Israël.

Si l’objectif était d’ordre “national”, la joie constituerait à commémorer l’accession à un pays et à une structure nationale et non simplement à la sortie de l’esclavage.

Rav Schwadron développe que notre sortie d’Egypte n’est pas une “libération”, mais le passage de la servitude à Par’o à la soumission à l’autorité de Hachem.

Il s’étonne du verset (12, 26-27) qui prévoit la question des fils : “Qu’est-ce que cette Avoda pour vous ?!” à laquelle la Torah prescrit de répondre : “c’est un Korban Pessa’h pour Hachem Qui est passé sur les maisons des Bené Israël en Egypte … !” ?!

Pourquoi ordonner à l’avance, avant même d’être sortis d’Egypte, la réponse à donner aux fils dans l’avenir ?! Il concède qu’ordonner la Mitsva du Korban lui-même, par laquelle les Bené Israël ont mérité la Délivrance, est justifié dès avant la Sortie effective, mais pourquoi mentionner d’ores et déjà les questions et le récit tellement avant même la sortie ?!

Il répond que les Rechaïm (mécréants) qui s’élèveront dans l’avenir et qui remettront en question la nécessité de la Avoda (Service) à Hachem, avaient déjà des “précurseurs”, les Rechaïm de l’époque de la Sortie, dans le cœur desquels reposait une conception erronée de la Gueoula (Délivrance). Même s’ils accomplissaient les Mitsvot de Hachem, leur cœur abritait une aspiration à la “Liberté” avec un “L” majuscule, étrangère au but réel de la Délivrance …

Dans son langage imagé, Rav Schwadron emprunte aux clichés contemporains : des camps d’entrainement militaire, des batailles contre les peuples de Canaan, une “Medina”, l’installation, l’agriculture, les cafés, les prisons …

Rav Schwadron ne fait grâce d’aucun cliché, et conclut que celui qui est animé de nos jours de telles aspirations, et qui rejette le lien avec Hachem, perd le droit à la Gueoula et au pays, et si ce n’est à Par’o qu’il est vulnérable, ce sera à Yichmaël que Hachem suscitera pour le réveiller. Telles sont les paroles de Rav Schwadron, prononcées il y a plus d’un quart de siècle, comme elles sont rapportées dans le recueil de ses paroles paru il y a plus de 20 ans après sa disparition !

Quel choc pour nous dans l’actualité !

Rav Guedaliahou Scherr (Or Guedaliahou, Moadim, p. 132) explique l’insistance sur le terme “Pessa’h”, qui témoigne que Hachem a passé sur les maisons des Bené Israël. Il explique qu’il ne s’agit pas d’un simple “passage” au-dessus des maisons, mais d’un “passage” c’est-à-dire une “renonciation” à ce que les Bené Israël méritent eux-mêmes la Gueoula.

Toutefois, au moment où Hachem s’est manifesté pour la mort des premiers-nés égyptiens, il fallait à tout le moins que les Bené Israël “suivent” cette manifestation pour accéder à la Gueoula.   C’est la puissance même de cette manifestation qui brûla les Rechaïm qui n’étaient pas prêts à s’y associer.

Une note de bas de page souligne qu’il en sera de même lors de la Gueoula ultime. Le “soleil” que Hachem sortira de son étui représente la clarté de la manifestation de Hachem qui fortifiera les Tsadikim, mais consumera les Rechaïm qui n’y seront pas accessibles.

Rav Chimchon Raphaël Hirsch développe dans un long texte sur les Mitsvot du Séder de Pessa’h (Bemaaguelé Chana, III, p. 58 et suivantes) le sens de chacune des trois Mitsvot fondamentales du Séder. Pour le Pessa’h, qui représente principalement le Moèd (rendez-vous avec Hachem), il donne successivement une série d’interprétations de ce terme :

– Un sommeil paisible sans crainte, sous la protection de Hachem.

– Le lien d’Israël avec Hachem son “Berger” qui non seulement le protège, mais encore le guide vers le but de la Kedoucha (“Sainteté”).

– Non seulement le “Berger” qui protège, mais aussi le “Juge” Qui sanctionne Par’o pour ses méfaits, et son opposition face aux message de Hachem.

– Le Korban Pessa’h en Egypte marque le passage de la situation d’esclave sans droit aucun, ni à la propriété, ni aux liens familiaux à l’accession à tout cela.  Hachem ordonne, quatre jours avant la Gueoula, de s’attribuer un agneau (propriété !) et de le réserver pour le Korban en famille (régénérescence du statut familial !) et enfin, en préfiguration de la structuration en un “Peuple”, l’association avec le voisin ! Non une association d’intérêts comme dans les nations, mais une association de ‘Héssed, lorsque celui qui n’a pas “suffisamment” de “consommateurs” pour son Pessa’h tend la main à son voisin pour l’associer à son aisance.

– La construction de la “Nation”, “Kehal, Adat Israël” n’est que l’élargissement de la cellule familiale qui reste la base de notre Peuple.

– Le Korban Pessa’h fut accompli la première fois, non dans le Beth HaMikdach (Temple) qui n’est pas encore construit, mais au cœur de la maison, dont le linteau de la porte et ses montants représentent le Mizbéa’h (l’Autel) pour montrer que le toit qui protège et les murs qui isolent n’ont de valeur que s’ils sont consacrés au lien avec Hachem Qui nous protège et nous octroie toute notre indépendance.

Enfin, Rav Hirsch souligne que notre Peuple est garanti contre la mort qui achève la vie des peuples dans l’Histoire. Même dispersé parmi les nations, le Peuple d’Israël vit éternellement par le mérite de “Pessa’h :  au titre de ce que Hachem a passé sur les maisons des Bené Israël lorsqu’il a frappé l’Egypte et nos maisons Il les a sauvées !” (Haggadah de Pessa’h)

Du fait que nous soyons en Galout, nous n’avons plus le Korban Pessa’h, nous sommes privés du Beth HaMikdach, et seule la Matsa de la Afikoman consommée à la fin du Séder nous permet de garder le goût du Korban Pessa’h. Toutefois le sens du premier Korban Pessa’h reste vivant et doit nous accompagner au quotidien, et encore plus dans les épreuves.

Face à l’interpellation : “Qu’est-ce que cette Avoda pour vous ?!”, sachons répondre fièrement : “C’est un Korban Pessa’h pour Hachem Qui est passé sur les maisons des Bené Israël en Egypte … !” et Qui continue à nous guider à travers les épreuves de l’Histoire !

שבת שלום – Chabbat Chalom !