Parasha – 13 HANOUKA 5782

L‘allumage des lumières de ‘Hanouka est la Mitsva que nos ‘Hakhamim ont choisie pour faire revivre les Nissim (miracles) et les évènements que notre Peuple a vécus à l’époque des ‘Hachmonaïm, pas comme un simple souvenir du passé …

Puisqu’il s’agit de revivre, et non de simplement « commémorer », approfondissons le sens de ‘Hanouka, au-delà de l’évènement historique.

Chacun connait le Ness (Miracle) de la fiole d’huile pure trouvée lors de la purification du Beth HaMikdach, scellée avec le sceau du Cohen Gadol. La dose d’huile contenue dans cette fiole ne pouvait suffire que pour une seule nuit, et cette dose d’huile brûla pendant huit jours, le temps que l’on puisse produire à nouveau de l’huile d’olive selon les prescriptions de la Mitsva.

Ce miracle, qui est à la base de la Mitsva de ‘Hanouka, eut lieu lorsque les Juifs purent enfin libérer Yerouchalaïm du joug des Yevanim (les « Grecs » de Syrie), et procéder à la purification du Beth HaMikdach (le Temple) qui avait été profané et souillé.

Toutefois cet évènement se situe, non à l’issue des guerres, mais après trois ans seulement de combats (Rav Avigdor Miller, Am Segoula II, paragraphes 286-289).

Après cela, les conflits avec les Yevanim, et encore plus avec les Mityavenim (les Juifs hellénisants, qui s’appuyaient sur les Yevanim pour conduire le Peuple Juif à l’assimilation), durèrent encore 25 ans (Rav Avigdor Miller, Or Olam I, p.262, développé dans la suite de Am Segoula).

Il est donc surprenant que nous fêtions non pas la récupération intégrale de notre liberté matérielle et spirituelle, mais un épisode semble-t-il secondaire, suivi de plus de beaucoup de déboires et de pertes.

Le Ba’h (Tour Ora’h ‘Haïm, chapitre 670) analyse la différence entre Pourim que nous célébrons par des festivités et ‘Hanouka que nous valorisons par l’allumage des lumières.

Il explique que le décret défavorable de Pourim consistait à éliminer physiquement le Peuple d’Israël, c’est pour cela la Mitsva de Pourim a été décrétée sous forme de festivités.

Par contre, la faute qui a entrainé les décrets des Yevanim était un « relâchement » dans la Avoda (le Service de Hachem).

C’est pourquoi le décret consista à priver les Bené Israël de la Avoda. Aussi, lorsqu’ils firent Techouva et firent « Messirout Néfech » (ils « donnèrent leur vie ») pour la Avoda, Hachem les sauva par l’intermédiaire des Cohanim qui accomplissent la Avoda dans le Beth HaMikdach.

C’est la raison pour laquelle le Ness se manifesta particulièrement avec les lumières de la Menora (Candélabre) du Beth HaMikdach.

Le Michna Beroura (670, 7) cite un Midrach selon lequel la confection du Michkan (le Tabernacle) dans le désert fut achevée le vingt-cinq Kisslev, la date à laquelle nous célébrons ‘Hanouka. Bien que l’inauguration du Michkan n’ait eu lieu qu’en Nissan, qui est le mois de la naissance d’Its’hak, Hachem « remboursa » à Kisslev par l’inauguration du Beth Hamikdach par les ‘Hachmonaïm (les Cohanim qui luttèrent contre les Yevanim).

Rav Its’hak Aïzik Scherr (Léket Si’hot Moussar, II, p.145) s’étonne de l’appellation  » ‘Hanouka » (inauguration) accordée à cet évènement, alors que le Beth HaMikdach n’avait jamais cessé d’exister, mais avait été souillé. Il ne s’agit donc pas d’une inauguration à proprement parler. Il explique que le retrait des Bené Israël du Beth HaMikdach devant les décrets de Yevanim entraina le retrait de la Chekhina (la Présence Divine). Aussi, la prise de conscience qu’il fallait s’opposer de toutes ses forces, même au prix de sa vie, non pour reconquérir l’indépendance nationale, mais simplement pour manifester notre attachement sans limites à Hachem, est ce qui permit le retour des Cohanim au Beth HaMikdach pour accomplir à nouveau la Avoda.

Hachem envoya alors le Ness de la fiole d’huile, qui était comparable au Ness du feu qui descendit lors de l’inauguration du Michkan dans le désert, pour manifester le retour de la Chekhina.

Toutefois quel est le rapport entre le « relâchement » dans la Avoda, et la « Messirout Néfech » définie par le Ba’h comme sa « réparation » ?

La définition de la « Messirout Néfech » dépasse largement les limites couramment admises de « donner sa vie » !

La Guemara (Berakhot 20b) définit la Messirout Néfech en citant l’exemple d’un Amora (un Rav de la Guemara) qui intervint activement sur un problème de Tsniout (réserve vestimentaire) et se trouva pénalisé de 400 zouz, (soit le budget d’une personne pour deux ans).

Rabbi Yerou’ham Lévovitz (Daat ‘Hochma OuMoussar I, p.6) souligne qu’il n’y avait là aucun risque d’ordre vital, mais uniquement une sanction financière. Il développe que dans le concept de la Messirout Néfech, il existe toute une gradation depuis les niveaux élémentaires, jusqu’au point de donner sa vie elle-même. La Messirout Néfech dans sa compréhension globale consiste donc à « se dépasser » soi-même pour accomplir ce que Hachem attend de nous sans calcul supplémentaire.

Rabbi Yerou’ham comprend ainsi le sens des paroles du Ba’h que lorsque les Bené Israël ont lutté avec Messirout Néfech, ils ont réparé leur « relâchement » antérieur dans la Avoda.

Nous pouvons peut-être comprendre ainsi le lien entre la date de ‘Hanouka et la date de la fin de la confection du Michkan sous la direction de Moché Rabénou dans le désert. De prime abord, la date significative concernant le Michkan doit être exclusivement le jour de son inauguration, Nissan. L’aboutissement de sa confection, sans « mise en service » semblerait stérile. Toutefois, si nous prenons en compte le fait que la réalisation du Michkan faisait pendant à la faute du Eguel (Veau d’or), le rapport entre le Michkan et ‘Hanouka peut s’expliquer.

La faute du Eguel consistait, (comme nous l’avons rapporté dans le Dvar Torah sur Ki Tissa), dans le fait de vouloir répondre à l’absence de Moché Rabénou et au besoin d’un intermédiaire pour les Bené Israël face à Hachem. La faute consistait dans le fait de prendre l’initiative pour résoudre un problème (l’absence d’intermédiaire avec Hachem suite à la disparition de Moché Rabénou), et de montrer ainsi une confiance déplacée dans « l’efficacité » de l’action humaine.

Le fait de confectionner le Michkan, et de devoir attendre de longs mois avant qu’il ne devienne « opérationnel » était une manifestation de la soumission à la volonté de Hachem et d’acceptation que la Mitsva ne se mesure pas au l’aune de ses résultats manifestes.

Sous cet angle, on peut considérer cette retenue comme une forme de Messirout Néfech. En effet, la Messirout Néfech consiste à « se dépasser », et cesser de faire des « calculs de rentabilité ». C’est alors l’équivalent de chaque mouvement de Messirout Néfech, jusqu’au niveau supérieur de la Messirout Nefech des ‘Hachmonaïm.

Dans ce sens, on peut comprendre que ce jour de la conclusion de la confection du Michkan, début d’une attente sans échéance prévue pour son inauguration effective, constitue la référence d’un mouvement de « retenue » sur les élans de réalisation personnelle. Cet effort « attendait » son épanouissement dans un mouvement de Messirout Néfech collectif pour le Kidouch Hachem (la « sanctification » du Nom de Hachem). Il se présenta dans celui des ‘Hachmonaïm qui mirent de côté tout calcul « d’efficacité » pour manifester leur dévouement à Hachem.

Rav Ye’hezkel Sarna (Dalyot Ye’hezkel, III, p.228) explique que le renouvellement de la Kedoucha du Beth HaMikdach par la Messirout Néfech des ‘Hachmonaïm valorisa dans une certaine mesure la ‘Hanoukat HaMichkan (l’inauguration du Michkan par Moché Rabénou) de telle sorte que ce fut une réelle inauguration, et pas un simple rétablissement de type : « retour à la normale ».

Rav Dessler (Mikhtav MeEliahou, II, p.112) explique que selon l’intensité d’un mouvement dans le Peuple Juif, l’élan peut toucher des cercles de plus en plus importants.

Le sommet fut atteint par les ‘Hachmonaïm qui, par la puissance de leur mouvement, touchèrent jusqu’à l’âme de tous les Juifs de toutes les générations.

Ainsi, en allumant les lumières de ‘Hanouka, nous nous joignons à toute la chaine de Messirout Néfech depuis les Avot jusqu’à la Gueoula (Délivrance) ultime et que notre dévouement renouvelé à Hachem nous rapproche de Lui.

Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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