בס »ד
Voici le Séfer Chemot, défini par le Ramban comme le livre de la première Galout (Exil) qui a été décrétée explicitement et de la Gueoula (délivrance) de cette Galout (que Hachem avait annoncée à Avraham Avinou (Beréchit 15, 13-14) … et lorsqu’ils vinrent au Mont Sinaï et confectionnèrent le Michkan, et Hachem ramena Sa Chekhina (Présence) en leur sein, alors ils revinrent au niveau de leurs ancêtres … et alors ils furent considérés comme « Délivrés » ! C’est ainsi que le Ramban définit le parcours de la Galout et de la Gueoula.
Nous voyons ici un « parcours spirituel » de « descente » puis de « remontée » destiné à construire le « Peuple de Hachem » pour son rôle dans l’Histoire de la Création qui débute avec Avraham qui « découvrit » La Présence Du Créateur dans Son Monde, puis par ses descendants, les Bené Israël qui sont jusqu’à nos jours, les « ambassadeurs » de cette conscience auprès de l’humanité entière.
Le Ramban nous révèle que le processus de la Gueoula s’est effectué par paliers, et qu’elle n’a été complète qu’au terme d’un processus qui devait aboutir à ce que les Bené Israël reviennent jusqu’ au niveau spirituel des Avot (nos Patriarches). Il est donc important pour nous de percevoir clairement les étapes de la Galout, puis de la Gueoula, pour comprendre leur projection dans notre Galout actuelle qui est, comme toutes les Galouyot qui l’ont précédée, un « développement » de la Galout initiale qui aboutit à la construction du Peuple de Hachem.
Mais tout d’abord, en quoi consistent essentiellement la Galout et la Gueoula, et quel est leur but ?!
De prime abord, nous situerions le début de la Galout en Egypte au renversement de situation marqué par le verset (Chemot 1, 8) : « Un nouveau roi s’éleva sur l’Egypte, qui ne connaissait pas Yossef ».
C’est le « coup d’envoi » des décrets contre les Bené Israël qui suivent immédiatement dans le texte.
Toutefois il reste la question fondamentale que la Galout annoncée par Hachem à Avraham devait durer 400 ans …
Or, un décompte des années des générations depuis l’arrivée de Lévi en Egypte avec Yaacov Avinou, jusqu’à Moché Rabénou qui était âgé de 80 ans lorsqu’il sortit les Bené Israël d’Egypte (Chemot 7, 7) établit que cette Galout n’avait duré que beaucoup moins.
La période des persécutions avait donc été grandement diminuée par rapport à ce qui avait été initialement annoncé.
Rav Yaacov Kamenetski (Emeth LeYaacov, Chemot 1, 1) explique que la Galout se mesure selon celui qui la vit. Tant que les descendants d’Avraham se considéraient comme en Galout par le fait de ne pas avoir de pays attitré, ou encore par le fait de devoir résider dans un pays « Tamé » (impur), ils étaient quittes par cela de l’obligation de Galout. Ce n’est que lorsque disparut le dernier des Chevatim (les fils de Yaacov Avinou) qu’ils ressentirent comme si le lien avec Erets Kenaan s’était rompu et que leur place était en Egypte, et qu’ils commencèrent à abandonner la Brit Mila (Midrach Chemot Rabah, 1, 8) qu’ils eurent besoin d’une Galout plus dure pour qu’ils n’oublient pas leur lien avec Hachem.
Rav Meïr Sim’ha Cohen (Méchekh ‘Hokhma, Vayikra 26, 44) décrit ainsi en longueur les cycles de la Galout. Il explique que tant que le Peuple Juif se sent étranger parmi les nations, et se languit de sa place naturelle en Erets Israël, la Galout peut continuer au même endroit, dans des conditions relativement favorables. Mais dès lors que les générations montantes cherchent la réussite « à l’extérieur », Hachem envoie une « tempête » (de persécutions) qui les déracine et les amène dans un nouvel endroit dont ils ne connaissent même pas la langue. Au fil du temps les générations retrouvent une stabilité spirituelle et grandissent, jusqu’à ce qu’à nouveau les jeunes générations recherchent la réussite ailleurs, et causent ainsi une nouvelle « tempête » …
Rav Nathan Tsvi Yehouda Berlin (le Netsiv) développe dans le recueil « Cheer Israël » (imprimé dans le volume de son commentaire de Chir HaChirim) la notion de « l’antisémitisme » ! Il l’explique comme un mécanisme que Hachem a mis en place dans la Création pour maintenir la distance entre le Peuple Juif et les nations. Tant que nous gardons nos distances, les non-juifs nous respectent, comme en Egypte. Dès lors que nous abattons les barrières, ils s’empressent de les rétablir « vigoureusement » !
Rav Dessler (Mikhtav MéEliahou, III, p. 202-223) développe abondamment les notions de Galout et Gueoula. Il souligne (p.208) que l’essentiel de la Galout ne réside pas dans les persécutions, mais dans l’épreuve de la confrontation aux nations et à leurs défauts spécifiques. L’objectif des diverses Galouyot est de nous forger par cette confrontation et de nous amener à une Emouna complète, telle que nous percevions la Vérité du fonctionnement du Monde, au-delà des apparences trompeuses de réussite éphémère de ceux parmi lesquels nous évoluons.
Ainsi, chaque Galout doit nous rapprocher de la Gueoula ultime qui débouchera sur l’avènement de l’époque du Machia’h.
La quatrième Galout définie dans la Nevoua d’Avraham Avinou (Beréchit 15, 13-14) est celle de la domination d’Edom, dans laquelle nous nous trouvons. Rav Dessler explique (p.205) que l’issue de cette Galout ne ressemblera pas à celle des autres pouvoirs qui se sont succédé les uns aux autres. Sa fin passe par l’effondrement qui ne viendra que de l’effondrement de tous les fondements de la vie du monde : la perte de tout sentiment de sécurité individuelle et collective, l’angoisse de la destruction ! Alors se fera jour l’inanité de l’orgueil humain prétendant à la civilisation et au progrès et à la maîtrise du monde. Ce n’est que lorsque l’Homme désespèrera d’atteindre ses aspirations et appétits que se révèlera la lumière du Machia’h !
Mais revenons à la première Galout (celle d’Egypte) et aux étapes qui la composent.
La dernière Paracha du Sefer Beréchit, Vaye’hi, commence par le verset : « Yaacov vécut dans le pays d’Egypte 17 ans … ».
Rachi cite sur ce verset le Midrach qui explique pourquoi, à la différence des autres Parachiot de la Torah, Vaye’hi commence dans le Sefer Torah sans intervalle après la fin de la Paracha précédente, Vayigach. Car lorsque Yaacov Avinou disparut, les yeux et le cœur des Bené Israël s’occultèrent du fait de la détresse de la servitude.
Le ‘Hatam Sofer (Torat Moché) s’étonne de cette explication, puisque la servitude n’a pas commencé avant la disparition du dernier des Chevatim, de nombreuses années plus tard ?!
Il répond qu’en réalité il ne s’agit pas encore ici de la servitude infligée par les égyptiens. La servitude qui suivit l’absence de Yaacov Avinou réside dans le sentiment de servitude que commencèrent à ressentir les Bené Israël face au mode de vie « Juif » incarné par Yaacov Avinou. Tant qu’il était présent, son influence répandait un sentiment de bien-être et de sérénité dans la vie des héritiers des Avot (Patriarches). Après sa disparition, les Bené Israël commencèrent à succomber au charme du « brillant » de la société environnante, et à aspirer à l’intégration.
C’est le tableau que dresse également Rav Chalom Schwadron (Lev Chalom, Chemot, p. 2-11). Il souligne la contradiction dans le comportement des Juifs en Egypte :
– D’un côté, le Midrach (Yalkout Chimoni) relie le verset : « un nouveau roi s’éleva … » (1, 8) au verset précédent : « Les Bené Israël fructifièrent … et la terre fut remplie d’eux« . Nos ‘Hakhamim expliquent que les Bené Israël envahissaient tous les lieux de loisir et de culture des égyptiens, et que c’est ce qui déclencha l’appesantissement de la Galout.
– Par ailleurs, Rav Schwadron cite un Midrach qui dit que les Bené Israël n’ont pas changé leurs noms, leur langue, et leurs vêtements.
Rav Schwadron souligne le contraste paradoxal entre les efforts d’intégration et le maintien d’habitudes qui soulignent la différence. Il dresse un tableau imagé du Juif en habit traditionnel qui festoie avec ses amis égyptiens, et qui, au milieu de la soirée, entonne un chant « de chez lui », accompagné par ses compagnons égyptiens.
Il y a là une incohérence qui ne nous choque malheureusement plus, nos générations récentes étant pleines de ce genre de situations.
Combien d’étudiants plongés dans l’atmosphère délétère des universités, qui s’y maintiennent avec leur Kipa et leurs amicales d’étudiants Juifs. Combien d’employés dans des grandes entreprises, amenés à partager des repas professionnels avec un service spécial pour respecter la cacherout. Tout cela nous impressionne généralement favorablement, habitués comme nous le sommes à « l’immersion » en milieu « civil ».
C’est oublier que Yaacov Avinou avait soigneusement tenu sa famille à l’écart de la société égyptienne, en habitant dans une région exclusivement réservée à lui et toute sa famille, Gochen.
Nous voyons ici que la Galout n’a pas commencé lors des décrets discriminatoires (comme les lois de Nuremberg, rappelant aux Juifs les règles que nos Avot nous avaient transmises …) !
La Galout débute par « la terre fut remplie d’eux » !
Mais où commence alors la Gueoula ?!
Nous penchons facilement pour le début de la mission de Moché Rabénou.
Toutefois, Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat ‘Hokhma OuMoussar, I, 4) explique que la délivrance répond à des règles différentes de ce qu’il nous semble. Nous considérons la Gueoula comme la réparation d’une situation défavorable, dont nous nous serions d’ailleurs bien passés !
Rabbi Yerou’ham explique qu’il n’en est rien ! la vérité est « aux antipodes » !
Ce n’est pas la détresse qui entraine la Gueoula. C’est au contraire pour nous amener à la Emouna et au retour vers Hachem qui nous donneront droit à la Gueoula complète que Hachem envoie la Galout avec son cortège de détresse.
Si bien que le : « Ils crièrent (vers Hachem) » (Chemot 2, 23) est le but et la cause des affres de la Galout.
Rabbi Yerou’ham en conclut que la détresse de la Galout est elle-même le germe de la Gueoula. De même, il cite le Midrach (Beréchit Rabah 91, 10) qui reproche à Yaacov son « incompréhension » des évènements lorsqu’il voit dans les péripéties de ses fils en Egypte un « mal ».
Nos ‘Hakhamim citent le verset des Neviim (Yechayahou, 43,7) où Yaacov se plaint : « mon chemin est occulté de Hachem », alors que Hachem « s’occupe » de mener son fils Yossef à la Grandeur !
La Gueoula prend donc sa source dans « Un nouveau roi s’est levé sur l’Egypte, qui ne connaissait pas Yossef » !
La période des persécutions participe ainsi simultanément de la Galout et de la Gueoula, car elles sont en réalité indissociables !
Tous ces éléments nous apportent du réconfort et des encouragements face aux troubles de notre époque.
Nous ne sommes pas abandonnés par Hachem, loin de là !
Toutes les prises de position agressives des nations, du haut au bas de l’échelle sociale, et particulièrement dans les milieux « culturels et civilisés », sont autant de manifestations de la sollicitude de Hachem à notre égard.
Hachem n’attend de nous qu’un retour complet à la Emouna héritée de nos Avot (Patriarches) ! Chabbat Chalom !