בס”ד
La Paracha Vayigach décrit essentiellement les derniers épisodes des “retrouvailles” de Yossef avec sa famille, et les détails de la descente de Yaacov Avinou avec sa famille en Egypte et leur installation.
Toutefois la Paracha change de sujet à la fin pour décrire les “activités” de Yossef en tant que Vice-Roi d’Egypte, et sa gestion de la famine face aux égyptiens.
La Paracha nous raconte en détail comment Yossef HaTsadik a vendu le blé stocké par ses soins pendant les années d’abondance aux égyptiens les deux premières années de la famine, avant la venue de Yaacov Avinou en Egypte.
Or, après l’arrivée de Yaacov Avinou la famine s’est interrompue, et les paysans ont recommencé à semer et cultiver normalement comme le rapporte Rachi (Beréchit 47, 19).
Nous comprenons aisément la description par la Torah des activités de Yossef, Vice-Roi, dans sa gestion de l’Egypte dans la Paracha Mikèts, car cette gestion mena à sa confrontation avec ses frères et à l’issue de leurs 22 années de séparation, accompagnée d’un regain de confiance mutuelle.
Mais que nous apporte l’information de la Torah sur la gestion “purement interne” de l’Egypte, qui ne semble pas avoir d’incidence directe sur “l’Histoire” du Peuple de Hachem ?!
La Torah ne nous rapporte jamais des faits qui n’ont pas un impact sur le but de la Création !
La Torah est le livre “guide” des Bené Israël, et contient essentiellement des préceptes de comportement. Elle ne “raconte l’Histoire” que pour les enseignements pratiques que nous devons en tirer.
Le Séfer Beréchit ne fait le récit de la vie des Avot et des Chevatim (fils de Yaacov Avinou, et ancêtres des Tribus) que dans le but que nous mettions à profit les enseignements qui s’en dégagent pour notre accès à la Avoda (Service de Hachem), comme Rav Avraham, le frère du Gaon de Vilna le développe au début de son livre “Maalot HaTorah” !
De plus, comment comprendre les activités de Yossef qui sont décrites ici, alors que Yossef est considéré comme ayant un niveau particulier parmi les Chevatim ?!
Yossef est “ramené” presque au rang des Avot eux-mêmes, dans la mesure où Yaacov Avinou accorde à Ephraïm et Menaché, les fils de Yossef, le statut de Chevatim (Tribus) parmi ses propres fils (48, 5).
De plus, même si nous ne comprenons pas pleinement cette notion, nous constatons dans les Tefilot que nous récitons au moment d’entrer dans la Souca que Yossef a une place particulière dans le développement spirituel du Peuple d’Israël, au point de figurer parmi les “Ouchpizine” (les Hôtes) de la Souca qui sont rattachés aux notions fondamentales de la Création (les “Sefirot”, qui représentent les niveaux d’intervention de Hachem dans la Création).
Même si nous citons généralement ces notions dans nos Tefilot sans vraiment en percevoir le sens, nous savons néanmoins qu’elles représentent ce qu’il y a de plus élevé dans la dimension spirituelle du Monde, et les “chemins” vers le contact avec Hachem.
Comment comprendre qu’un personnage si Grand ait “gaspillé” son énergie en activités aussi triviales ?! Et que la Torah accorde à cela une place importante, alors que certaines Mitsvot n’ont “droit” qu’à une simple allusion, comme par exemple la Che’hita (Devarim 12, 21 ; “tu égorgeras … comme Je t’ai ordonné …”) ?!
Le Ramban explique que la fin de la Paracha vient nous montrer la grande sagesse de Yossef, et sa fiabilité en apportant tout l’argent au palais de Par’o, sans en dissimuler une partie comme le feraient tant d’autres fonctionnaires dans une situation comparable.
Rav ‘Haïm Chmoulévits (Si’hot Moussar, 32, 12) souligne la fiabilité de Yossef au point qu’il n’envoya pas des chariots pour amener son père et sa famille avant d’en avoir reçu l’ordre explicite de Par’o (45, 19).
Dans le même esprit, Rav Eliachiv (Divré Aggada, p. 118) pose une question sur la Guemara (Pessa’him 119a) qui rapporte que Yossef avait enfoui trois trésors en Egypte.
Le premier fut découvert par Kora’h, le second par l’Empereur Antonin, et le troisième est en réserve pour les Tsadikim dans l’avenir.
Rav Eliachiv s’étonne que si on comprend ici littéralement le mot trésors, comment comprendre la fin de la Paracha qui dit que Yossef apportait tout l’argent au palais de Par’o ?!
Il en conclut que dans cette Guemara, il ne s’agit pas de trésors matériels, mais de trésors spirituels.
Yossef HaTsadik avait enfouit en Egypte des trésors de grandeur spirituelle.
Le premier, la pureté de comportement et la Tsniout (réserve) que Yossef sut préserver malgré l’environnement dévoyé d’Egypte se manifesta dans la rébellion de Kora’h. Lorsque les “conjurés” vinrent chercher One ben Pèlèt qui avait prévu de s’associer à eux, ils reculèrent devant sa femme qui avait découvert ses cheveux pour protéger son mari de s’associer à cette faute (Guemara Sanhédrin 109b-110a).
Le second “trésor” de Yossef consistait dans son dévouement sans limite à l’étude de la Torah en toutes circonstances, que ce soit dans la maison de son maitre Potifar, ou plus tard en préparant un lieu d’étude avec Yehouda que Yaacov Avinou avait envoyé spécialement en Egypte dans ce but.
Ce trésor se manifesta à l’époque de l’Empereur Antonin, protecteur de Rabbi Yehouda HaNassi qui put réunir grâce à son soutien les ‘Hakhamim pour réaliser la compilation de la Michna.
Reste le troisième “trésor” de Yossef, c’est celui de la fraternité à toute épreuve qu’il sut conserver envers ses frères, à travers toutes les vicissitudes de son existence.
Rav Eliachiv conclut que ce trésor n’a pas encore été mis à jour, et attend le moment de la Gueoula (Délivrance) où se réalisera la Nevoua (Prophétie) (Yechayahou 11, 13) que l’antagonisme entre Ephraïm et Yehouda (qui amena la séparation en deux royaumes après la mort de Chlomo HaMélekh) cessera.
Rachi (47, 21) explique que Yossef organisa le déplacement de tous les égyptiens d’une extrémité du pays à l’autre, afin que ses frères ne soient pas traités d'”immigrés” lors de leur séjour en Egypte.
Rav Tsvi Hirsch Ferber (Kerem HaTorah, p.188) explique pareillement l’initiative de Yossef de ménager aux prêtres égyptiens une rente de Par’o par le fait que Yossef savait par Roua’h HaKodèch (Inspiration Divine) que le séjour des Bené Israël en esclavage serait long. C’est pourquoi il voulut instituer que les “guides” du peuple reçoivent un soutien financier d’état, afin que le Chévet (Tribu) Lévi soit libre de toute servitude pour se consacrer à l’étude de la Torah.
Rav Ferber ajoute un autre motif à cette initiative de Yossef : les prêtres égyptiens l’avaient sauvé d’une condamnation à mort (Targoum Yonathan ben Ouziel, 39, 20) à la suite de l’accusation de la femme de Potifar (39, 11-19). En reconnaissance de ce bienfait, Yossef leur garantit leur subsistance à partir du trésor de Par’o.
Rav Chalom Noa’h Bérézovski (Netivot Chalom, p. 298) soulève les deux questions mentionnées au début de cette analyse : Quelle était l’intention de Yossef lorsqu’il œuvra à rassembler tout l’argent d’Egypte (qu’il apporta ensuite à Par’o) ?! Quel enseignement la Torah veut-elle nous prodiguer en relatant ces faits jusque dans les moindres détails ?!
Rav Bérézovski répond que l’Egypte entière était la proie de la Toum’a (l’impureté) du Yétser Hara’ (le Penchant du mal).
Afin de préparer le terrain à la venue de Yaacov et ses fils qui ne pouvaient en aucun cas s’installer dans un tel endroit, Yossef “purifia” l’argent des égyptiens, et jusqu’à leur bétail et leurs terres, en les acquérant lui-même pour les faire sortir de la Toum’a. C’est pourquoi la Torah nous rapporte tous ces détails pour nous enseigner comment Yossef prépara la venue de Yaacov et ses fils en Egypte.
Rav Bérézovski ajoute que ceci nous explique le message surprenant que Yossef charge ses frères de transmettre à son père Yaacov (45, 9) “Hachem m’a placé “père” (“mentor”) de Par’o, Maitre de sa maison et Gouverneur de tout le pays d’Egypte”.
Une telle nouvelle était-elle supposée “impressionner” Yaacov Avinou ?! Etait-ce là toute la réussite qu’il escomptait pour son fils ?! Mais Yossef savait que son père n’accepterait pas de descendre en Egypte- pays pétri de Toum’a. C’est pourquoi il le rassura en lui annonçant qu’étant Maitre de l’Egypte, il avait purifié le terrain.
Nous voyons dans ces quelques explications un éclat de la grande profondeur qui est enfouie dans chaque mot de la Torah. Apprenons à prendre soin de déchiffrer la Paracha avec prudence, en l’approfondissant à l’aide de nos ‘Hakhamim, afin de ne pas céder à une lecture simpliste et réductrice.
Que Hachem nous aide à trouver de même les clés des autres Parachiot pour découvrir, nous aussi, les trésors qui y sont enfouis …
Chabbat Chalom !