Parasha – 122 Vayichla’h 5784

בס”ד

La Paracha Vayichla’h, qui est principalement centrée sur la confrontation entre Yaacov et Essav, est définie comme la Paracha de la Galout (Exil).

Le Midrach (Beréchit Rabah 75, 5) rapporte que Rabbi Yehouda HaNassi (l’auteur de la compilation de la Michna), prit exemple sur l’attitude de Yaacov face à Essav dans le cadre de sa relation à Antonin, Empereur Romain avec lequel il était en contact pour les besoins du Peuple Juif dont il était le guide.

Notre Paracha (Beréchit 32, 25-30), rapporte l’épisode au cours duquel Yaacov affronta pendant toute une nuit un adversaire imprévu, qui s’avèrera être le “Mal’akh” présidant à la destinée d’Essav, le Yétser Hara (Penchant pour le Mal).

À la suite de ce “combat” dont Yaacov sort vainqueur, le Mal’akh lui annonce que son nom “Yaacov” sera changé pour devenir “Israël” (Prince de Hachem) qui signifie qu’il s’est montré “Prince” face à Hachem et face aux hommes …

Ce changement de nom appelle évidemment explication !

Nous connaissons les diverses modalités “d’état civil” dans les différentes juridictions. Selon les époques, les nations ont imposé l’usage de “noms de famille” afin d’avoir une “traçabilité” des individus. Dans “l’Etat d’Israël”, l’administration, d’inspiration soviétique à l’origine, a centré ce contrôle de la population sur un “numéro” qu’il faut énoncer à chaque formalité administrative ou commerciale, laissant “l’enveloppe” du nom à la discrétion de l’usager, qui peut en changer à son gré. Ceci ne facilite bien sûr pas la valorisation du nom, les hommes devenant de simples numéros …. L’individualité de chacun à travers son nom a ainsi tendance à s’estomper.

Et de ce fait l’information que nous communique ici la Torah passe un peu inaperçue, son impact réel n’étant pas évident !

Notons que le fils de Noa’h qui bénéficia de sa Berakha pour avoir défendu son honneur face au comportement inadéquat de son plus jeune fils, ‘Ham (Beréchit 9, 20-27) porte le nom de “Chem” qui signifie “nom” en Langage de la Torah (et de la Création …). Avraham Avinou descendait de Chem qui est ainsi l’ancêtre du Peuple Juif.

Rav Chimchon Raphaël Hirsch fait toute une étude des noms des fils de Noa’h qui furent les ancêtres de toute l’Humanité. Il souligne l’importance de la “nomination” des choses, depuis Adam Harichone à qui Hachem confia cette mission (Beréchit 2, 19-20). Donner un nom équivaut à définir l’essence de la chose, et le Lachone HaKodech (le langage de la Torah et de la Création a une importance primordiale en cela).

Ainsi, les noms des personnages dans la Torah, et en particulier ceux des Avot (Patriarches) ont une importance primordiale.

Le “changement de nom” de Yaacov en Israël a donc un impact considérable, et il est particulièrement nécessaire d’en comprendre la portée dans l’Histoire du Monde, et dans notre existence actuelle.

Le nom “Yaacov” comporte de prime abord un sens péjoratif, car lorsqu’Essav se plaint d’avoir été spolié de son droit d’aînesse et de la Berakha d’Its’hak (Beréchit 27, 36), Essav rattache le nom de Yaacov à la racine “Ekev” (talon), et à la ruse par laquelle il l’a “saisi au talon”.

De fait, la Torah témoigne que Yaacov tenait le talon d’Essav lors de leur naissance, comme pour le retenir (25, 26). Rachi dit là-bas que c’est le signe que le pouvoir d’Essav dans l’Histoire n’atteindra pas sa fin spontanée, mais que Yaacov le lui ravira.

Toutefois, le nom Yaacov ne lui est pas donné par l’entourage, comme pour Essav (25, 25), mais par Hachem ou par Its’hak seul. Il ne peut donc pas être résumé à l’interprétation dénigrante d’Essav !

Lorsque Yaacov vainc le Mal’akh, et que celui-ci lui annonce que Hachem changera son nom en Israël, Rachi explique qu’il exprime par cela qu’il ne sera plus dit qu’il a pris les Berakhot destinées à Essav par tromperie, mais dans la grandeur, “à visage découvert” comme sa victoire sur lui-même, le Mal’akh d’Essav (32, 25-30).

Le verset dans lequel Hachem change le nom de Yaacov dit : “Ton nom est Yaacov ; ton nom ne sera plus appelé Yaacov, mais Israël sera ton nom ; et Il appela son nom Israël” (35, 10).

Ce verset semble comporter des répétitions inutiles : “Ton nom est Yaacov”, avant de le changer ; et “Il appela son nom Israël”, après avoir déjà dit que son nom sera dorénavant Israël. De plus il y a une contradiction apparente entre l’annonce que son nom ne sera plus Yaacov, et le fait d’insister préalablement sur ce nom qui semble devoir disparaître ?!

Le Keli Yakar explique que l’insistance sur le nom de Yaacov manifeste que ce nom lui restera et qu’il ne sera pas effacé. Cela signifie que le nom de Yaacov, avec ce qu’il représente, ne sera pas éliminé, mais seulement mis en “deuxième position”. A partir de maintenant, la personnalité essentielle de Yaacov s’exprimera sous le nom d’Israël, “Yaacov” sera accessoire à “Israël”.

Le Keli Yakar relie ces deux noms aux deux Gueoulot (Délivrances) à venir : La Sortie d’Egypte, et la Gueoula Ultime de la quatrième Galout (Exil), que nous attendons. La première s’est accomplie alors que nos mérites étaient insuffisants pour sortir avec “grandeur”. Il fallut “biaiser” avec Par’o en parlant d’une sortie temporaire pour dédier un Service à Hachem. La Gueoula Ultime, par contre est appelée à se réaliser sans “détours” d’aucune sorte. Comme nous le constatons tout au long du Sefer Beréchit, et comme le souligne le Ramban (Paragraphe de transition entre Beréchit et Chemot), chaque détail de la vie des Avot est la racine de l’avenir du Peuple d’Israël.

La Galout doit nous purifier totalement des défauts qui l’ont causée, de telle sorte que nous puissions accéder à la Gueoula “la tête haute” !

De ce fait, la première Gueoula gardant sa place dans la réalisation finale, le nom de Yaacov, qui y est attaché doit être conservé, bien qu’accessoire.

Rav Yossef Tsvi Salant (Beér Yossef, p.120) explique que jusqu’à ce moment, Yaacov était contraint de “biaiser” face à ses interlocuteurs hostiles comme Essav et Lavane. Mais dorénavant, après sa victoire sur le Mal’akh, il peut faire face ouvertement. Toutefois, au-delà de l’existence ponctuelle de Yaacov lui-même, ce changement de nom définit également l’avenir de l’Histoire. Yaacov représente tout l’avenir de ses descendants, le Peuple Juif, qui est destiné, lui, à un parcours “compliqué” mêlé de Galout, où la démarche adéquate n’est en aucun cas l’affrontement ouvert.

La Guemara (Ketouvot, 111a) enseigne que Hachem nous a imposé par serment de ne pas chercher à “finir” la Galout par l’épreuve de force avec les nations. Le Midrach (Devarim Rabah, 1, 19) dit : “Si vous voyez qu’il (Essav) s’attaque à vous, fuyez vers la Torah … (une autre explication du Midrach) : HaKadoch Baroukh Hou a dit : “attendez jusqu’à maintenant, que le Roi Machia’h vienne et alors s’accomplira le verset (Tehilim 31, 20) : “Combien est grand Ton Trésor caché, que Tu as caché pour ceux qui Te craignent !”.

Ainsi même si pour Yaacov lui-même la période d’efforts dans ce sens était arrivée à son terme, c’est pourquoi le nom Israël est l’essentiel, et même pour les descendants de Yaacov pendant les périodes de Royauté, et au moment de la Gueoula, le nom Yaacov reste toutefois d’actualité pour nous, comme tout au long de la Galout.

Le Malbim (Beréchit 35, 10) relie le nom Yaacov au fonctionnement “naturel” du Monde, et le nom Israël au fonctionnement de “Ness” (Miracle). C’est pourquoi le nom Yaacov n’a pas été totalement “déraciné”, car le fonctionnement miraculeux ne peut pas être permanent. Toutefois le prénom Israël doit être le nom principal, et Yaacov ne peut avoir sa place qu’en annexe, comme l’exprime le verset : “Ton nom ne sera plus appelé Yaacov “si ce n’est” que Israël soit ton nom essentiel” (35,10).

Le Haamek Davar va dans le même sens en disant que les deux noms sont destinés à coexister, car il y aura toujours, à chaque génération, des hommes dignes d’un fonctionnement de Ness (Miracle), et justifiant du nom d’Israël. Toutefois pour Yaacov lui-même, Hachem insiste en répétant “Il appela son nom Israël”, pour souligner que l’infériorité attachée au nom Yaacov ne concernera que ses descendants mais que lui-même s’appellera Israël !

 

Le Sfat Emet (an 5657 ; 5659) explique que chaque nom correspond à la “tâche” assignée par Hachem à l’homme. Lorsqu’un homme a “rempli” son “contrat”, il peut quitter ce monde vers le Monde de la “récompense”.

Depuis la faute d’Adam Harichone aucun homme n’a totalement “épuisé” ses possibilités” en dehors de Yaacov. C’est parce qu’il avait atteint ce niveau que Yaacov a vaincu le Mal’akh, montrant ainsi qu’il s’était hissé au niveau des Mal’akhim dont le nom exprime la mission unique qui leur est assignée.

En attribuant à Yaacov un nouveau nom, porteur d’une nouvelle mission, Hachem a ainsi “renouvelé le contrat”. Par sa propre réalisation, Yaacov Avinou a acquis pour nous, ses descendants, l’accès à une possession spirituelle sans limites, qui s’exprime par la “Nechama Yetéra” (l’âme supplémentaire) que nous pouvons recevoir le Chabat !

Rabbi Yerou’ham souligne que le nom de Yaacov n’est pas fortuit. Il manifeste qu’initialement, dans ce monde, la perfection du Emet (“Vérité”) n’est pas accessible. L’obscurité est inhérente à ce monde, jusqu’à la Gueoula Ultime. Aussi, l’attitude face à Essav et toutes les nations ne peut qu’être empreinte de la dimension de Yaacov, une certaine forme de sagesse qui consiste à éviter la confrontation directe (comme le Midrach cité plus haut …). Ce n’est qu’au prix de cette réserve que nous mériterons réellement le nom d’Israël.

Rav Its’hak Zeev Yadler (Tiférèt Tsion, 35, 10) explique le verset : “Ton nom ne sera pas appelé Yaacov si ce n’est qu’Israël sera ton nom” : Hachem a assuré à Yaacov que ses descendants n’auront pas à affronter la moindre détresse qui ne soit destinée à servir “d’échelle” pour accéder au nom d’Israël. Toutes les souffrances de la Galout ne sont que des échelons qui doivent nous mener à la pleine réalisation d’Israël !

Rav Chimchon Raphaël Hirsch (32, 29) explique que la situation “d’infériorité” de “talon”, apparemment foulé par tous les autres, débouche sur la réussite fondamentale qui témoigne de l’existence d’une Puissance Spirituelle Qui l’emporte sur toutes les puissances matérielles. Seule cette victoire de la pérennité de Yaacov manifeste la Présence du Dieu Tout Puissant, Qui se révèle dans l’existence permanente du faible, malgré les agressions des puissants.

Le nom de Yaacov, qui représente la faiblesse est la véritable manifestation d’Israël !

Cette explication rejoint les paroles de Rav Yaacov Emden dans l’introduction à son commentaire du Sidour (p. 6) que notre permanence à travers les vicissitudes de l’Histoire est un bien plus grand prodige que tous les Nissim (Miracles) de la Sortie d’Egypte et du séjour dans le désert et en Erets Israël, et doit renforcer la Emouna.

Que ces enseignements de notre Paracha nous accompagnent dans les périodes de troubles, et nous confirment la venue, bientôt comme nous l’attendons, de la Gueoula qui nous amènera enfin la réalisation de notre nom Israël, ambassadeur de Hachem au sein de l’humanité.

שבת שלום !