Parasha – 121 Vayétsé 5784

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La Paracha Vayétsé décrit une période décisive de la vie de Yaacov Avinou, son séjour chez son oncle Lavan.

La Paracha fait le récit d’une part de la constitution de sa famille, son mariage avec Léa et Ra’hel, puis les deux épouses complémentaires Bilha et Zilpa, et d’autre part, de la confrontation avec Lavan, dont les “valeurs” sont aux antipodes de celles de Yaacov Avinou.

Dans la Paracha Toldot (25, 27) la Torah définit Yaacov comme “un homme entier, résidant dans les tentes ” (les tentes de chez ses ancêtres Chem et Ever).

A l’opposé, Lavan est décrit comme un homme pétri de ruse, au point que Yaacov se voit contraint dès la première rencontre avec Ra’hel, sa future épouse, de la rassurer qu’il saura être “le frère de son père” en ruse (Rachi 29, 12). Une raison supplémentaire d’intérêt pour cette Paracha consiste dans le fait qu’elle s’étend sur 20 ans d’existence “surprenante” de la vie de Yaacov comme “simple” berger au service de son oncle et beau-père.

Comment comprendre la place d’une telle expérience dans la construction d’un des Avot (Patriarches) au “sommet” des fondements de notre Peuple, le Peuple de Hachem ?!

Quel est le lien entre la construction de l’avenir spirituel de la Création et l’expérience éprouvante de Yaacov Avinou apparemment “réduit” au rôle de gardien de moutons chez son oncle Lavan ?! Et c’est précisément cette période qui est destinée à la constitution de la famille de Yaacov, qui donnera naissance aux 12 tribus d’Israël, la base du Peuple de Hachem !

 Rav Chalom Noa’h Bérézovski (Netivot Chalom, p.209) développe que la dimension spécifique de Yaacov Avinou est la “Kedoucha”, qui est un niveau supérieur à la “Tahara” (Pureté) (Voir Messilat Yecharim, chapitres 16, 26). La Tahara consiste dans le rejet du “Mal” et de la “Toum’a” (impureté). La Kedoucha consiste à ce que les moindres actions matérielles portent une valeur de “Korban” (“offrande”) comme au Beth HaMikdach (Temple).

Rav Bérézovski explique que c’est là le sens de toute la Paracha Vayétsé, pleine d’actions matérielles de Yaacov Avinou : la construction de son foyer, ses entreprises au service de Lavan et le développement de ses biens, qui donnera naissance aux 12 Chevatim (les ancêtres des Tribus). Tous ces faits étaient au plus haut niveau de Kedoucha, même si nous ne comprenons pas les motifs de chaque action.

C’est là la dimension exclusive de Yaacov Avinou !

Le Netivot Chalom souligne que dans le rêve prophétique de l’Echelle (Beréchit 28, 12-15), Hachem a révélé à Yaacov que le monde dans son entité est une échelle dressée au sol et dont la tête atteint les Cieux. C’est le moyen d’accéder aux Cieux supérieurs, c’est-à-dire aux niveaux spirituels les plus élevés.

Hachem souhaite une “résidence” dans ce monde inférieur dans le Juif qui réside dans un monde de pulsions inférieur, et se dédie avec tous ses désirs à la Gloire de Hachem ! Le but de la Création ne réside pas dans les Mal’akhim (les “Anges”), qui sont les “mécanismes sans “libre arbitre” conçus uniquement comme “courroies de transmission” de la Volonté Divine. L’objectif de Hachem dans la Création est l’Homme, être doué de “libre arbitre, avec lequel il doit choisir de manifester la Présence de Hachem dans le Monde. C’est dans ses gestes les plus “insignifiants” apparemment que le Juif accomplit sa mission sur terre. 

Toute la Création est une “Porte” pour accéder à la proximité avec Hachem, comme Yaacov le perçoit à la suite de cette révélation (28, 17). Le seul moyen d’arriver à cette intimité avec Hachem passe par le fait d’accomplir les activités matérielles conformément à la Volonté de Hachem exprimée par la Torah !

Rav Tsvi Chraga Grossbard (Tiférèt Chraga, p. 232) explique que les Avot durent traverser des épreuves spécifiques à leur “Mida” (Qualité) particulière.

La Mida de Yaacov était le “Emeth” (la “Vérité”), comme le souligne le verset (Mikha 7, 20) : “Tu as donné le “Emeth” à Yaacov …”.

 

C’est pourquoi tous les acquis de Yaacov ont été atteints par des chemins apparemment opposés à la vérité : la “Bekhora” (le droit d’aînesse) (25, 29-34), les Berakhot reçues de Its’hak Avinou par la “ruse” (27, 1-36) …

Pendant 20 ans, tous ses contacts avec Lavan furent marqués par la nécessité d’être “à la hauteur” de son interlocuteur rusé. Rav Grossbard explique que l’épreuve consiste à soumettre sa qualité fondamentale à la Volonté de Hachem.

Yaacov ne doit pas être “Vrai” par nature, ni par choix intellectuel, mais uniquement parce que c’est la Volonté de Hachem. Tout comme le fait qu’Avraham Avinou fut mis à l’épreuve de la “Akéda” (le “Sacrifice”) de Its’hak pour mettre en évidence que sa Qualité de “‘Hessed” (don gratuit) n’était pas due à une inclination naturelle, mais intégralement soumise à la Volonté de Hachem.

Rav Grossbard souligne que le verset (33, 18) “Yaacov vint “entier” … en venant de Padan Aram” témoigne de l’intégrité de Yaacov tout au long, car “Chalem” (“Entier”) signifie ici “entier” dans son âme, ce qui n’aurait pas été possible s’il avait été “pollué” dans sa Mida de Emeth par son séjour chez Lavan !

 Rav Chalom Chapira (HaMaor ChèbaTorah, p. 245) souligne l’intégrité de Yaacov Avinou qui accomplit toutes ces années au service de Lavan avec le même dévouement à ses responsabilités. Il cite le Midrach (Beréchit Rabah 70, 20) qui dit que d’ordinaire un ouvrier accomplit sa tâche envers son employeur avec honnêteté deux ou trois heures, après quoi la paresse l’emporte. Yaacov Avinou, lui, se consacra à sa fonction auprès de Lavan, non seulement les sept premières années de travail auxquelles il s’était engagé “dues” pour épouser Ra’hel, mais pareillement les sept suivantes après que Lavan l’ait dupé et lui ait donné Léa, exigeant ensuite sept nouvelles années de travail en “paiement” de l’acquisition de Ra’hel comme épouse…

Ayant pris un engagement envers Lavan, Yaacov respecta sa parole sans prendre en compte la malhonnêteté de Lavan !

Telle était la “marque” spécifique de la grandeur de Yaacov Avinou !

De plus, Rav Chapira souligne (p. 234) qu’en vue du séjour qu’il avait prévu avec sa mère Rivka de sept ans chez Lavan (Rachi 29, 18), Yaacov jugea nécessaire de s’y préparer. Aussi, il consacra quatorze ans à étudier la Torah chez son ancêtre Ever (en plus de toutes les années précédentes, jusqu’à l’âge de 63 ans lorsqu’il reçut les Berakhot de son père Its’hak et partit ensuite chez Lavan pour échapper à la vengeance d’Essav, et prendre épouse chez son oncle, conformément aux instructions de ses parents…).

Rav Chapira remarque que sans cette préparation spirituelle, Yaacov Avinou n’aurait pas été en mesure d’être le père des 12 Chevatim qui constituent les piliers du Peuple d’Israël !

Rav Chapira conclut combien plus encore devrions-nous nous préparer avant d’affronter le monde corrosif de la rue, ô combien plus redoutable encore que Lavan !

Au terme des quatorze ans “payés” pour ses deux épouses, Léa et Ra’hel, Yaacov cède à la demande de Lavan de prolonger son séjour, mais il refuse un paiement à l’initiative de Lavan, lui préférant une rémunération dépendant directement de Hachem : les agneaux et chevreaux nouveau-nés des troupeaux qui lui seront confiés, et qui porteront des taches spécifiques convenues avec Lavan. (Ceci n’empêchera pas Lavan de changer les conditions 100 fois en six ans (Rachi 31, 7) …). Yaacov dit à Lavan (30, 33) : “Et ma justesse témoignera au jour de demain lorsque tu viendras contrôler ma rémunération devant toi …” !

achi explique que Yaacov prévient ainsi des soupçons éventuels de Lavan d’abus de sa part (sur le compte de son oncle, beau-père et employeur …). Lavan pourra vérifier qu’aucun animal n’est différent des conditions fixées !

Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah p.188) analyse ce verset prononcé par Yaacov Avinou face à Lavan, et développe que cette attitude particulièrement scrupuleuse face à une possibilité de soupçon n’est pas exclusive de la confrontation à Lavan. C’est en réalité la manifestation de la qualité profonde de Yaacov qui sera ensuite la règle établie par la Torah dans toutes les relations humaines. Ce n’est pas pour éviter les regards “en coin” des gens malintentionnés qu’il faut peaufiner le moindre détail de notre comportement afin qu’il soit au-dessus de toute critique.

Rabbi Yerou’ham explique qu’il s’agit d’ajuster nos actes à l’image des actions Divines. De même que Hachem nous a “ouvert” les Cieux lors de Matane Torah (le Don de la Torah), afin que nous constations par nous-mêmes qu’Il est le Maître incontestable de la Création, ainsi notre existence doit être “limpide”, sans la moindre “ombre” qui pourrait laisser place à un doute quelconque. C’est ainsi que même les plus grands ‘Hakhamim avaient soin de ne pas conclure le moindre accord sans témoins, alors qu’ils n’avaient certainement aucun soupçon l’un envers l’autre …

La Torah n’est pas un livre d’Histoire, et n’a pas pour but de nous décrire sans intérêt pratique pour nous les “hauts-faits” de nos ancêtres ! Même s’il est évident que notre niveau est bien hors de proportion avec celui des Avot (Patriarches), nous avons l’obligation de tendre vers leur exemple (Tana DevéEliahou, chap.25) !

La Torah nous enseigne dans cette Paracha que la source de la Kedoucha réside dans les petites actions ordinaires du quotidien !

שבת שלום !