Parasha – 120 Toldot 5784

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La Paracha Toldot est la seule Paracha consacrée à Its’hak Avinou. Elle présente principalement les “Toldot” (les descendances) de Its’hak, Yaacov et Essav.

La place d’Essav dans l’Histoire du Monde suscite nombre d’interrogations !

Essav est le fils d’Its’hak et Rivka, le frère jumeau de Yaacov, et à ce titre, il est promis à un avenir spirituel exceptionnel !

Mais il n’en sera rien, car Essav se contentera de ne devenir que la “contrepartie” de Yaacov tout au long de l’Histoire, au point que nos ‘Hakhamim identifient la “civilisation” romaine, dont le monde occidental actuel est le prolongement, comme ‘héritière” d’Essav. Jusqu’à ce jour nous vivons dans la Galout (Exil) de Edom (nom attribué à Essav).

Comment comprendre que ce rôle de “contrepoids” qu’a joué Edom au fil du temps lui vient de la Berakha que Its’hak a donnée à Essav en “consolation” de ce qu’il avait accordé la Berakha, à son insu, à Yaacov (Beréchit 27, 1-40). Cette initiative de Its’hak ne peut pas être défavorable à Yaacov ? Nous devons donc comprendre que Its’hak avait jugé utile de mettre en place un “garde-fou” pour les générations, afin que les Bené Israël ne dévient pas de leur Emouna en Hachem.

Comment comprendre un tel renversement de situation ?! Et comment comprendre le sens “positif” du rôle d’Edom en tant qu’adversaire permanent d’Israël au fil des générations ?!

Dans cet épisode, après que Its’hak ait projeté d’accorder une certaine Berakha à Essav, Rivka, ayant eu connaissance de cette intention, fit en sorte d’envoyer Yaacov recevoir la Berakha à la place d’Essav.

Dans le Dvar Torah sur Toldot 5780, nous avons vu comment Essav était initialement destiné à être associé à Yaacov dans sa Avoda (le Service de Hachem). Il aurait été le “Zevouloun” de Yaacov, comme dans l’association entre les tribus de Issakhar et Zevouloun, l’une dédiée intégralement à l’étude de la Torah, et l’autre partageant ses efforts, pour fournir les besoins des deux tribus.

Essav était initialement destiné à devenir, lui aussi, un “Grand Homme”, comme son frère jumeau Yaacov, héritier de la grandeur d’Avraham et Its’hak.

Lorsque l’échec d’Essav se révéla finalement à Its’hak lors de l’épisode des Berakhot, (voir Rachi 27, 33) lorsque Its’hak perçut le Guéhinom ouvert sous Essav, Its’hak comprit que même la Berakha de la prospérité matérielle devait échoir à Yaacov.

Mais comment comprendre alors, la Berakha étonnante, qui est à l’origine de toutes les souffrances de notre Peuple depuis deux millénaires, que Its’hak accorde alors à Essav (27, 40) : “…et sur ton épée tu vivras, et tu serviras ton frère, et ce sera lorsque tu souffriras, et tu rejetteras son joug de sur ton cou !”

Le Targoum (traduction-explication en Araméen de la Torah”) explique cette souffrance par : “…et ce sera lorsque ses fils (à Yaacov) transgresseront les paroles de la Torah …”.

Its’hak nomme ici Essav comme “gardien” du respect de la Torah par les Bené Israël au fil des siècles.

Et combien a fait preuve de zèle ce “gardien” qui ne nous a fait grâce d’aucune de ses “attentions” au fil des générations !

Depuis 2000 ans, nous souffrons presque en permanence des persécutions d’Edom, depuis l’époque de l’Empire Romain jusqu’aux manifestations d’antisémitisme redoublées du monde occidental actuel, en passant par les croisades, l’inquisition, les divers pogromes, et enfin la Choa…

Quelle est la finalité de la Galout (l’Exil) qui ne consiste pas particulièrement en un éloignement géographique, comme en témoigne la Galout Yavane (les “Grecs” d’Asie) de l’histoire de ‘Hanouka qui s’abattit sur nous en Erets Israël ?!

Quelles étaient les spécificités des précédentes Galouyot (Bavel, Perse, Yavane) ? Et que représente spécialement la Galout d’Edom dont nous souffrons plus durement, et plus longuement que de tous nos autres adversaires dans l’Histoire ?!

Rabénou Nissim (Drachot HaRan, Hadrouch hachéni) développe la situation d’alternance qui règle l’Histoire d’Israël et Edom : Lorsqu’Israël est au sommet de sa grandeur, Edom lui est inférieur, conformément à la Berakha d’Its’hak Avinou, comme dans toutes les périodes de notre histoire où Edom était soumis.  Et lorsqu’Israël faillit à sa grandeur, Edom se lève et l’opprime.

Le Ran souligne que l’infériorité d’Edom résulte effectivement de la grandeur d’Israël, mais inversement, la chute d’Israël ne résulte pas de l’élévation d’Edom. Au contraire, la grandeur d’Edom n’est issue que de l’échec d’Israël à maintenir son lien particulier avec Hachem. Ce mouvement de balancier est destiné à durer jusqu’à ce que nous méritions la Gueoula ultime, et que le rôle d’Edom disparaisse définitivement.

Rav Dessler (Mikhtav MéEliahou III, p. 202) nous livre une analyse complète de la Galout et de la Gueoula. Il souligne (p.207) le sens général de la Galout.

L’essentiel de la Galout ne tient pas dans les souffrances qui l’accompagnent.

La Galout est la confrontation à des peuples et des “cultures” différentes, représentant des oppositions variées à ce que Hachem “attend” de l’Homme.

Chaque nation est caractérisée par une tendance principale qui oriente toute sa démarche. Toutes les actions découlent et sont empreintes de cette “Mida” (caractéristique) que nos ‘Hakhamim nomment le “Sar” (“Prince”) de la nation.

C’est ce qui s’appelle en français le “génie” d’un peuple, peut-être de la même racine que “gène”…

Le but de la Galout est alors de nous faire affronter une “caricature” de nos faiblesses, afin que nous nous radicalisions face à elle. Si le “rappel léger” ne suffit pas, viennent ensuite les persécutions pour nous ouvrir les yeux sur l’erreur tragique que constitue la complaisance face aux cultures étrangères.

Rav Dessler développe que la première période de notre histoire, jusqu’à la destruction du premier Beth HaMikdach (Temple) par les Babyloniens, était caractérisée par des fautes principalement liées aux “appétits”. C’est l’attrait des Arayot (l’immoralité) qui menait jusqu’à l’idolâtrie, et même le meurtre. Ces trois fautes capitales entraînèrent finalement la catastrophe de la destruction du Beth HaMikdach et les 70 ans d’exil en Babylonie et en Perse.

Par contre, la période qui amena à la destruction du second Beth Hamikdach est définie par la “Sin’at ‘hinam” (haine gratuite). Quand nous découvrons cette notion dans les livres, nous cherchons des conflits sanglants, et nous “trouvons” aux “bons Juifs” de l’époque, et même aux ‘Hakhamim de ces générations des défauts gravissimes justifiant un tel jugement.

Mais Rav Dessler cite (p.215) encore la Guemara (Chabat 119b) : “Yerouchalaïm n’a été détruite que parce qu’ils n’avaient pas de gêne l’un de l’autre …” !

Il explique que lorsqu’un homme faute, mais se gêne devant autrui, cela signifie qu’il n’est pas entièrement empli de la faute. Mais lorsqu’il n’y a plus place dans la société à la honte, tout est envahi par la faute ; et alors se justifie une destruction totale qui ne laisse rien …”. Lorsque l’homme a honte de ses actes, cela veut dire qu’il ressent une contradiction entre ses actes et ce qu’il perçoit par son intellect. Sa conscience le pousse à cacher ses actes. Le sentiment de honte manifeste que sa conscience réclame qu’il n’agisse pas contre la volonté de Hachem. Il reste ainsi une place à la réparation.

A l’époque de la destruction du Beth HaMikdach, où les fauteurs ne ressentaient pas de honte, ils sont arrivés dans leur Gaava (orgueil) à l’effondrement complet de l’intelligence et de la spiritualité. Ce sont ces fauteurs (les Tsedokim-Saducéens) qui causèrent la destruction du Beth HaMikdach.

Ce développement de Rav Dessler rejoint les paroles de Rav Avigdor Miller qui explique que l’ensemble du Peuple Juif était uni autour des ‘Hakhamim, et que la “Sin’at ‘hinam” (haine gratuite) qui causa la destruction était le fait des Tsedokim – les Saducéens – une faction dominante cherchant l’assimilation aux nations perverties, les grecs et les romains (Am Segoula II, 546).

Cette croissance de la Gaava (orgueil) conduisit tout le Peuple Juif à la Galout au sein de Edom (Rome), représentant particulièrement cette Mida (caractéristique) de Sin’at ‘hinam.

Pour comprendre cette “généralisation de la sanction à ceux qui n’avaient pas fauté concrètement, nous devons réaliser que la responsabilité de chacun ne se limite pas à ses propres actes, mais à sa “sensibilité” aux courants qui l’entourent. C’est pourquoi même si l’ensemble du Peuple Juif se démarquait dans son quotidien des agissements des Tsedokim qui l’opprimaient, un manque infime de rejet au plus profond de soi des concepts ambiants justifia la nécessité de la Galout.

Dans le même esprit, Rav Avigdor Miller explique la chute d’un des plus grands Sages d’Israël, Elicha Ben Abouya, contemporain de Rabbi Akiva qui en arriva jusqu’à collaborer avec les Romains (Or Olam I, p.337). Il lui manquait, dit Rav Avigdor Miller, la “Fierté Juive”, la conscience de la primauté de nos valeurs face à la réussite apparente du monde extérieur.

Dans une lettre à son père datée de 5691 (1931) (Mikhtav MéEliahou III, p.326) Rav Dessler développe la différence fondamentale entre l’extérieur et l’intériorité, le “mensonge qui ressemble à la vérité”, et la vérité elle-même ! Il décrit le monde extérieur pétri de fausses valeurs, l’amour d’autrui qui se concrétise par des pogroms, la défense des animaux (pour illustrer le texte de Rav Dessler, citons le commentaire “prophétique” de Rav Moché Mordekhaï Epstein, le Roch Yechiva de Slobodka, qui vit un jour une allemande embrasser son chien. Il dit alors : “…Dans ce pays on tuera des hommes … comme ce fut effectivement le cas !).

L’esthétique superficielle, le deuil soi-disant “sérieux” accompagné de vêtements neufs à la dernière mode (!), la solidarité nationale … Toutes ces “valeurs” du monde qui nous entoure ne sont qu’apparence, sans vérité profonde. Tel est le monde de Essav-Edom, en opposition aux vraies valeurs d’Israël, moins “éclatantes”, mais combien plus vraies !

La Guemara (Sota 49b) souligne qu’à l’approche de la venue du Machia’h, à l’apogée de la quatrième Galout (Edom), l’effronterie se renforcera.

La Gaava et la ‘Houtspa (l’effronterie) face à Hachem est la Mida (caractéristique) d’Amalek (descendant et “quintessence” de Edom).

Israël est plongé dans cette Galout, dans ce qui représente la caricature de la faiblesse qui a causé sa perte.

L’épreuve globale de cette longue Galout, et encore plus de ses derniers pas, est de se démarquer totalement de ces travers.

Rav Dessler rapporte les paroles du Gaon de Vilna (commentaire sur le Zohar ‘Hadach 27b) qui définit au sein d’Israël un “Erev Rav” (un mélange comparable aux égyptiens qui se mêlèrent aux Bené Israël à la Sortie d’Egypte). Il les définit même comme “Amalek” parmi les Juifs. Par leur pouvoir, ils tentent de répandre des conceptions de “Co’hi veotsem yadi” (“ma force et la puissance de ma main”) en opposition à la Emouna, à la Torah et à la Avodat Hachem (Service de Hachem-Mitsvot) !

Nous sommes en permanence exposés aux slogans trompeurs du “Jamais plus”, comme si le Peuple Juif avait pris son destin en main, sans dépendre encore de la Volonté de Hachem !

La dernière épreuve de cette Galout consiste à ne pas céder du tout à cette atmosphère, mais à nous renforcer dans la Emouna, l’étude de la Torah et la Tefila ! Ceux qui tiendront fermement dans cette dure épreuve auront accès, dit Rav Dessler, à la Gueoula complète avec le Machia’h.

Telles étaient les paroles de Rav Dessler il y a déjà plus de 70 ans. Les épreuves de l’approche du Machia’h n’ont pas diminué depuis, et nous devons encore accentuer nos efforts pour traverser ces troubles avec la Emouna qui mènera à l’issue favorable de la Galout.

L’exemple personnel d’Essav, initialement destiné à la grandeur des Avot (Patriarches) montre dramatiquement comment on ne peut pas se targuer de son capital de départ. La grandeur initiale ne suffit pas face aux épreuves. L’entourage même d’Its’hak et Rivka ne protégea pas Essav des dérives de sa “Be’hira” (Libre Arbitre).

Seul un effort sans relâche dans la Emouna et la Torah peut nous sauver de la chute !

L’actualité nous sollicite particulièrement à nous renforcer dans nos valeurs pour traverser victorieusement ces terribles épreuves !

שבת שלום !