Parasha – 117 Lekh Lekha 5784

בס”ד

La Paracha Lekh Lekha est la première des trois Parachiot que la Torah a dédiées à Avraham Avinou.

La Torah n’étant pas un simple livre d’histoire, les faits qui y sont rapportés ne constituent pas la totalité de l’existence des personnages centraux présentés, que ce soient les Avot (Patriarches), les Chevatim (les fils de Yaacov Avinou, ancêtres des tribus du Peuple d’Israël), Moché Rabénou, ou l’ensemble des Bené Israël. Leur narration a pour but de nous fournir des enseignements concrets indispensables à notre existence quotidienne, au même titre que les Mitsvot.

C’est ce que souligne Rav Avraham, le frère du Gaon de Vilna en son nom au début de son livre Maalot HaTorah : il n’y a pas uniquement 613 Mitsvot dans la Torah, mais chaque mot, chaque lettre de la Torah est une indication que Hachem nous octroie pour orienter notre comportement.

Dans ce sens, il est important de ne pas considérer le moindre élément comme accessoire.

En particulier dans notre Paracha, deux sujets pourraient souffrir d’une telle approche erronée :  

– le personnage de Lot, le neveu d’Avraham, qui l’accompagne dans un premier temps, avant de se séparer de son oncle et Maître sur ce qui semble n’être qu’une banale querelle de bergers.

– la guerre des Rois au cours de laquelle Avraham Avinou intervient pour sauver son neveu Lot.

Chacun de ces deux sujets mériterait une étude approfondie, mais la dimension de notre Dvar Torah nous impose une simple ébauche destinée à “ouvrir l’appétit”, et nous incite tous à nous plonger dans les sources qui pourront nous guider dans une recherche plus vaste.

Le personnage de Lot est particulièrement étonnant !

Lot s’associe à Avraham dans son périple de ‘Haran vers le Pays de Canaan (Beréchit 12, 4).

Après avoir accompagné Avraham lorsqu’il descend en Egypte en raison de la famine en Canaan (12, 10-13, 1-4), il se sépare d’Avraham à la suite d’une querelle entre leurs bergers, et s’installe dans la région de Sedom (13, 5-13). Lot est ensuite capturé lors de la guerre des 4 Rois contre les 5 Rois de la région, et sera sauvé par Avraham qui part en guerre et en sort vainqueur grâce à des miracles (14, 8-16).

Après avoir été délivré, Lot ne saisit pas l’opportunité de se joindre à nouveau à Avraham, mais repart à Sedom, où le trouveront les Mal’akhim (Anges) partis détruire Sedom (voir la prochaine Paracha – Vayéra, 19, 1-29). C’est à cette occasion que nous voyons Lot très activement engagé dans l’accomplissement des Mitsvot, que ce soit face à Hachem, même avant que les Mitsvot aient été ordonnées (Lot fait des Matsot car c’est Pessa’h ; Rachi 19, 3), et que ce soit envers les hommes, lorsqu’il pratique la Hakhnassat Or’him (l’accueil des voyageurs) avec un grand dévouement, alors que c’est un délit capital à Sedom.

Pour finir, les filles de Lot, persuadées que toute l’humanité a disparu dans la destruction de Sedom, s’entendent pour l’enivrer une nuit après l’autre pour concevoir avec lui ce qu’elles pensaient être l’avenir de l’humanité (19, 30-38).

Elles donneront naissance aux ancêtres respectifs des deux nations Moav et Amon, dont deux “représentantes” (Ruth, l’ancêtre de David, issue de Moav et Naama, la mère de Re’hav’am, le fils de Chlomo HaMélekh, issue de Amon) rejoindront le Peuple d’Israël et prendront place dans la famille de David HaMélekh, et seront ainsi à l’origine du Machia’h.

Lot a donc une place de choix dans l’avenir de la Création.

Comment comprendre la complexité d’un personnage que nos ‘Hakhamim qualifient alternativement de Tsadik et de Racha ?! (Voir Rachi 13, 14 ; 19,19).

Rav Dessler (Mikhtav MeEliahou, II, p. 166 et suivantes) développe l’analyse, et explique l’ambivalence de la manière suivante : ce que Lot accomplit suite au ‘Hinoukh (la formation) qu’il a reçu auprès d’Avraham ne représente pas son niveau réel. Les élans qui le poussent vers le voisinage de Sedom malgré les mauvaises influences qui y règnent, mais aussi le fait de ne pas avoir trahi le secret de l’identité de Sara en Egypte (Rachi 19,29), lui est un mérite personnel.

Rav Dessler explique que l’homme n’est jugé qu’en fonction de ses caractéristiques inhérentes, car le reste, même jusqu’à la “Messirout Néfech” (le don de sa personne), ne représente pas son niveau réel.

Rav Chalom Chapira (HaMaor ChèbaTorah, p.86-87) cite le Zohar HaKadoch qui dit qu’Avraham a associé Lot à sa démarche car il avait perçu par inspiration Divine que David HaMélekh serait issu de lui. Il voulait ainsi le préparer à cet avenir élevé d’être à l’origine du Machia’h.

Rav Chapira souligne que cet avenir glorieux ne le sauva toutefois pas de la séparation d’avec Avraham, car il est interdit de rester en compagnie d’un Racha.

Même un homme de la stature spirituelle d’Avraham devait se garder de la proximité avec un Racha, et même si le Machia’h est lié à lui …

Rav Chapira remarque encore (p.92; 105) que les deux élans néfastes qui amenèrent Lot à la séparation d’avec Avraham et à son installation à Sedom, “l’appât du gain”, la poursuite de la richesse, et un penchant pour l’immoralité (voir Rachi 13, 10), lui sont venus de l’influence du bref séjour (trois mois) en Egypte lors de la famine (12, 10-20 ; voir Sifté ‘Hakhamim 13, 14).

A partir de ce moment-là, Lot qui était jusqu’à ce moment totalement sous l’influence bénéfique d’Avraham prit une attitude d’indépendance (HaMaor ChèbaTorah, p.104, basé sur le commentaire du Malbim 12, 4 ; 13, 1). 

Rav Sim’ha Zissel Ziv (Or Rachaz, Maamar 103) développe abondamment l’analyse de Lot. Il souligne qu’au niveau des actes Lot est “irréprochable” que ce soit dans son attitude face à Hachem ou face aux hommes. Tout le problème chez lui est “sous-jacent”, au niveau des élans “incontrôlés” qui dictent ses mouvements. Même le penchant pour une vie matérielle qu’il développe à la suite de son séjour en Egypte reste limité à ce qui est permis par la Torah, mais “le ver est déjà dans la pomme”, et ses élans le définissent aux yeux de Hachem, et au regard aiguisé d’Avraham, comme un Racha infréquentable …

Rav Zaïdel Epstein (Héarot, Maamar 34) souligne que la décision de Lot de se séparer d’Avraham (plutôt que de se soumettre aux “exigences morales extrêmes” d’Avraham …) était certainement basée sur une analyse personnelle de son niveau et la certitude d’être assez “fort” pour résister à l’influence pernicieuse de l’environnement. Toutefois, là se situe en réalité l’amorce de la “déviation” qui l’éloigne définitivement de la Torah d’Avraham et du lien avec Hachem !

Considérons encore le second sujet apparemment accessoire de notre Paracha, la guerre des rois !

Rav Chalom Chapira (HaMaor ChèbaTorah, p.89) cite un Midrach qui rattache toute cette campagne militaire à l’hostilité de celui qui l’a initiée, Amrafel-Nimrod (Rachi 14, 1 de la Guemara Erouvin 53a) envers Avraham.

Rav Chapira remarque que sans ce Midrach, de prime abord étonnant, nous aurions vu comme seul intérêt au récit de cette guerre dans la Torah les Nissim (Miracles) éclatants dont Avraham bénéficia, et le Kidouch Hachem (la “sanctification” du Nom de Hachem) qui en découla.

Il souligne qu’en réalité la Paracha vient nous enseigner le sens de l’Histoire de l’Humanité. Des nations s’affrontent, des “dommages collatéraux” frappent Israël, et nous pensons “naïvement” que ce n’est qu’accidentel (pour ne pas utiliser le mot “Tamé” (impur) de “hasard” …) !

Il n’en est rien !

Toute l’Histoire du Monde est guidée par la confrontation du Peuple de Hachem et des nations.

Comme le Midrach le souligne : la première guerre dans l’humanité, rapportée par la Torah, impliqua 4 Rois, et l’Histoire du Monde tourne autour des 4 Royautés qui asserviront Israël (Bavel, Perse, Grèce et Edom-Rome) jusqu’à la victoire finale du Machia’h et la Gueoula ultime.

Ces quelques explications nous révèlent comment les évènements et les comportements humains mentionnés dans la Torah qui nous semblent secondaires, sont en vérité les “clés” de la compréhension de notre propre “subconscient”, et de l’Histoire.

Prions Hachem que les péripéties douloureuses que vit notre Peuple aboutissent bientôt à la Gueoula ultime. Mais n’oublions surtout pas que notre part à cet avenir grandiose dépend totalement de notre maîtrise sur nos actes et nos élans !

שבת שלום !