בס »ד
La Paracha Noa’h nous décrit deux évènements majeurs de l’Histoire du Monde : le Maboul (Déluge) et la Tour de Bavel.
Le premier évènement, le Maboul, marque la fin de la première période de la Création, un monde d’opulence, et de facilité. La longévité de vie (autour de neuf siècles) hors de proportion avec celle du monde que nous connaissons pouvait être soit un facteur d’épanouissement spirituel exceptionnel, comme chez les personnages remarquables cités dans la Paracha Beréchit, soit la cause de licence des mœurs sans limites.
C’est cette situation qui aboutit à une impasse que Hachem sanctionna par le Maboul – l’anéantissement total du Monde, y compris les animaux, qui avaient été contaminés par les déviations de l’Homme (Rachi Beréchit 6, 7 ; 6, 20), et même la Terre, dans la profondeur de 3 paumes, domaine de l’intervention humaine par le labourage (Rachi 6, 13).
Seuls Noa’h, sa femme, ses fils et leurs épouses ainsi que des représentants de toutes les espèces vivantes furent épargnés par cet évènement décisif.
Après le Maboul, Noa’h et sa famille « redémarrent » le Monde, et donnent naissance aux ancêtres des nations (10, 1-32).
Ce développement aboutit au second évènement dramatique global de l’Histoire du Monde (après environ trois siècles et demi) : la Tour de Bavel (11, 1-9).
La faute que constituait la construction de la Tour consistait en une rébellion collective contre Hachem (Rachi 11, 1), et était le résultat d’une unité de caractère nocif (11,1).
Puisque l’unité néfaste était la cause de la faute, l’intervention de Hachem ne consista pas en une destruction massive, mais en une dispersion de l’Humanité, occasionnée par le trouble de la communication entre les familles humaines. Hachem fit en sorte que l’Humanité ne soit plus unie par une langue commune, facteur d’unité, mais soit fragmentée en peuples communiquant chacun avec leur langage spécifique.
La construction de la Tour de Bavel consistait en une entreprise dans laquelle les individus se dévouaient à l’œuvre collective, au point que si un homme tombait de la tour on n’y faisait pas attention, mais si une brique tombait, on s’asseyait pour pleurer et déplorer cette perte irréparable (Pirké DeRabbi Eliezer 24, 7).
Quel était le facteur unificateur qui a mis l’individu au service de la collectivité jusqu’à une telle aliénation ?!
Nos ‘Hakhamim (Guemara ‘Houlin 89a) nous enseignent que l’initiateur de la Tour de Bavel était Nimrod. Nimrod (dont le nom dans la Torah est lié à la racine « Méred »- rébellion) était le fils de Kouch, lui-même fils de ‘Ham, le troisième fils de Noa’h (Beréchit 10,8-10). La Torah le définit ici comme « puissant chasseur « devant Hachem » !
Le Ramban explique que Nimrod fut le premier à dominer les autres hommes par sa force. Jusqu’à cette époque, il n’y avait jamais eu ni guerres ni rois.
Rav Yossef Salant (Beér Yossef, p. 25) remarque que la nature humaine est de s’opposer à toute soumission, mais Nimrod réussit par ses paroles habiles à les convaincre qu’il leur apportait l’affranchissement (de l’autorité de Hachem …) et l’égalité des droits, comme le soulignent Rachi et le Midrach.
Mais le but réel de Nimrod était d’asservir ses sujets à ses intérêts personnels.
Le Beér Yossef ajoute que la Torah décrit ce fait pour nous mettre en garde contre les « beaux-parleurs » de ce genre !
Rav Chimchon Raphaël Hirsch souligne que la fin du verset 8 qui mentionne le début de la « royauté » de Nimrod à Bavel montre que ses « talents » de chasseur ne se cantonnaient pas aux animaux, mais se concentraient particulièrement sur les hommes. Ainsi, il « capturait » les hommes, comme le rapporte Rachi (10,8), pour les amener à se rebeller contre Hachem. Toutefois nous ne comprenons pas encore ce qui le menait à une telle démarche, alors qu’il était conscient de la Présence de Hachem, comme Rachi explique « devant Hachem », c’est-à-dire « face à Hachem » pour Le « heurter » ?!
Rav Chimchon Raphaël Hirsch explique que la puissance n’était pas un facteur négatif en soi. Tout comme la sagesse et la richesse, la force est un don de Hachem.
Et lorsque cette force physique et principalement de « caractère », est mise au service de la Justice, il s’agit alors de « courage », un outil précieux d’équilibre de la société. Cette puissance de caractère permet à celui qui en bénéficie de s’opposer aux exactions des délinquants.
Rav Hirsch souligne cependant chez Nimrod, la combinaison de la force avec la ruse du « chasseur ». Et alors la force s’exerce uniquement à l’avantage du puissant qui devient un dictateur tourné exclusivement vers la possibilité d’exploitation de ses sujets. Rav Hirsch ajoute que les mots « devant Hachem » n’ont pas le sens de « braver Hachem », mais au contraire d’utiliser la « soumission » à Hachem qu’il manifestait prétendument pour accentuer son autorité sur la population.
Rav Hirsch ajoute encore que les émules de Nimrod passèrent, au fil des générations, de l’exploitation de l’aura divine à s’attribuer à eux- même l’identité divine. C’est ce que le verset exprime en disant que les dictateurs de cette sorte seront définis comme : « Nimrod – un puissant devant Hachem » !
C’est cette démarche qui aboutit à la construction de la Tour, officiellement œuvre collective à laquelle les individus devaient tout sacrifier jusqu’à leur existence, mais en réalité, monument à la gloire du roi Nimrod.
Rav Hirsch a ainsi défini le virage décisif dans l’Histoire de l’Humanité que représente le personnage de Nimrod.
Nous pouvons ainsi comprendre l’enseignement de nos ‘Hakhamim (Guemara Erouvin 53a) que Nimrod est aussi appelé Amrafel (Beréchit 14, 1), car il a dit (amar) à Avraham : « poul » (tombe) dans la fournaise.
Il s’avère donc que ces deux « personnages » contemporains, Nimrod et Avraham, sont les germes de toute l’évolution de l’Humanité.
Face à Avraham qui était le premier à propager activement la reconnaissance du Créateur, présent dans chaque fait, jusqu’au plus infime, dans la Création (Midrach Beréchit Raba, 39, 1), se dresse Nimrod qui n’hésite pas à éliminer, si nécessaire, celui qui conteste son autorité.
(Avraham sera introduit à la fin de la Paracha Noa’h (11, 26-32), et l’essentiel de ce que nous devons percevoir de sa vie et ses enseignements s’étend sur les Parachiot Lekh Lekha, Vayéra et ‘Hayé Sara).
Rav Its’hak Aïzik Scherr (Leket Si’hot Moussar, p. 35) cite le commentaire d’Ibn Ezra qui dit que Nimrod apportait en sacrifice à Hachem des animaux féroces, lions et aigles. Il rapporte l’étonnement du Ramban face à un commentaire qui semble faire de Nimrod un « Tsadik » qui apporte des offrandes à Hachem, à l’opposé des explications de nos ‘Hakhamim. Rav Scherr explique que le sens du commentaire d’Ibn Ezra est que Nimrod élevait en principe le culte de la force. Aussi il prônait le sacrifice des animaux puissants comme manifestation des valeurs les plus élevées à son sens. C’est là que se manifestait sa « dérive » face à Noa’h, Chem et Ever. C’est à cette idéologie qu’il réussit à entraîner par la force l’humanité de l’époque, en prétendant écarter les hommes de l’idolâtrie primaire qui avait abouti au Maboul. Il prétendait donc réaliser avec la Tour un « phare » spirituel du sommet duquel il répandrait la « Torah ». (Rav Scherr ajoute l’image moderne de l’université au sommet de Har Hatsofim que ses contemporains considéraient comme un pôle spirituel …).
Voici, nous dit Rav Scherr, l’enseignement de notre Paracha que Hachem ne souhaite pas les sacrifices, mais la soumission du cœur. Et la Paracha nous met en garde contre les « beaux-parleurs » qui ne sont pas à l’intérieur en harmonie avec leur discours, au point que Hachem a préféré disperser l’Humanité, au risque de dérives idolâtres réelles, dont la Techouva sera possible plutôt que de laisser les hommes à la merci d’un tel dirigeant …
Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah, p.63) rapporte les paroles du Ramban citées plus haut, et remarque que la Torah dit relativement à Yaacov Avinou : « Car tu es Prince face à Dieu et face aux hommes, et tu as vaincu » (Beréchit 32,29). Rabbi Yerou’ham souligne que la dimension du comportement est identique « face à Hachem » et « face aux hommes ». Chez Yaacov cela est vrai sous l’angle de la Kedoucha (« Sainteté »).
Mais il en est de même du côté de la Toum’a (impureté).
Il explique que les notions de guerre et de paix doivent être jugées selon cet éclairage. Normalement, la guerre n’a pas de place dans la Création. Du fait de leur dépravation, les hommes en sont venus à ériger la guerre en principe, et à justifier tout meurtre, au point de définir même les « lois de la guerre ».
En réalité, la même révolte qui se manifeste là contre l’humanité est présente face au Créateur. Nimrod qui s’est dressé contre ses contemporains pour les dominer se dressait en réalité contre Hachem.
La Torah nous montre les prémisses de l’affrontement de la Kedoucha représentée par les descendants de Chem et Ever (fils et arrière-petit-fils de Noa’h), Tsadikim, et d’Avraham leur descendant qui propagea l’enseignement de la soumission au Créateur, avec la Toum’a (impureté) représentée par les émules de Nimrod, jusqu’à nos jours comme le montre l’état de l’ensemble du monde !
De toutes ces explications, nous voyons que ces faits « antiques » qui nous sembleraient loin de l’actualité sont en réalité les leçons les plus « modernes » qui soient …
שבת שלום !