בס »ד
La Paracha Beréchit qui est la 1ère Paracha de la Torah, est particulièrement hermétique, en ce qui concerne la description de la Création du Monde et des premières générations qui suivirent, jusqu’au seuil du Maboul (le Déluge).
Notre attention se focalise à juste titre sur les « fautes » décrites dans cette Paracha, et sur le dialogue que Hachem établit avec les « premiers hommes » à leur sujet.
Rav Chalom Noa’h Bérézovski (Netivot Chalom, p.27) souligne que toutes ces fautes sont bien au-delà de notre compréhension. Cependant, dès lors que ces fautes sont mentionnées dans la Torah, il nous incombe de chercher à comprendre ce que la Torah veut nous enseigner par là.
Toutefois Rav Bérézovski écarte d’emblée l’analyse de la faute d’Adam Harichone la jugeant bien trop au-dessus de la perception humaine. Il choisit donc de se limiter à l’étude des fautes de Caïn et de la génération d’Enoch (le petit fils d’Adam Harichone).
Voyons la « liste » des fautes des dix premières générations du Monde, jusqu’au Maboul (Déluge) :
– Il y a bien sûr d’abord la « faute » d’Adam Harichone, que nous ne pouvons pas étudier en comparant Adam Harichone à nos propres épreuves, car le « libre arbitre » dont il disposait avant cet évènement ne ressemblait en rien à ce qu’il est devenu à la suite de cette action, et a fortiori au « libre arbitre » auquel nous nous mesurons nous-mêmes quotidiennement.
Toutefois, Rav Dessler (Mikhtav MéEliahou, II, p. 137-149) consacre une longue étude à ce sujet.
De même, Rav Moché Ye’hiel Epstein (Beér Moché, p. 157-178) s’étend longuement dans l’analyse de cette faute. (Nous ne pouvons pas étudier convenablement leurs développements dans le cadre limité de notre Dvar Torah, mais nous verrons plus loin un léger rappel de leurs explications).
– L’épisode suivant est celui de Caïn cité dans les versets Beréchit 4, 2-16.
Caïn commence par initier la notion d’offrande de l’Homme à Hachem. Cette initiative est, a priori, toute à son honneur. Toutefois, Hachem agrée l’offrande de son frère Hével, constituée du meilleur de ses moutons, à la différence de celle de Caïn qui avait apporté des produits ordinaires de la terre.
Caïn en conçoit de la colère et du dépit.
Hachem s’adresse alors à Caïn en lui reprochant ces deux sentiments, et lui suggère d’améliorer son approche. Caïn ne tient pas compte de l’avertissement de Hachem, et finit par tuer son frère Hével, qu’il considère comme le responsable de ses déboires.
Il est étonnant que malgré la démesure de cette faute, Hachem continue à s’adresser à Caïn. Ce fait en lui-même nous montre que ce « meurtre » ne peut pas être comparé aux meurtres ordinaires qui agitent l’humanité depuis lors. Là également, l’explication nécessiterait une étude approfondie qui dépasse les limites de notre Dvar Torah. Notre but ici étant de dégager quelques indications susceptibles de s’appliquer immédiatement à notre existence quotidienne.
– Vient ensuite la génération d’Enoch à propos de laquelle la Torah dit : « Az hou’hal likro bechem Hachem » (Beréchit 4, 26). Rachi explique le mot « hou’hal » comme relié à la racine « ‘houlin » (ordinaires) pour exprimer que les contemporains d’Enoch commencèrent à appeler des créatures (Soleil et autres …) du nom de Hachem, c’est-à-dire les « diviniser » …
Il s’agit là de la première apparition de l’idolâtrie dans le monde, dès la troisième génération à partir d’Adam Harichone, qui était encore dans le troisième siècle de sa longue existence.
La fait de s’adonner à l’idolâtrie à une époque aussi proche de la Création nous échappe totalement. Il est clair qu’une fois de plus, les paramètres de cette faute nous sont complètement étrangers.
– la fin de la Paracha, qui évoque les prémisses de la génération du Maboul nous sont également présentés de façon extrêmement succincte, et sans les explications de nos ‘Hakhamim dans la Torah orale, nous ne saurions presque rien à ce sujet !
Le but de cette énumération n’est évidemment pas d’ordre « historique », mais d’attirer notre attention sur une abondance de faits dont les paramètres ne nous échappent pas moins que la description de la Création elle-même.
Aussi, nous nous limiterons ici à quelques indications glanées auprès de nos Maîtres sur les leçons que nous devons retenir de ces passages de la Torah.
Concernant la faute d’Adam Harichone, les explications fréquemment présentées se concentrent sur la spécificité de l’Homme.
L’Homme est à la fois une « créature parmi les autres », totalement dépendante de son Créateur, et simultanément, le seul être doté de la « Be’hira » (Libre arbitre).
Certains croient que cette Be’hira consiste à avoir le « droit » de choisir ses options. Il n’en est rien, évidemment, car Hachem n’a pas créé le Monde pour en faire un « parc d’attractions » … La Be’hira est seulement la capacité de choisir autrement que selon le désir de Hachem, afin de mériter pleinement la proximité avec Hachem lorsqu’on choisit comme il se doit de se soumettre intégralement à la Mitsva de Hachem.
Le fait de s’être autorisé à « analyser » la question de consommer ou non le fruit de l’arbre proscrit était déjà une erreur qui généra la chute d’Adam Harichone. (Voir Mikhtav MéEliahou, II, p. 137-149 ; Léket Si’hot Moussar de Rav Its’hak Ayzik Scherr, I, p.15-17 ; HaMaor ChèbaTorah, p. 8-9, 16-18 ; Sam Dérekh de Rav Sim’ha Zissel Broydé, p.167-172 ; cette liste est loin d’être exhaustive …).
Le point central de cette « erreur » est l’ambition de l’Homme de s’élever, ambition tout à fait « en phase » avec le but-même de la Création. Cependant cette aspiration, si justifiée qu’elle soit, doit être totalement « canalisée » par les directives de Hachem. L’initiative personnelle est, par essence, l’expression d’un élan de « liberté », en rupture avec le lien profond à Hachem. C’est « à l’intérieur » des « garde-fous » érigés par son Créateur que l’Homme peut réellement s’élever.
En ce qui concerne Caïn, Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah, p. 26) souligne que dans un premier temps Hachem reproche à Caïn deux « élans » opposés qui l’animent par suite de l’échec de sa démarche d’offrande : Caïn est courroucé et démoralisé. Hachem lui fait remarquer la faute de colère, dirigée vers son frère en tant que cause supposée de son déboire. Toutefois, Hachem lui souligne que, plus encore que la faute elle-même, c’est la réaction de détresse et d’abandon qui la suit qui est la victoire définitive du Yétser Hara (le Penchant pour le mal) sur lui.
Après une faute, si grave soit-elle, l’homme doit se redresser et surmonter les conséquences destructrices de son action sur lui. C’est là le sens de la Techouva !
Cette dimension de la Techouva est abondamment développée dans l’introduction au troisième volume de Daat ‘Hokhma OuMoussar (p. 9-21). Cet ensemble de textes de Rabbi Yerou’ham exprime la grandeur à laquelle l’homme doit aspirer, au point de savoir s’élever au-dessus de ses fautes même, pour se tourner vers Hachem.
La Techouva se situe dans le sentiment profond de la grandeur de l’Homme, et un retour à la véritable proximité à Hachem. La solution n’est pas dans la culture obsessionnelle du souvenir de la faute. Il ne s’agit bien sûr pas ici de nier la faute et ses conséquences, mais de s’élever au-dessus de la faute pour se rapprocher à nouveau de Hachem.
(Dans nos Divré Torah des Parachiot du mois d’Elloul et des rendez-vous du mois de Tichri, nous avions rapporté les propos des Maitres des générations récentes à ce sujet).
Rav Yaacov Neiman (Darké Moussar, p. 33-34) développe ainsi le sens de l’idolâtrie de la génération d’Enoch. Il cite le Rambam qui explique que l’erreur de ces hommes consistait à croire que Hachem avait créé les mécanismes du monde pour le régenter, et qu’à ce titre il convenait de les « honorer » (Hilkhot Avoda Zara, 1, 1), comme un roi souhaite qu’on honore ses dignitaires. Rav Neyman compare cette erreur à celle d’un officier supérieur qui s’inclinerait devant un simple soldat. Par un tel comportement, l’officier bafoue l’honneur royal !
Ainsi en est-il de l’Homme qui est « la » créature supérieure de Hachem, auquel Hachem a subordonné tout le reste de la Création, y compris les Mal’akhim (Anges), comme nos ‘Hakhamim nous l’ont enseigné. Se prosterner devant quelque créature que ce soit, même la plus élevée spirituellement, équivaut à « brader » l’essence-même de la Création, qui est l’épanouissement de l’Homme !
Nous voyons donc que même les êtres les plus élevés de l’Humanité ont pu trébucher dans ces « pièges ».
Ces quelques éléments nous amènent à une compréhension plus claire de notre place réelle au sein de ce Monde. Nous devons garder la conscience totale de notre grandeur, et simultanément nous soumettre complètement à Hachem, sans écart de « réflexion » personnelle en dehors de ce qu’Il nous dicte.
Le Rebbe de Kloïzenbourg, Rav Yekoutiel Yehouda Halberstam zatsal, fondateur de la dynastie de Sanz- Kloïzenbourg, fut incarcéré au camp de concentration d’Auchwitz, où périrent son épouse et leurs 11 enfants.
Il dit un jour : « En ce qui concerne la Choah, je n’ai qu’un seul regret : lorsque nous marchions ensemble lors de la marche de la mort, nous avions tous été rasés de près… nous marchions l’un à côté de l’autre et personne ne savait si l’homme qui marchait à ses côtés était « Lita‘i » (Lituanien) ou ‘Hassid, personne ne savait que j’étais un Admour (Rabbi ‘Hassidique). Nous avions lié nos bras afin de nous réchauffer mutuellement dans le froid glacial et conserver la chaleur de nos corps.
C’est de cela que je suis nostalgique… »
שבת שלום !