בס »ד
Soucot présente deux facettes très différentes, qui semblent même contradictoires :
– D’une part Soucot est défini par la Torah comme un moment particulièrement dédié à la Sim’ha (Joie) : « Et vous vous réjouirez devant Hachem votre Dieu, sept jours» (Vayikra 23, 40 ; Devarim 16, 14).
– D’autre part, selon nos ‘Hakhamim (Yalkout Chim’oni, fin du paragraphe 653), Soucot vient après Yom Kippour afin que la sortie de la maison vers l’abri précaire de la Souca serve de « Galout » (Exil) pour le cas où les fautes des Bené Israël auraient justifié à Yom Kipour un verdict de Galout pour leur réparation. Le fait de quitter leur maison pour s’installer dans la Souca leur sera alors comptée comme s’ils étaient effectivement partis en Galout.
Outre la question fondamentale de cette opposition entre les deux aspects de la fête, le fait de considérer leur sortie vers la Souca comme une Galout soulève diverses questions :
– La vie dans la Souca ne représente pas le sommet du confort, que ce soit dans les pays où le climat n’est pas clément, ou dans les endroits où les logements ne comportent pas de possibilité d’y construire une Souca « intégrée » et il faut alors construire dehors une cabane de fortune, soit dans son jardin, soit dans un espace collectif …
Toutefois, on arrive difficilement aux circonstances où la Souca puisse s’apparenter ne serait-ce qu’à la Galout la plus légère ! Hachem serait-Il indulgent à ce point de considérer ce petit inconfort au niveau d’une véritable « peine » due à un « délinquant » ?!
– Plus encore, les sanctions de Hachem pour les fautes ne sont bien sûr en rien comparable aux pénalités infligées par la société. Le rôle des sanctions de Hachem est d’ordre exclusivement « curatif », pour rétablir la « santé spirituelle » affectée par la faute.
En quoi consiste donc l’effet positif de la Galout, et comment la sortie vers la Souca est-elle susceptible de produire le même résultat ?!
-De plus, certaines Soucot sont parfois très confortables, surtout dans le cas où il s’agit d’une des pièces du logement qui comporte un toit amovible, auquel cas l’inconfort devient réellement insignifiant.
Devrions-nous alors nous détourner de cette option pour rechercher une forme de Souca moins confortable, afin de « purger » notre éventuelle peine d’Exil ?!
– La contradiction apparente qui a été évoquée au début de notre Dvar Torah entre les deux facettes de la Souca nous interpelle : comment l’inconfort, même léger de l’installation temporaire dans la Souca peut-il être source de Sim’ha (Joie) ?!
Toutes ces questions ont une réponse unique, liée à une compréhension juste de la vie !
Notre perception initiale de la joie est dépendante de la satisfaction de tous nos désirs…
Nous sommes convaincus que de là nous viendra le bonheur et la joie. Cette erreur nous mène à peiner toute notre existence à la poursuite d’une chimère. Chacun croit voir dans la « réussite » apparente la source du bonheur. Et chacun sacrifie son bonheur immédiat au rêve qu’il caresse d’atteindre un jour hypothétique au bonheur.
En attendant, on confond les petits plaisirs du quotidien avec la Sim’ha (Joie), en revêtant ces petits moments éphémères du titre glorieux de « joie ».
Le Malbim compare les différents termes liés à la réjouissance et explique que la Sim’ha est un sentiment profond permanent du cœur, (HaCarmel, « saméa’h »). Le terme employé pour les « explosions » initiales de satisfaction est : « Guila ».
Les manifestations liées à une satisfaction occasionnelle s’expriment par d’autres termes, comme « Sassone ».
Mais la Sim’ha que la Torah nous « dicte » dans divers contextes, depuis la Avoda (le Service de Hachem) comme dans le verset de la Tokha’ha (« réprimande ») : « Du fait que tu n’as pas servi Hachem ton Dieu avec Sim’ha … » (Devarim 28, 47), et jusqu’à la Mitsva de Sim’ha lors des fêtes, est un sentiment permanent.
La Sim’ha n’est pas le résultat des circonstances, mais le sentiment profond qui doit nous accompagner dans toutes les péripéties de la vie, celles qui sont « agréables », et les autres …
Alors, comment accéder initialement à cette Sim’ha profonde ?
C’est là le rôle particulier de la fête de Soucot dans l’ensemble de ses Mitsvot !
Rav Dessler développe le message de Soucot (Mikhtav MeEliahou II, p.106). Il l’introduit par la phrase de la Tefila de Ne’ila (à la fin de Yom Kippour ; dans le texte de la Tefila des achkenazim) : « Tu donnes la main aux rebelles, et Ta droite est tendue pour accueillir ceux qui reviennent ».
Rav Dessler explique qu’en premier lieu, Hachem octroie à l’homme la compréhension intellectuelle, et c’est la « main donnée ». Cependant il incombe à l’homme de faire le choix de s’en saisir, et de profiter alors de la « droite tendue », une aide plus profonde à la conscience de l’homme.
Rav Dessler explique ainsi les phases de la vie, entre les moments de « Haut » et de clarté, et ceux de « Bas » et d’obscurité.
L’alternance est destinée à conserver à l’homme son libre arbitre.
Dans la seconde Berakha après le Chema du soir, l’Aide Divine est définie par le terme de « Souca de Chalom ». La comparaison est liée au caractère éphémère de la Souca, qui représente la conscience de l’inanité des objectifs matériels dans l’existence. L’homme doit rompre l’illusion de sa maîtrise sur sa vie et celle de ses descendants. De là pourra venir un véritable investissement dans les vraies valeurs de l’existence, les aspirations spirituelles, qui, seules, sont génératrices de Sim’ha et de bonheur.
Rav Dessler continue en citant nos ‘Hakhamim qui relient la Souca aux « Anané Cavod » (les Nuées qui entouraient les Bené Israël dans le Désert par le mérite d’Aharon). Or la qualité fondamentale d’Aharon est le « Chalom ».
Rav Dessler explique que la façon dont Hachem a conduit les Bené Israël dans le désert par une manifestation ouverte de Sa Présence – qui est la dimension des Anané Cavod, mène au Chalom.
Tant qu’il y aspiration à une réussite matérielle, il y a forcément concurrence entre les hommes, chacun croyant que l’autre empiète sur « sa part ». Il est alors impossible d’accéder à la Sim’ha. Par contre, une fois que les aspirations matérielles cèdent le pas aux objectifs spirituels, il n’y a plus de conflit d’intérêt, et le Chalom trouve sa place.
C’est pour cette raison que Hachem a fait résider les Bené Israël dans des Soucot dans le désert. Il n’y a ni hasard, ni « contraintes » dans la conduite du monde par Hachem. Hachem a conduit les Bené Israël de cette manière pour qu’ils annulent leurs objectifs matériels. Le fait de dépendre intégralement du soutien de Hachem « désamorce » la concurrence permanente entre les hommes.
Rav ‘Haïm Friedlander souligne que la soumission à Hachem et la conscience que tout nous vient de Lui est la seule source de la vraie Sim’ha (Sifté ‘Haïm, Moadim I, p.330). Tant que l’homme croie en sa propre maîtrise de sa situation, il est en proie à une angoisse permanente face aux risques encourus.
La Souca est donc la « médication » appropriée menant de l’inquiétude à la Sim’ha, et de la Gaava (orgueil) à la véritable Anava (réserve) issue de la conscience de la Toute Puissance exclusive de Hachem.
Dans ce sens, la Souca remplit le même rôle que la Galout, ramener l’homme à la juste proportion des choses de la vie, mais « en douceur » !
L’inconfort de la précarité de la Souca est, somme toute, très modique, même dans les cas extrêmes, comparé à celui de la vraie Galout. Et d’un autre côté, même un inconfort aussi réduit peut nous servir d’éveil, si nous le concevons ainsi.
Nous pouvons comprendre également « l’entêtement » de nombre de Juifs à accomplir cette Mitsva dans les conditions les plus dramatiques, dans les persécutions les plus dures. Précisément dans de telles situations, le sens profond de l’existence apparaissait plus clairement, et justifiait d’un tel effort.
Ajoutons que le besoin de soumission que représente la Souca peut expliquer le contraste entre le premier soir et la suite de Soucot. Pendant Soucot, la Mitsva est limitée aux conditions normales d’existence, et si un inconfort extérieur à la constitution même de la Souca est tel qu’on aurait quitté pour cela sa maison, la Mitsva s’estompe (Choul’han Aroukh, Ora’h ‘Haïm, 639,5).
Le Rama rapporte que selon divers décisionnaires le premier soir il y a, par contre, une obligation absolue de manger un « Cazayit » (une mesure minimum de « manger » selon la Torah) dans la Souca, même s’il pleut.
Bien que cette opinion ne résulte pas d’une justification logique mais qu’elle est basée sur l’analogie avec la Matsa du premier soir de Pessa’h, et qu’elle est, de plus, controversée par d’autres autorités, nous pouvons peut-être y voir une gradation dans l’entrée dans la Souca. La Souca doit revêtir les caractéristiques de notre habitat régulier, et de ce fait, lorsque les conditions la rendent inconfortable au point que dans une telle situation nous quitterions notre logement, nous sommes dispensés de la Mitsva.
La Mitsva de Souca doit être la vitrine de notre quotidien ordinaire que nous devons vivre sous la protection Divine.
Toutefois, pour accéder à cette conscience des valeurs, il faut initialement se faire violence, car sinon notre nature prendrait le dessus et refuserait de renoncer à sa maîtrise sur la vie. Ainsi, une fois que nous avons pleinement intégré ce concept par l’obligation absolue du premier soir, qu’elle se présente à nous une fois ou pas, que nous devons entrer dans la Souca au sortir de Yom Kipour, alors peut commencer l’apprentissage des sept jours de Soucot.
Profitons donc de notre Galout « dorée » dans le confort dont nous disposons, et pénétrons-nous de cette leçon de confiance totale en Hachem qui a accompagné nos ancêtres à travers toutes les péripéties de l’Histoire.
Que Hachem nous aide à vivre cette grande Mitsva ainsi que toutes celles de notre Torah avec une Sim’ha complète.
שבת שלום !