Parasha – 113 Yom Kippour 5784

בס”ד

Yom Kippour est un jour de Capara (réparation) au cours duquel nous nous tenons devant Hachem pour obtenir Son pardon pour les écarts que nous avons faits au fil de l’année, et peut-être même des années dans nos actions.

De prime abord, notre démarche s’apparente à celle d’un débiteur qui n’a pas les moyens de payer sa dette, et demande à son créancier un moratoire de ses dettes. C’est pratique courante dans le monde moderne entre les pays “développés”, et ceux “en voie de développement”, de telle sorte qu’une telle démarche n’a plus de quoi nous étonner.

Toutefois, il convient de réfléchir au sens d’une telle approche de Yom Kippour !

Nos actes bénéficient-ils ou nuisent-ils à Hachem, pour qu’il soit question d’un simple “abandon” de “créance” de Sa part ?!

De plus, ce genre de “jeu” pourrait “marcher” une fois ou deux, mais pas d’année en année !

Quel sens pouvons-nous donner à une répétition qui semble viser à nous accorder une impunité systématique pour nos actes ?! nous en viendrions à croire aux fariboles d’une religion qui table sur la “grâce” pour sauver tout le monde de la moindre responsabilité ?!

Ou alors, si effectivement les problèmes pouvaient se résoudre ainsi, alors quelle est la finalité de l’Histoire de la Création ?! Si les actions n’ont finalement pas de conséquence réelle, et qu’il s’agissait effectivement d’une simple Techouva partielle, visant à atténuer la gravité de la situation, pour tenter de nous assurer un “sursis” pour l’année à venir, Hachem choisirait-il de “brader” tout l’objectif de la Création de manière aussi grotesque ?!

 

Et s’il ne s’agit pas de telles considérations absurdes, alors quel sens pouvons-nous donner réellement à Yom Kippour, afin de l’aborder au moins une fois sérieusement, avec un regard “adulte” ?!

Une autre question se présente sur le rapport entre la position de l’individu au sein de la collectivité : Yom Kippour doit-il se vivre de façon individuelle ou en communauté ?

Les Tefilot de Yom Kipour s’expriment systématiquement au pluriel et vont dans le sens d’un Yom Kippour collectif.

Mais dès lors que Yom Kipour se vit au sein de la collectivité, comment puis-je accepter de lier mon avenir (de “Tsadik intègre” …) à celui de “délinquants” graves qui n’ont pas fait les mêmes efforts “héroïques” que moi tout au long de l’année, de fréquenter assidument les Tefilot publiques, les cours de Torah, et respecter scrupuleusement la Cacherout et toutes les autres Mitsvot ?!

Chacun sait pertinemment que de telles pensées ne lui sont pas étrangères et que ces descriptions sont loin d’être exagérées …

Par ailleurs, dans certains des paragraphes de la Tefila de Ne’ila (texte ashkénaze) figurent des prières relatives à Yerouchalaïm et sa reconstruction.

Quelle est la place de la reconstruction de Yerouchalaïm dans une journée qui semble exclusivement dédiée à “réparer” notre situation individuelle ?

Enfin, dans le texte ashkénaze de Ne’ila figure également la phrase suivante : “Tu (Hachem) donnes la main aux rebelles, et Ta droite est tendue pour recevoir ceux qui reviennent …”. Quel est le sens de cette “main donnée aux rebelles” par Hachem, avant-même que soit mentionnée la moindre Techouva ?!

Analysons plus profondément le sujet fondamental de la Techouva.

Si nos actions ont une portée réelle, qui construit ou détruit la Création de Hachem, alors quel est le sens de la Techouva pour “réparer” ce que nous avons “cassé” ?! S’il est possible de recoller un verre cassé, il ne retrouvera cependant jamais son état neuf initial ! Quel est donc l’avenir d’un monde où l’Homme commet écart après écart, puis fait Techouva et ses fautes sont “pardonnées” ?!

La Guemara (Roch Hachana 17b) analyse les versets (Chemot 34, 6-7) : “Hachem, Hachem, El ra’houm ve’hanoun érekh apayim verav ‘héssed véémet ; notser ‘héssed lalafim nossé avone vafècha ve’hataa venaké” (Hachem, Hachem Dieu miséricordieux et généreux, Qui retarde la colère et abondant en ‘Héssed, Qui porte la faute et la rébellion et l’erreur, et Qui nettoie) que nous récitons abondamment dans nos Tefilot, pour implorer la miséricorde de Hachem.

La Guemara explique que les deux premiers mots du verset, sont simplement le Nom de Hachem qui représentent la notion de ‘Héssed (don gratuit) à la source de la Créationet expriment que Hachem est “Le même” avant et après que l’Homme ait fauté.

Rav Its’hak Hutner (Pa’had Its’hak, Yom Kippour, 1er Maamar) explique qu’à la différence des autres notions citées dans ces versets, qui sont des actions de Hachem qui s’expriment par des mots “traduisibles”, les deux premiers termes “Hachem, Hachem” ne peuvent qu’être le “Nom de Hachem”, dans la mesure où il s’agit de l’action fondatrice de la Création.

Le “Pardon” dont il est question dans ce verset n’est pas un simple “moratoire” ! Il s’agit de “recréer” l’être auquel Hachem “fait grâce” ! Il ressort de là que la situation “après Techouva” est comme une nouvelle Création, et non un simple “pardon” !

La faute a définitivement “brisé” le lien avec Hachem, et par cela l’existence même de l’homme. Il ne peut donc pas se suffire de “réparer”. Il faut un nouveau démarrage qui équivaut à créer à nouveau une réalité complète de l’être.

Rav Hutner souligne que c’est de cette ” Création” que découle ensuite la possibilité d’une Techouva partielle, comme elle est exprimée par le mot “venaké” (et Il “nettoie”) dans la suite du verset. Et ce qui est vrai de l’individu s’applique bien sûr à l’entité que constitue l’ensemble du Peuple de Hachem.  

Toutefois à Yom Kippour ce n’est pas ça qui est en jeu, mais la Techouva complète qui régénère la Créature de Hachem, individuellement et collectivement, comme le verset dit : “Devant Hachem vous vous purifierez” ! (Vayikra 16, 30).

Il s’agit donc ici d’une réalisation qui s’apparente à la Gueoula, individuelle et collective, où le contact avec Hachem revient à son niveau d’origine.

Rabbi Moché ‘Haïm Luzzato (Maamar Ha’Hokhma) développe que dans le texte que nous ajoutons à Roch Hachana dans la troisième Berakha de la Amida – Ata Kadoch, nous prions pour la Révélation Totale de la Présence de Hachem lors de la Gueoula, le “Kidouch Hachem” complet.

Toute la notion de Techouva, au niveau individuel comme au niveau collectif, dépend intégralement de l’aide initiale de Hachem. Lorsque l’homme est souillé par les fautes, il n’est pas à même de se tourner spontanément vers Hachem.

C’est l’enseignement de la Michna : “Chaque jour une voix sort du Mont ‘Horev qui publie : malheur aux créatures de l’injure infligée à la Torah …” (Avot 6, 2).

Le Baal Chem Tov demande : “Cette voix, l’entend-on ? Et si on ne l’entend pas, quelle est son utilité ?!”.

Il répond : il ne s’agit pas d’une voix physique, mais d’un éveil que Hachem envoie chaque jour dans le cœur de chaque Juif ! A charge pour l’homme de répondre à cet appel !

C’est là le sens de la phrase de la Tefila de Ne’ila : : “Tu donnes la main aux rebelles, et Ta droite est tendue pour recevoir ceux qui reviennent …”. (Voir encore Mikhtav MeEliahou I, p.234; Mikhtav MeEliahou Yom Kippour p. 480, qui cite le commentaire Sia’h Its’hak dans le Sidour HaGra sur la Tefila de Ne’ila).

L’objectif de Yom Kippour est donc la Gueoula individuelle, et, par la somme des efforts de tous, la Gueoula complète comme nous le citons dans les divers passages de la Tefila de Yom Kippour.

Cela justifie la nécessité d’un Yom Kippour de 24 heures. Si l’enjeu ne consistait qu’à obtenir une sorte de moratoire de nos fautes, y aurait-il besoin d’autant de temps ?! Dans une telle perspective, soit l’homme prend conscience du danger qu’entrainent ses fautes, et réagit rapidement en “bricolant” une Techouva “minimum”, soit il reste insensible, et tout le temps qui lui serait imparti n’aurait aucun effet !

Mais s’il est question d’un renversement total de l’existence qui aboutit à la “Gueoula” ne serait-ce qu’individuelle, alors effectivement 24 heures ne sont pas de trop !

Et même ainsi, lorsque nous arrivons à la fin de Ne’ila, nous sommes saisis de panique, en réalisant que le jour est près de se coucher, et que le “portillon” va se fermer, et, ‘Hass VeChalom (à Dieu ne plaise !) nous resterions sans Gueoula !

C’est là le sens d’un Yom Kippour répété d’année en année : Hachem attend que nous répondions à Sa Main tendue, et que nous ne nous contentions pas d’une Techouva légère, mais que nous fassions enfin le mouvement décisif qui permettra la Révélation Ultime de la Gueoula.

Préparons ce Yom Kippour afin qu’il soit pour chacun, et ainsi pour toute la Création, “Le” Yom Kippour que Hachem nous propose depuis toujours !

 

 

שבת שלום !