Parasha – 111 Roch Hachana 5784

בס”ד

Ce Dvar Torah est dédié à la Refoua Cheléma de Sultana bat Jeannette.

A nouveau Roch Hachana ! Un nouveau “jour du Jugement” se tient devant nous, comme nos ‘Hakhamim le définissent !

Comment allons-nous aborder ce nouveau Roch Hachana ? Allons-nous le banaliser, en pensant que, somme toute, nous avons déjà passé nombre de “Jours du Jugement”, et nous sommes toujours là ?

Est-ce vraiment le sens à donner à ce jour extraordinaire ?!

Dans la Tefila de Moussaf de Roch Hachana, nous ajoutons trois Berakhot, accompagnées chacune de dix versets, Malkhouyot (proclamation de la Royauté de Hachem), Zikhronot (Hachem Se “souvient” de tous les actes de chacun) et Chofarot (les manifestations de Hachem soulignées par la sonnerie du Chofar).

Ces trois notions sont évidemment complémentaires et constituent un tout. Mais que signifient-elles en réalité ?

– Quel est le sens de la “Royauté” de Hachem, et particulièrement pour nous, héritiers des générations récentes qui ont “déboulonné” les Rois un peu partout dans le monde ?! 

– Que signifie le “souvenir” de Hachem ? Est-il imaginable que Hachem “oublie” pour parler à Son sujet de “souvenir” ?!

– Quel est le rôle du Chofar dans notre relation à Hachem ? Et quelle est sa place dans l’Histoire ?!

Dans les Tefilot de Roch Hachana, après la sonnerie du Chofar qui accompagne chacune des trois Berakhot, nous disons “Hayom Harat Olam …” généralement traduit par : “Aujourd’hui le Monde a été créé …”.

Le Monde ayant été créé le 25 Elloul, le 1 Tichri – Roch Hachana correspond au sixième jour, jour de la Création de l’Homme, Adam Harichone.

La suite de cette Tefila mentionne que ce jour est le jour du “Jugement”. Il ressort de là que ce Jugement, qui coïncide avec l’anniversaire de l’aboutissement de la Création, la Création de l’Homme, est, en quelque sorte, le jour annuel du “bilan”. Il s’agit de constater dans quelle mesure les “objectifs” ont été atteints ?!

Nous arrivons là au point fondamental de la compréhension de l’existence et de l’Histoire.

A l’opposé des conceptions “aléatoires” du Monde, qui n’y voient qu’une suite d’évènements décousue, sans finalité, nous savons que nous avons notre place dans un “projet” grandiose. Hachem a créé le Monde pour l’Homme qui en est l’apogée, et dont le but est de réaliser pleinement sa relation au Créateur.

Adam Harichone représentait l’exemple de l’Homme le plus “accompli” de la Création, mais la possibilité de choisir la manière de “servir” Hachem (c’est-à-dire de lier chacun de ses instants à la Volonté de Hachem) l’amena à un choix erroné qui aboutit à un obscurcissement de sa conscience.

Là où Adam ne voyait initialement que la possibilité d’accomplir la Volonté de Hachem, il entra dans un état où l’éventualité d’un écart existait. C’est ce qui s’appelle la “connaissance” du bien et du mal, à la place d’une conscience claire de l’opposition entre la vérité (la réalité) et le mensonge (l’illusion) ! (Voir Rav Dessler, Mikhtav MeEliahou II, p.137 et suivantes).

Depuis cette erreur fatale, l’Homme est confronté à l’épreuve de régénérer dans ce monde “obscurci” la conscience permanente de la Création, ce qui s’appelle “ramener la Présence de Hachem dans le Monde” ! Hachem est bien sûr “Omniprésent” ; rien n’existe, à aucun instant, sans Sa volonté.

Mais le manque de conscience de ce fait de la part de la Créature centrale, l’Homme, occulte cette Présence. L’Histoire du Monde est axée sur cet objectif, et chaque Roch Hachana est le moment du “bilan” pour “faire le point” sur l’avancement de ce Projet.

Rav Moché ‘Haïm Luzzato (Maamar Ha’Hokhma) explique ainsi ce qu’on ajoute dans la troisième Berakha de la Tefila : “Ata Kadoch”. Nous prions alors pour que Hachem soit enfin plus perceptible dans le Monde, afin que l’Histoire de la Création aboutisse à sa réalisation. Cet objectif passe essentiellement par Israël, le Peuple héritier de la prise de conscience d’Avraham, complétée par les efforts successifs d’Its’hak et Yaacov. La Kedoucha surgira à partir de l’élévation spirituelle d’Israël (la conscience de la Présence du Créateur) qui rayonnera sur l’ensemble de l’humanité.

A partir des explications concises de Rav Luzzato que les trois Berakhot représentent les facettes de Roch Hachana, nous pouvons développer :

– Malkhouyot, la conscience de la Royauté de Hachem, qui constitue tout notre appui dans l’existence. Pour cela, nous devons rompre avec les clichés usés de la royauté exploitant le peuple, pour revenir à une définition saine du roi qui “porte” sa nation.

L’échec des nations devient de plus en plus manifeste, et nous pouvons mieux réaliser combien leur conception faussée est la cause de leur déchéance, plutôt que de condamner le régime royal au profit d’autres modèles politiques qui débouchent aujourd’hui sur une faillite spectaculaire de leur système de valeurs ! …

– Zikhronot, le “Jugement” réel, associant tous les temps de l’Histoire, passé, présent et futur, pour préciser la place de chacun dans le “programme” de la Création. Tous les actes, paroles, et pensées de tous s’inscrivent dans l’Histoire de la Création. Hachem accorde à chaque choix de chaque homme son impact dans l’aboutissement de la Création. Il nous incombe de faire des choix qui nous situent dans la participation positive à ce projet.

Les Rechaïm, quant à eux, ont leur place dans l’Histoire par les efforts que leurs démarches négatives imposent aux Tsadikim pour “remonter le courant”. (Voir Mikhtav MeEliahou de Rav Dessler I, p.251; II, p.82; IV, p.102). Dans l’effondrement du monde actuel et de ses “valeurs”, lorsque tous les idéaux ont révélé leurs failles profondes, il est grand temps pour nous d’assumer notre fonction de “représentants” de Hachem dans les ténèbres des nations.

– Chofarot, les “carrefours” fondamentaux de la Création sont marqués par une manifestation définie par le Chofar : Matane Torah (le Don de la Torah) a été accompagné du son du Chofar (Chemot, 19,16). L’aboutissement de la Gueoula (Délivrance) ultime sera accompagné du son du Chofar que le Navi Yechayahou qualifie de “Chofar Gadol” (le “grand” Chofar) (27, 13).

Il va de soi que nous ne percevons pas le sens profond de cette notion du Chofar !

Mais comprenons-nous réellement tous les phénomènes “naturels” auxquels nous sommes habitués, au point de ne même plus les remarquer (la respiration, les divers mécanismes de notre corps, la simple présence du soleil, etc…).

Le “Jugement” de Roch Hachana consiste ainsi dans l’analyse de la position de chacun dans l’avancement du “projet” de Hachem.

Dans quelle mesure sommes-nous suffisamment conscients de la Présence de Hachem à nos côtés à chaque instant, comme “Roi” face à Ses sujets ?!

Dans quelle mesure réalisons-nous combien l’obscurité du monde qui nous entoure occulte cette Présence ? Comprenons-nous qu’il nous incombe de percer ces ténèbres pour assumer notre rôle “d’ambassadeurs” de Hachem ?!  Suivons-nous l’exemple des Grands de notre Peuple qui ont inspiré le respect des non-juifs par la dimension Divine de leurs qualités ?!

Rav Moché ‘Haïm Luzzato explique que le son du Chofar vient renforcer la manifestation de Matane Torah, et préparer la manifestation éclatante de la Gueoula Ultime.

Rav Matityahou Salomon compare la préparation à Roch Hachana à la préparation à une séance de photos chez le photographe. On soigne sa présentation, on vérifie qu’il n’y ait pas de taches sur nos vêtements, on ajuste tous les plis et revers ! Le but étant de paraître au mieux sur la photo !

Ainsi, à Roch Hachana, ce qui est jugé, ce n’est pas tant le passé, avec son cortège d’erreurs plus ou moins excusables ou réparables !

Ce qui importe, c’est le projet que nous présentons face à Hachem, le “budget prévisionnel” de notre “activité” dans le programme de Hachem.

Rav Matityahou explique que la dimension de Yom Kippour est toute autre. A Yom Kipour, nous nous présentons devant Hachem comme devant un médecin auquel nous exposons tous nos “bobos”, sans rien cacher, afin qu’Il nous aide à surmonter nos faiblesses passées. C’est pourquoi nous disons la prière du Vidouï (la reconnaissance de nos fautes) à Yom Kippour et pas à Roch Hachana.

Roch Hachana doit être abordé avec sérieux, de même que nous nous préparons à affronter le banquier pour négocier un nouveau crédit.

Mais n’oublions surtout pas que nous avons affaire à “Un Banquier” qui sonde notre cœur et sait reconnaitre la sincérité de notre projet.

Que Hachem nous aide à faire de ce Roch Hachana une véritable réussite qui fasse avancer réellement la Création vers son accomplissement.

שבת שלום !