Parasha – 11 VAYECHEV 5782

La Paracha Vayéchev est la première paracha qui traite spécialement des Chevatim (les fils de Yaacov, ancêtres des douze tribus).

Une part importante de cette paracha est réservée à l’histoire de Yossef, “héros” malgré lui des péripéties qui l’ont mené depuis la maison de son père Yaacov en Canaan, jusqu’en Egypte (Beréchit 37, 1-36).

Une fois en Egypte, suite à l’accusation mensongère de la femme de Potifar (l’égyptien qui l’avait acquis comme esclave, Yossef aboutit en prison (39, 1- 23), où la Paracha se termine sur la narration des rêves des deux dignitaires de Par’o que seul Yossef saura interpréter.

Au milieu du récit des péripéties de Yossef, la Torah intercale les évènements relatifs à Yehouda, son mariage et celui de ses fils, jusqu’à son union involontaire avec Tamar sa bru, d’où sera issu le fils qui donnera naissance à la dynastie de David HaMélekh, et jusqu’au Machia’h que nous attendons depuis si longtemps.

Yehouda et Yossef sont généralement considérés comme l’essentiel de la constitution du Peuple d’Israël, car la Torah et nos ‘Hakhamim nous les dépeignent comme les têtes de file des autres Chevatim et les principaux protagonistes des évènements de notre histoire. De là à regarder le reste des enfants de Yaacov Avinou comme accessoires, il n’y a qu’un pas, vite franchi…

Ne sommes-nous pas affligés d’une certaine “suffisance” qui nous fait analyser les faits cités par la Torah à la mesure de notre génération, nous permettant de juger le comportement de nos prestigieux ancêtres comme nous sommes prompts à critiquer tout et tous ?

Si les “conversations de café du commerce” dans lesquels tout un chacun “refait le monde”, et projette ses idées “éclairées” sur les “grands” de ce monde ont un certain “charme”, en ce qui concerne les personnages de la Torah dont nous n’avons pas la moindre évaluation réelle, elles sont totalement déplacées.  

Malgré toutes les tentatives destinées à nous en persuader depuis quelques générations, le monde est loin d’être en “évolution”. Comme nous l’avons déjà souligné dans nos Divré Torah, nos prédécesseurs n’étaient pas des hommes “primitifs”, puisque Adam Harichone, créature issue des “Mains de Hachem” était la perfection même, et dans sa dimension physique et dans sa stature spirituelle.

Et lorsque nous constatons les mœurs “primitives” en vigueur chez certaines peuplades, qui amènent les “civilisations” dominantes à un regard condescendant, il s’agit en réalité non pas de “primitifs” mais de groupes humains dégénérés, en recul sur les valeurs initiales de l’humanité. Notre orgueil face aux générations passées est donc plus que déplacé…

Quant à l’étude de la vie des Chevatim, et particulièrement des faits qui nous semblent “choquants” dans notre Paracha, nos Commentateurs remarquent que la Torah rapporte de façon très “neutre” le “conflit” entre Yossef et ses frères qui mena à son exil forcé en Egypte. De même, les développements de l’histoire de Yehouda sont cités sans le moindre commentaire défavorable. Ce n’est que notre regard spontané déformé qui nous mène à une certaine gêne face à ces évènements. Ce sentiment vient des préjugés hérités des lectures “modernes” de la Torah, héritées des “intellectuels” “éclairés” …

La confection du Michkan (le Tabernacle), qui est le lieu de résidence de la Chekhina – la Présence de Hachem, et de notre Avoda (le Service de Hachem), inclut les vêtements des Cohanim, en particulier ceux du Cohen Gadol, seul homme habilité à pénétrer une fois par an à Yom Kippour dans le Kodèch Hakodachim – le “Saint des Saints – la partie la plus intime du Michkan et du Beth HaMikdach (Temple).

Parmi les parures qui ornent le Cohen Gadol, figurent le Efod (“Tablier”) et le ‘Hochène (Pectoral) ornés chacun de pierres précieuses sur lesquelles sont gravés les noms des Chevatim.


Les douze Tribus trouvent leur correspondance dans les douze “constellations” qui parcourent la voute céleste au fil des mois, et dans les douze pierres du ‘Hochène, grâce auquel le Cohen Gadol reçoit l’inspiration Divine pour trancher chaque question d’ordre “national “.

Le campement des Bené Israël était composé de quatre “Degalim” (Bannières) qui regroupait chacun trois Tribus autour du Michkan.

Rav Yaacov Kamenetski (Emet LeYaacov, Bamidbar 1,1) explique que la mise en place des Degalim aurait pu marquer une divergence, menant à douze peuples distincts plutôt qu’à une seule unité.

Seule la présence du Michkan au centre des campements avait le pouvoir d’en assurer la convergence. C’est pourquoi les Degalim ne furent mis en place qu’après l’érection du Michkan.

Il en était de même pour les Berakhot que Yaacov Avinou a octroyées à ses fils avant de quitter ce monde. Rav Kamenetski souligne (Beréchit 49,1) que Yaacov eut soin de transmettre à chacun sa Berakha spécifique en présence des autres afin qu’ils soient tous conscients de leur complémentarité. Ainsi, chacun saura valoriser sa fonction dans l’ensemble du Peuple, en même temps que celles des autres.

Le Maguen Avraham (Choul’han Aroukh, Ora’h ‘Haïm, introduction chapitre 68) rapporte au nom du Ari Zal que les douze Tribus ont chacune sa propre “porte” d’accès à Hachem au moyen de la Tefila, et qu’à ce titre il ne faut pas changer de Minhag de Tefila.

Cette perception du rôle des Chevatim vaut à tous les niveaux. Rav Sim’ha Zissel Broïdé (Sam Dérekh, VI, p. 337) cite au nom de Rachi que le dernier jour de la présence de Moché Rabénou sur terre, il déposa le Séfer Torah qu’il avait écrit entre les mains des Bené Lévi. Les Bené Israël vinrent alors protester contre cette apparente exclusivité sur la Torah accordée à une seule tribu. Moché Rabénou réagit très positivement à leur revendication, et les complimenta. Réaction plutôt surprenante alors qu’ils semblaient chercher à s’individualiser !

Rav Broydé explique qu’au contraire les Bené Israël visaient à réaliser l’unité de leur Peuple par la diversité et la complémentarité entre les Chevatim.

Dans le même esprit, Rav Chlomo Lorentz (qui était le représentant du monde de la Torah dans les structures politiques en Israël dans les premières années de l’état d’Israël) rapporte les propos de Rav Sim’ha Wassermann (fils de Rav El’hanan Wassermann, le disciple par excellence du ‘Hafèts ‘Haïm).

Alors que Rav Wassermann siégeait parmi un public de ‘Hassidim, un “Rabbin” libéral présent s’étonna de la présence d’un Rav Lituanien parmi les ‘Hassidim. Rav Wassermann lui répondit que le Peuple Juif est appelé “Tsiv’ot Hachem” (l’Armée de Hachem).

Une armée est formée de diverses composantes, chacune remplissant sa fonction. Cependant toutes ces composantes convergent dans le même objectif. Le “Rabbin” libéral crut faire un bon mot en demandant : “et nous (les libéraux), quel rôle remplissons-nous dans l’armée de Hachem ?” Rav Wassermann lui répondit : “vous êtes les déserteurs !”.

Cette brève étude ne nous donne pas l’explication des divers évènements de notre Paracha que nous avons par ailleurs abordé dans le Dvar Torah d’autres années (disponible à kvlhm.ezr@gmail.com). Le but ici était plutôt de nous donner les clés préalables à l’approche des Parachiot dédiées aux Chevatim.

L’essentiel de l’étude de ces Parachiot complexes se trouve, bien sûr, devant nous !

Retenons toutefois que la Torah nous parle de personnages dotés d’un niveau spirituel tellement “au-dessus” de notre appréhension que nous ne pouvons aborder la lecture du ‘Houmach que dûment accompagnés et guidés par les explications de nos Maîtres.

Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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