Parasha – 109 Ki Tavo 5783

בס“ד

La Paracha Ki Tavo commence avec la mention de la Mitsva des Bikourim (Prémices) que chaque propriétaire terrien doit apporter au Beth HaMikdach (Temple) pour manifester sa reconnaissance à Hachem (Devarim 26, 1-11). Cette offrande est accompagnée d’une déclaration solennelle reprenant les bienfaits de Hachem depuis notre Patriarche Yaacov.

Puis vient la Mitsva d’accomplir le “bilan” de nos prélèvements agricoles après chaque période de trois ans, en achevant leur attribution aux destinataires prévus par la Torah (26, 12-15).

Cette Mitsva s’accompagne d’une déclaration solennelle qui récapitule l’accomplissement des détails de ces obligations.

Avec ces Mitsvot s’achève l’énoncé des Mitsvot de la Torah par Moché Rabénou.

La suite de la Torah jusqu’à la fin ne comporte plus de Mitsvot (sauf la Mitsva de réunir tout Israël tous les 7 ans à Soucot après l’année “Chabatique” de Chemita (31,10-13), et l’écriture du Séfer Torah (31,19). Viendra maintenant la conclusion du Brit Alliance) entre Hachem et les Bené Israël. Ce Brit sera appuyé d’une part sur les conséquences néfastes de la transgression, mais en parallèle par la garantie par Hachem de la pérennité de cette Alliance.

Rabbi Mordekhaï Miller (Olat Chabat BeChabato) souligne qu’avant les derniers jours de Moché Rabénou et les paroles qu’il adressa à son Peuple avant de s’en séparer (26, 16-19), vient un paragraphe qui conclut toutes les Mitsvot :

“Ce jour Hachem ton Dieu t’ordonne d’accomplir tous ces décrets et ces lois ; et tu les garderas et les accompliras de tout ton cœur et de toute ton âme. “Héémareta” (que nous traduirons “tu as proclamé”) Hachem ce jour pour être pour toi “Elokhim” (Dieu) et aller dans tous Ses chemins ; et pour garder Ses Décrets et Ses Mitsvot et Ses Lois, et pour écouter Sa Voix. Et Hachem “Héémirekha” (“t’a proclamé”) ce jour pour être pour Lui un Peuple précieux comme Il te l’a dit ; et pour garder toutes Ses Mitsvot. Et pour te mettre supérieur sur tous les peuples qu’Il a faits, pour la louange, et pour la renommée, et pour la splendeur ; et pour que tu sois un peuple Kadoch (“Saint”) pour Hachem ton Dieu, comme il l’a dit”.

Rachi comprend les deux termes de ces proclamations comme “prélèvement, séparation”.

Israël a “isolé” Hachem des divinités étrangères pour le reconnaître comme Elokim, et Hachem a prélevé Israël de parmi les peuples de la Terre comme Peuple précieux.

Rabbi Miller explique que le Peuple d’Israël a distingué ainsi Hachem des divinités étrangères, et l’a reconnu Seul pour être pour lui Elokim (“Dieu”). Et Hachem a distingué et isolé Israël de toutes les nations pour être le Peuple de Hachem.

Il cite encore Sforno qui remarque la notion de Brit (Alliance) que Hachem a octroyé exclusivement à Israël !

Rabbi Miller rapporte aussi le Ramban qui dit que par le fait d’avoir accepté la Torah dans sa totalité, avec tous ses détails et explications, Israël a “élevé” Hachem pour être Seul Elokim pour eux.

Et pareillement, en octroyant la Torah à Israël, Hachem leur a accordé ce privilège exclusif à tout jamais.

Rabbi Miller développe ce lien exclusif entre Israël et Hachem, en montrant que, de tous temps, les Bené Israël ont été reconnus par les Nations comme représentant Hachem dans ce monde par leur comportement.

Il cite le Midrach qui raconte comment Chimon Ben Chata’h (parmi les Grands ‘Hakhamim cités dans la Michna) rapporta à un Ismaélite la pierre précieuse qu’il avait oubliée dans le harnais de l’âne qu’il lui avait vendu. L’Ismaélite proclama alors “Baroukh Hachem le Dieu de Chimon Ben Chata’h !” (Béni soit Hachem le Dieu de Chimon Ben Chata’h). L’action du Grand Rav témoignait du lien particulier avec Hachem, Qui, Seul, peut inspirer un tel comportement.

Rav Its’hak Zilberstein (Touvekha Yabiyou, II, p.338) rapporte un épisode comparable où le Rav de Brisk prit la peine de traverser la forêt (aller et retour : 40 précieuses minutes de son temps, constamment dédié à la Torah) avec sa petite fille âgée d’environ 6 ans pour rapporter au garde forestier le marteau qu’il avait égaré et que l’enfant avait trouvé. Le non-juif fut à ce point impressionné des efforts qu’il avait fait pour lui rapporter son marteau qu’il se prosterna face à lui.

Ces exemples ne sont que “la partie émergée de l’iceberg” de la grandeur que représente notre lien exclusif profond avec Hachem.

En réalité, il nous faut dépasser l’évènement ponctuel, tout significatif qu’il soit, pour réaliser que de tels faits ne peuvent pas exister en dehors d’un vécu permanent.

Que représente réellement la notion de “Elokim” (“Dieu”) ?!

Rav Wolbe (Olam Hayedidout, p.23) développe la notion de Emouna (plutôt “confiance” en Hachem que “croyance” comme ce mot est souvent traduit …) :

Dans le monde moderne, on se vante facilement d’avoir “dépassé” les notions “archaïques” de Emouna !

Ce terme est communément relié au sentiment “religieux” qui a été abondamment écarté par l’intellect et la science. Rav Wolbe souligne que toute la vie de l’Homme est, en fait, basée sur la Emouna. Que ce soit la confiance dans le médecin qui nous soigne, dans le menuisier qui confectionne nos meubles, dans le commerçant qui mesurera honnêtement la marchandise, et dans le client qui paiera à temps. Où se situe là le sentiment “religieux” ?!

Ces explications extraordinaires mériteraient à elles seules une étude approfondie (voir le remarquable texte de Rav Wolbe !).

Nous voyons ici la manifestation que toute l’existence tourne autour des “appuis” auxquels chacun accorde sa confiance.

Toutefois, dans le monde moderne, il est habituel de changer fréquemment de “dieu”, en fonction des intérêts du moment.

Le monde de la consommation a érigé la satisfaction immédiate des appétits et divers désirs en loi absolue. La fidélité à des “principes” ou à des engagements n’a plus place dans un tel contexte !

Dans les temps anciens, même les “païens” affichaient une fidélité (toute relative !) à des références diverses qui peuvent être qualifiées de “divinités”. Toutefois leurs divinités ne faisaient que refléter leurs propres faiblesses ! Comme un “philosophe français” l’a défini, au seuil du monde moderne, en paraphrasant dans son rejet de la religion inconsistante de son environnement : “Dieu a fait l’homme à son image ; et l’homme le lui a bien rendu !”. Ce rejet n’avait rien d’étonnant face à l’hypocrisie fondamentale des religions. Mais l’aboutissement d’une telle démarche, à l’opposé de la conscience d’Israël, a été la nouvelle “religion de l’évolution”. L’Homme, las de “faire ses dieux à son image” a choisi de se reconnaître comme descendant du singe !

Mais revenons à la grandeur d’Israël qui se manifestée dans notre Paracha.

La suite de la Paracha s’étend longuement sur la “Tokha’ha” (la remontrance) qu’on appelle également les “Kelalot” (malédictions) résultant de nos écarts dans la Avoda (Service de Hachem). Le point central souligné dans la Tokha’ha (Devarim 28, 47) est : “…du fait que tu n’as pas servi Hachem ton Dieu avec Sim’ha (Joie) et de bon cœur dans l’abondance !”. L’essentiel de notre lien avec Hachem s’exprime dans la relation de confiance profonde qui fait qu’aucune péripétie de la vie ne doit affecter nos sentiments.

Là réside la différence fondamentale avec le regard “idolâtre” sur la vie.

Que ce soient les cultes anciens, ou les ersatz modernes, science, technologie, réussite matérielle d’une sorte ou d’une autre, le point commun est l’intérêt personnel qui est à la base de la valorisation. Dès lors que les évènements ne sont pas favorables, la considération accordée à l’idéologie “fond comme neige au soleil”.

Là réside l’opposition radicale avec la notion de Brit (Alliance), qui est l’apanage du Peuple de Hachem. Ce Brit se situe des deux côtés : Nous nous sommes engagés à une confiance totale envers Hachem, au-delà de toutes les épreuves de la vie. Et Hachem nous a garanti, Lui, qu’Il n’abandonnerait jamais Son Peuple.

Dans les faits, notre engagement se manifeste de façon marquée dans des exemples comme celui de Hannah, la femme dont les 7 fils furent confrontés par un Romain à l’épreuve de tenir leur fidélité à Hachem au prix de leur vie (Guemara Guitin 57b). Tous, du plus grand au plus petit, refusèrent de se prosterner devant l’idole. Chacun cita un verset différent, pour des raisons expliquées par les Commentateurs. Le dernier cita le verset de notre Paracha “tu as proclamé”, Hachem ce jour pour être pour toi “Elokhim” (Dieu) et aller dans tous Ses chemins ; et pour garder Ses Décrets et Ses Mitsvot et Ses Lois, et pour écouter Sa Voix”. Le Yalkout Mé’am Loèz (Devarim, III, p.1017) explique que la Guemara nous rapporte cet épisode pour nous montrer jusqu’où doit aller notre fidélité !

Mais la réciproque aussi est vérifiée ! L’attachement de Hachem envers nous s’exprime par le maintien de notre identité profonde par-delà les avatars de la Galout (Exil). Le fait qu’un Juif conserve au fond de lui l’étincelle qui n’attend que le moment de se ranimer est la concrétisation de l’engagement de Hachem de nous conserver Son attachement.

Rav Chalom Schwadron rapporte le cas d’un juif, communiste acharné, qui avait sorti un Séfer Torah d’un Beth Haknésset pour le profaner en le piétinant en pleine rue. Absorbé par son élan abject, il ne vit pas arriver une carriole qui le happa au passage. Alors qu’il passait sous les roues de la carriole, ses derniers mots furent : “Chema Israël, Hachem Elokèkha, Hachem E’had !”.

C’est la répétition moderne de l’exemple cité par le Midrach (Beréchit Raba, 65, 22) de Yossef Mechita qui accepta la proposition des Romains d’entrer le premier dans le Bet HaMikdach pour piller. (Les Romains craignaient de braver Hachem et voulaient qu’un Juif profane en premier …).

Lorsque Yossef Mechita sortit avec le candélabre en or, les Romains lui dirent que cet objet était trop précieux pour lui, mais qu’il entre à nouveau pour “se servir”. Et là, ce mécréant qui venait de braver Hachem sans hésitation refusa de récidiver. Il n’accepta aucune de leurs propositions alléchantes, et ne céda même pas sous la torture, disant : “Malheur à moi qui ai bravé mon Créateur !”.

De tels exemples abondent de toutes les circonstances, et illustrent le lien profond indissoluble entre Hachem et Son Peuple.

C’est ce que le Midrach ci-dessus rapporte comme la perception que notre Patriarche Its’hak ressentit face à Yaacov au seuil de lui accorder la Berakha qu’il croyait devoir donner à Essav. Its’hak Avinou perçut là qu’il y avait dans la descendance de Yaacov des potentialités et des besoins de soutien profond par Hachem. C’est ce que devait représenter la Berakha initialement destinée à Essav, qui n’en était en réalité pas digne.

C’est par ce paragraphe que Moché Rabénou conclut la présentation finale des Mitsvot, et introduit notre parcours à venir dans l’Histoire.

Notre fidélité sans bornes à notre identité profonde, qu’elle se manifeste dans la grandeur, ou qu’elle réapparaisse dans les difficultés, est le gage de notre avenir et de la Gueoula ultime que nous attendons à travers les générations. Telle est la véritable Grandeur du Peuple de Hachem, que nous voyons à nouveau dans les Parachiot que nous lisons avant Roch Hachana.

 שבת שלום !