Parasha – 108 Ki Tétsé 5783

בס“ד

La Paracha Ki Tétsé commence par les mots “Ki Tétsé” : “Lorsque tu sortiras“.

Au-delà de la sortie en guerre qui est le sujet du premier passage de la Paracha, cette expression vise toutes les “sorties” de l’homme, c’est-à-dire toutes les “sorties” vers le monde extérieur de l’activité.

La Paracha recouvre un grand éventail de domaines d’action, soulignant les Mitsvot et obligations diverses qui les accompagnent. C’est cette “omniprésence” de la Mitsva dans notre quotidien qui “dérange” les adeptes du “refrain” moderne des “Droits de l’Homme” qui prétend remplacer (depuis la révolution française …) la conscience des “devoirs de l’Homme” qui prévalait (même en dehors de notre Peuple, partiellement) jusqu’il y a quelques générations.

Cette conscience ne peut se ressentir que dans la reconnaissance du Créateur, Le Maître du Monde, ce qui est définie dans la Torah comme “Kabalat Ol Malkhout Chamaïm” (l’acceptation du joug de la Royauté Céleste).

Pour illustrer la notion d’acceptation de “l’autorité”, citons cette anecdote : un grand Rav donna un jour une instruction à son “Chamach” (serviteur). Celui-ci discuta l’ordre, ne se sentant pas prêt à l’accomplir.

Le Rav le rabroua énergiquement, et lui dit : “Pourquoi ne fais-tu jamais ce que je t’ordonne ?!”.

Le serviteur se récria : “Comment, Rav, m’accusez-vous injustement, alors que je fais toujours tout ce que vous me demandez, et pour un petit manquement exceptionnel, vous généralisez ?!”.

Le Rav répondit : “Puisque tu discutes maintenant cette instruction, c’est donc que les autres fois, lorsque tu fais ce que je dis, ce n’est pas par obéissance, mais parce que tu es d’accord ! Il s’avère donc que toutes les autres fois, tu ne fais que ce que tu acceptes ! …”.

Cette anecdote illustre parfaitement notre attitude face aux Mitsvot ! S’il y a ne serait-ce qu’une Mitsva que nous nous entêtons à ne pas “recevoir” avec une pleine acceptation, sans la moindre réticence, où se situe alors notre “Kabalat Malkhout Chamaïm” ?!

Il nous reste à réaliser que les Mitsvot de la Torah ne sont pas, comme il nous semble trop souvent, des entraves à la vie, mais des “outils” précieux que Hachem nous accorde afin de vivre une existence tant matérielle que spirituelle harmonieuse.

La Paracha Ki Tétsé comporte nombre de règles relatives aux relations entre hommes et femmes :

-Le début de la Paracha consacré au cas de la “Yefat toar” (21, 10-14), la femme non-juive “belle d’aspect” qu’un Juif remarque et convoite dans le cadre d’une guerre, et que la Torah lui permet exceptionnellement d’épouser.

Toutefois, les deux passages suivants de la Paracha, qui traitent du cas d’une épouse “haïe” (15-17), et du fils “rebelle” (18-21), viennent nuancer “l’enthousiasme” de ce mariage en en soulignant les conséquences (Rachi 21, 11) :

-Le cas du mari qui calomnie sa jeune épouse (22, 13-19).

-Les divers cas d’adultère volontaires ou subis (22, 20-27).

-le viol d’une jeune fille célibataire (22, 28-29).

-Les divers interdits de mariage (23, 2-9), comprenant, entre autre les descendants de certaines nations, et les “Mamzérim” (personnes issues d’un inceste ou d’un adultère).

-Les règlementations du divorce et de ses suites (24, 1-4).

-Et enfin une loi surprenante (24, 5) : la dispense d’un jeune marié de toute participation même indirecte aux charges collectives liées à la guerre.

Cette insistance sur tout ce qui est lié aux relations intimes interpelle !

Ce domaine est particulièrement sensible, et plus encore dans nos générations qui ont cultivé de plus en plus la permissivité dans les mœurs.

Au niveau social, deux notions ont particulièrement agité les conflits entre partisans d’une “libéralisation” des règles, et défenseurs de l’authenticité de la Torah : le problème des “Mamzérim” (les personnes issues d’un inceste ou d’un adultère), et le problème des “Guérim” (les convertis).

Les Mamzérim se sont malheureusement multipliés du fait des mariages rompus civilement, sans faire de “Guet” (divorce conforme aux règles de la Torah) ; dans ce cas la femme reste mariée selon la Torah, et un nouveau mariage ou relation intime équivaut à un simple adultère.

Les conversions “de circonstance” se sont généralisées suite aux “mariages mixtes”, dont les partenaires veulent ensuite “régulariser” leur progéniture, considérant la conversion comme une simple formalité de “normalisation”.

Il est remarquable que ces “contraintes” rencontrent plus d’opposition dans la population qui a perdu le contact avec la Torah que toutes les autres règles de la Torah !

Et, en fait, même les membres “sains” de la communauté ne vivent pas toujours ces domaines de l’existence avec toute la conscience nécessaire … 

Rav Wolbe développe clairement ces deux notions dans son ouvrage (Olam Hayedidout p.129 et suivantes ; p.136 et suivantes).

Concernant les règles relatives aux relations et au mariage, Rav Wolbe développe que la Emouna (la “croyance” dans le Créateur) est indissociable du respect intégral des règles de la Torah. La Torah est le “mode d’emploi” de toutes les facettes de l’existence. Elle définit toutes les modalités de la vie individuelle et collective.

Notre existence évolue entre diverses “Institutions” : le Beth HaMikdach (le Temple), le Beth HaMidrach (la Maison d’étude de la Torah), et le Beth Haknésset (la “Synagogue”) qui sont tous essentiels à une vie juive épanouie.

Toutefois la seule “institution” indispensable à la vie Juive, sur laquelle il est impossible de faire la moindre concession, est la “cellule familiale”, qui constitue le centre de la “Avodat Hachem” (le Service de Hachem).

Rav Wolbe explique que les trois fondements de la famille sont :

-La “nature” : l’identité “Juive” est un fait réel, inné, intrinsèque à la personne, hérité d’une mère Juive ! Nous pourrions ajouter que s’il est possible d’acquérir une “nationalité” par naturalisation (Français, citoyen des Etats Unis, etc…), il n’est en aucun cas possible de devenir “breton”, “basque”, “écossais” ou “corse” etc…

– “l’acquisition”, c’est-à-dire la création des liens du mariage, par les Kiddouchin (“acquisition”) et la ‘Houppa (l’entrée dans la vie commune), (qui, de nos jours, sont réalisées en une seule “cérémonie”). Ce lien crée une exclusivité qui ne peut être défaite que par le décès du mari ou par un “Guet” (divorce conforme aux règles de la Torah). Tout écart relativement à ce lien de l’épouse à son mari est une atteinte irréparable.

Rav Wolbe souligne que la société permissive moderne considère la relation comme une affaire de sentiments subjectifs, et ne comprend absolument pas ce caractère fondamental. De ce fait, faute d’une base solide, la famille s’effrite dans le monde moderne.

-la Mitsva : à l’opposé d’un monde sans règles, où la vie intime est le domaine de la licence la plus totale, la Torah investit la relation d’une valeur absolue, sur laquelle Hachem porte toute son attention (comme Bil’am, prophète des nations, l’a reconnu dans ses paroles relatives aux Bené Israël ; Bamidbar, 23,10, Rachi).

Rav Wolbe conclut qu’un non-juif a toutefois la possibilité d’accéder à cette identité. Il ne s’agit pas d’une simple “naturalisation”, mais de l’acquisition d’une nouvelle réalité de Kedoucha (“Sainteté”) au moyen des étapes de la conversion (Mila-circoncision pour un homme, Tevila-immersion dans un Mikvé règlementaire, et Korbane (Offrande) lorsque le Beth HaMikdach existait). Ces étapes renouvellent individuellement le parcours des Bené Israël au seuil de Matane Torah (Don de la Torah au Sinaï).

Rav Wolbe développe ainsi que toute notre existence est axée sur la Kedoucha (“Sainteté”) dont les “paliers”, correspondent tous à des réalités profondes.

Dans ce sens, l’impossibilité fondamentale de certains peuples (Amon et Moav) à s’intégrer dans le Peuple de la Torah, les “barrières” diverses aux mariages, les “catégories” (Cohanim, Israëlim, Guérim etc…) correspondent à autant de niveaux réels de Kedoucha, dont les paramètres sont incontournables.

Rav Chimchon Raphaël Hirsch souligne dès le début de la Paracha l’importance qui y est accordée à la construction de la famille et à la Kedoucha (“Sainteté”) de la relation intime, face aux pulsions effrénées. Plus loin (24, 1), Rav Hirsch analyse les règles du divorce, et souligne que, contrairement aux accusations de discrimination de la femme dans les lois de la Torah, les modalités du divorce (réalisé à l’initiative de l’homme) n’ont fait que renforcer la cellule familiale pendant deux millénaires, sans qu’il soit nécessaire d’encadrer l’initiative de l’homme.

Le voisinage aux lois du divorce de la loi que le jeune marié doit se concentrer sur la construction de son foyer (24, 5) est le meilleur témoignage de la considération élevée que la Torah accorde à la femme.

Rav Hirsch remarque relativement à cette Mitsva la place fondamentale de la vie des individus dans la construction de la collectivité.

C’est la même notion qu’il développe (Chemot 12, 3-6) relativement à la Mitsva du Pessa’h (l’offrande d’un agneau) en préliminaire à la Sortie d’Egypte.

Avant même de constituer une entité “nationale”, notre construction fut basée sur la famille avec toutes ses ramifications.

De plus, l’association de familles pour un Pessa’h commun était justifiée non par le manque de moyens de certains de se procurer un agneau, mais sur le manque de “consommateurs” d’une famille. La Nation Juive est construite sur le besoin des nantis de donner, et non sur la “solidarité” (très relative …) face aux besoins qui fonde les nations ! Dans la vie agencée selon la Torah, l’essentiel est ce qu’on apporte à autrui, et non le profit qu’on peut recevoir des autres !

Rav Eliachiv (Divré Aggada, p.354) souligne qu’au-delà de la stricte Halakha (règle dictée dans la Torah jusqu’au Choul’han Aroukh), il y a “l’esprit” de la Torah. Le premier passage de la Paracha (21, 11-14) en est l’illustration parfaite. La Torah envisage que dans les conditions particulières de la guerre, il soit très difficile à l’homme de surmonter ses pulsions. Et bien que tout doive l’éloigner du choix d’une captive issue d’un peuple hostile et au comportement assez vil pour exposer les femmes afin de piéger les ennemis, il peut en arriver à commettre cette erreur.

Toutefois, par l’enchaînement des passages successifs, la Torah le met en garde contre les conséquences tragiques d’une telle démarche : il en viendra fatalement à haïr l’objet de ses pulsions (15-17), puis il a tous les risques de mettre au monde un enfant dominé par ses appétits, qui “finira mal” (18-23).

Rav Eliachiv compare ce cas à celui, cité par Rav Israël Salanter, de l’homme qui se retrouve dispensé d’étudier la Torah par le fait d’être en permanence dans des endroits souillés où il est interdit de penser même à des paroles de Torah. Cet homme est, de fait, libéré de toute obligation d’étude, mais il restera vide de spiritualité toute sa vie, et en sera totalement responsable par le choix d’existence qu’il a fait.

De même, celui qui se met dans un état d’incapacité à dominer ses pulsions reçoit une “dispense” de la Torah pour épouser sa “belle captive”. Mais il doit savoir qu’il s’est mis délibérément dans les “ruelles souillées” ! Ce n’est pas “l’esprit de la Torah” ! Et il doit être conscient des conséquences sur sa progéniture issue d’une telle mère.

Notre Paracha est ainsi une “pierre” de plus dans l’édifice de la Kedoucha qui constitue l’essence de notre existence individuelle et collective.

Nous avançons encore d’un pas dans la progression vers les Jours de “Jugement” de Tichri, Roch Hachana, Yom Kippour et Soucot, qui décident de notre capacité à construire notre existence sur des bases saines pour l’année à venir.

 שבת שלום !