Parasha – 106 Reéh 5783

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La Paracha Reéh, quatrième du Sefer Devarim, poursuit le discours que Moché Rabénou fit aux Bené Israël au seuil de son départ de ce monde. Les messages du Sefer Devarim représentent la quintessence du “mode d’emploi” de la vie de Torah, tant au niveau individuel que collectif.

La teneur des recommandations de Moché Rabénou qui concernent la communauté (les lois sur le Roi d’Israël, la conduite de la guerre, la sanction des fautes les plus graves etc.) pourrait laisser l’impression d’un message à la collectivité et à ses dirigeants plutôt qu’à chacun. Toutefois il n’en est rien !

Dans la vie du Peuple de Hachem, il n’y a pas de clivage entre l’individu et le Peuple dans son ensemble. Tout comme le corps ne vit harmonieusement que dans l’équilibre parfait de toutes ses cellules, ainsi le Clal Israël est le résultat de l’harmonie intérieure de chacun.

C’est ce que souligne déjà Rav Chimchon Raphaël Hirsch (Chemot 12,3-6) au seuil de la Sortie d’Egypte.

C’est encore ce que souligne le Haamèk Davar dans la Paracha précédente, Ekev (Devarim 10, 12-13) dans son analyse du verset fondamental que nous avons étudié dans le Dvar Torah de la semaine dernière.

Notre Paracha s’ouvre sur la présentation du choix décisif face à l’existence (Devarim 11,26-27) : “Vois, Je place devant vous ce jour la Berakha (Bénédiction) et la Kelala (Malédiction). La Berakha (est) que vous garderez les Mitsvot de Hachem votre Dieu …”. La Berakha n’est pas une “récompense” si nous observons les Mitsvot ! La Berakha consiste dans les Mitsvot elles-mêmes !

Plus loin, nous trouvons dans la Paracha (14, 1-2) : “Vous êtes les fils de Hachem votre Dieu ; “Lo titgodedou” – ne vous tailladez pas, et ne mettez pas de calvitie entre vos yeux pour le mort (en signe de deuil). Car tu es un peuple Kadoch (“Saint”) pour Hachem ton Dieu, et toi, Il a choisi pour être pour Lui un peuple précieux parmi tous les peuples qui sont à la surface de la Terre”. Rachi explique que le sens simple de cette injonction est de ne pas manifester un désespoir accentué (comme le font les non-juifs) lors d’un deuil.

Le Ramban cite Ibn Ezra qui explique le lien entre les deux versets : Puisque vous savez que vous êtes les “fils” de Hachem, c’est-à-dire qu’Il vous aime plus qu’un père n’aime son fils, vous devez savoir que tout ce qu’Il fait est pour votre bien, même si vous ne le comprenez pas, comme les petits enfants ne comprennent pas les actions de leur père. Car tu es un peuple Kadoch, et non comme tous les autres peuples, et tu ne dois donc pas agir comme eux.

Le Ramban comprend le terme “Kadoch” comme la promesse de la pérennité de la Nechama (âme). Sachant que la Nechama ne meurt pas, il n’y a pas lieu de manifester un deuil excessif, même si la Torah n’interdit pas les pleurs, qui sont un comportement naturel à la séparation, même lorsqu’elle n’est pas définitive.

Le Or Ha’Haïm HaKadoch compare la mort à un fils que son père a envoyé dans une autre ville pour faire du commerce, puis après un certain temps, il l’a rappelé auprès de lui.

Ainsi nous-mêmes, après un séjour dans ce monde, nous rejoignons Hachem notre Père.

Il ajoute que le mot “vous” vient nous distinguer des nations qui ne partagent pas cette dimension de Nechama liée à Hachem ; ils sont donc fondés à ressentir un désespoir profond à la disparition d’un proche, qui est définitive.

Sforno comprend quant à lui que l’introduction “Vous êtes les fils de Hachem” vient justifier l’interdiction d’un deuil excessif pour une autre raison. La perte d’un proche est ressentie comme un “vide”, le manque du proche à nos côtés. Le verset nous appelle à ressentir la Présence de Hachem à nos côtés de telle sorte que l’absence du défunt ne soit pas à ce point marquante pour nous.

De tous ces commentaires, nous devons retenir une approche du vécu totalement en rupture avec les mœurs en vigueur dans l’ensemble de l’humanité.

Rav Chalom Noa’h Bérézovski (Netivot Chalom, p.91) développe abondamment ces versets. Après avoir cité les commentaires de Ibn Ezra, Or Ha’Haïm HaKadoch, et Sforno, il conclut que lorsque le Juif est pénétré profondément de cette conscience de la Présence de Hachem à ses côtés, les circonstances les plus éprouvantes ne peuvent plus l’ébranler. Alors se réalise en lui le verset “Hachem est ton ombre” (Tehilim 121, 5) comme l’explique le Baal Chem Tov HaKadoch : selon la démarche du Juif dans sa Avoda (le Service de Hachem), ainsi est la “démarche” de Hachem à son égard, comme une “ombre” qui suit le mouvement de l’homme. Ainsi lorsque le Juif approfondit dans son cœur le sentiment de “Vous êtes les fils de Hachem”, Hachem lui accorde de Son côté ce niveau élevé d’être réellement “fils de Hachem”.

Rav Bérézovski ajoute que nous sommes qualifiés de “fils” de Hachem, mais également de “serviteurs” de Hachem. Pour accomplir toutes les Mitsvot, il suffit du niveau de serviteur, qui respecte soigneusement la volonté de son Maître. La différence profonde est dans cette Mitsva particulière qui touche aux sentiments et non seulement à l’action. Là, la dimension de serviteur ne suffit plus.

Rav Bérézovski ajoute encore un élément plus profond. Il cite Rav Mordekhaï de Tchernobyl, qui dit que si un Juif soupire du fait de ses fautes, et n’est pas confiant que Hachem accepte ses soupirs, c’est un manque dans sa Emouna.

C’est-à-dire que chaque Juif a l’obligation d’être conscient de “Vous êtes les fils de Hachem”, dans toutes les situations.

Il cite à l’appui une réponse de Halakha (les règles des Mitsvot) du Rachba (I, 242) qui dit que la Halakha suit en cela l’opinion de Rabbi Meïr (face à Rabbi Yehouda) que même lorsque les Juifs sont dans un niveau bas, et n’accomplissent pas Sa Volonté, Hachem leur conserve leur statut de “fils”.

Toutefois, Rav Bérézovski souligne une condition à cette faveur : le verset s’exprime au pluriel ! Car ce n’est qu’au sein de la collectivité que nous pouvons prétendre à ce privilège.

Un individu qui s’est isolé de la communauté ne bénéficie pas de ce titre de “fils”.

C’est le sens de la Michna (Sanhédrin 10, 1) : “Tout Israël, ils ont part au Olam Haba (Monde à venir)”. C’est-à-dire en tant que “tout Israël”, en se fondant dans l’ensemble des Bené Israël liés à Hachem, chacun accède à cette dimension.

Cette remarque de Rav Bérézovski correspond à la seconde explication de nos ‘Hakhamim sur le verbe “Lo titgodedou” : ne vous fractionnez pas en groupuscules ! Notre lien avec Hachem dépend totalement de notre unité, en tant que “fils” dans une famille sous l’autorité de notre Père !

Rav Bérézovski souligne que nous lisons chaque année la Paracha Reéh le Chabat qui précède Roch ‘Hodech Elloul. C’est le moment où commence à poindre la préparation au mois de Elloul, dont le nom est relié par nos ‘Hakhamim aux initiales du verset “Ani LeDodi VeDodi Li” (Je suis à mon Bien Aimé, et mon Bien Aimé est à moi) (Chir HaChirim 6, 3).

A l’approche du mois d’Elloul, chaque Juif a conscience de sa situation, et sait par où il peut commencer sa Techouva, l’essentiel est d’être empreint de la conscience que “vous êtes les “fils de Hachem”, et que Hachem attend notre retour vers Lui. Quelle que soit la profondeur de ses fautes, l’homme doit se souvenir de “Ani LeDodi VeDodi Li” !

Rav Ye’hezkel Sarna (Daliot Ye’hezkel, III, p. 80) souligne également que pendant le mois d’Elloul ; nous lisons le chapitre 27 des Tehilim “LeDavid Hachem Ori veYich’i” (à David, Hachem est ma Lumière et mon Sauvetage) qui manifeste la proximité de Hachem à notre égard. Rav Sarna remarque que nos générations diffèrent fondamentalement des générations anciennes qui initiaient leur rapprochement de Hachem par la Yir’a (Crainte respectueuse). Les ‘Hakhamim ont déjà préparé le chemin pour notre état en instituant la lecture d’un Psaume tout entier d’Amour entre nous et Hachem pour la période de Techouva d’Elloul et Tichri.

Nous voyons ainsi que cette Paracha prend sa place dans la progression toute d’Amour de Hachem envers nous qui commence par la période éprouvante des “Trois semaines” entre les jeûnes du 17 Tamouz et de Tich’a BeAv, puis enchaîne sur les 7 semaines de “réconfort” accompagnées des merveilleuses Parachiot du Sefer Devarim, pour aboutir à la grandeur de Roch Hachana, Yom Kippour et Soucot !

Faisons tous nos efforts pour que cette démarche nous amène enfin à la Gueoula (Délivrance), comme Hachem nous y invite depuis si longtemps.

 

 שבת שלום !