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Nous abordons la seconde Paracha après Tich’a BeAv, la seconde des “7 semaines de consolation”, dans le parcours qui nous mène à Roch Hachana et Yom Kippour.
Les Parachiot du Séfer Devarim, composées du discours que Moché Rabénou fit aux Bené Israël avant de prendre congé d’eux et de sa mission dans ce monde, véhiculent chacune des messages fondamentaux pour le retour vers Hachem.
Retour, disons-nous ! Car effectivement il ne s’agit pas pour nous nous d’un chemin “nouveau” vers Hachem, mais d’un retour vers ce qui est enraciné dans les profondeurs de notre être. Et, en réalité, le terme “réconfort” conviendrait mieux à la définition de ces 7 semaines, car il s’agit de retrouver le “confort” profond dans notre être, plutôt que de nous contenter d’une “maigre consolation” minimaliste.
Considérons un des messages de notre Paracha particulièrement remarquable (Devarim 10, 12-13) : “Et maintenant, Israël, qu’est-ce que Hachem ton Dieu te demande, si ce n’est de craindre Hachem ton Dieu, d’aller dans tous Ses chemins, et de L’aimer, et de servir Hachem ton Dieu de tout ton cœur et de toute ta personne ; de garder les Mitsvot de Hachem et Ses décrets, que je t’ordonne ce jour, pour ton bien !”. L’analyse complète de ces versets s’étendrait sur des pages, et des chapitres…
Essayons toutefois d’appréhender certaines facettes de leur sens réel dans sa simplicité. Le simple fait que Moché Rabénou introduise ses paroles par “Qu’est-ce que Hachem ton Dieu te demande ?” est en soi chargé de signification ! “Qu’est-ce que” laisse entendre que c’est une petite exigence …
Nos ‘Hakhamim (Guemara Berakhot 33b) s’étonnent de ce “peu” ?!
La “crainte de Hachem” ne serait-elle qu’une petite chose ?!
Et la réponse des Hakhamim n’est pas moins étonnante : “effectivement face à Moché Rabénou c’est “une petite chose” !
Diverses explications ont été données de cette affirmation de la Guemara.
Une d’entre elles est qu’il ne s’agit pas de comparer chacun de nous à Moché Rabénou pour attendre de lui les mêmes sommets qu’a atteints Moché Rabénou, mais de dire que “face à “Moché Rabénou, c’est-à-dire “en présence” de Moché Rabénou, la “Yir’a” (“Crainte”) de Hachem est un sentiment quasi-évident.
Définissons tout d’abord cette “crainte” de Hachem : il ne s’agit pas de craindre “de” Hachem comme nous le traduisons de façon inexacte.
Dans le Lachone Hakodèch (la Langue “Sainte”) deux prépositions distinctes sont employées pour introduire le complément d’objet de ce verbe : la lettre : “מ” – de, qui désigne la crainte de ce que peut nous “infliger” Hachem ; ce qu’on appelle la crainte de la sanction.
Mais il y a encore la préposition “את” (qui introduit le complément d’objet “direct”), qui exprime la “יראת הרוממות” (la crainte respectueuse) qui résulte de la conscience de la Grandeur de Hachem.
Il ne s’agit donc pas ici de la “peur” de ce qui peut nous arriver si nous nous conduisons mal ! Mais de prendre conscience de la réalité de l’existence.
Nous sommes appelés ici à reconsidérer notre place dans le Monde, à voir la simple évidence de la Création, et à comprendre ce qui est attendu de nous.
Ce message est en fait le concentré de notre approche “Juive” de la vie !
A l’opposé des peuples qui ne cherchent en permanence qu’à “assurer” leur “droit” au bonheur et à la satisfaction de toutes leurs envies, nous n’avons pas à lutter pour cela, car c’est ce que Hachem nous accorde d’emblée dans Son Monde, et qu’Il veut nous prodiguer sans relâche.
Les manques de satisfaction dans l’existence ne sont en réalité que l’expression d’une recherche de la “réussite personnelle”, et de la maîtrise humaine sur le Monde. Cette quête permanente ne peut que déboucher sur une insatisfaction croissante, le monde n’étant pas livré à la “fantaisie” de l’Homme.
Nos ‘Hakhamim (Midrach Vayikra Raba 27,2) introduisent leur enseignement avec le verset (Iyov 41,3) : “Qui M’a devancé et que Je rétribue ??!”.
Hachem souligne dans ce verset que jamais un homme n’a pu accomplir une Mitsva sans en avoir reçu préalablement les moyens : qui a fait la Mila avant que Hachem lui ait donné un fils ?! Qui a confectionné un garde-fou avant que Hachem ne lui ait donné un toit ?! … une Mezouza …une maison ?! etc. …
Ce Midrach vient “guérir” la maladie que constitue un regard inquiet sur la vie et ses avantages : tout nous vient de Hachem, et nous n’avons qu’à en prendre conscience et utiliser Ses cadeaux à bon escient ! Il n’y a donc pas place à notre préoccupation à ce sujet !
Tel est le sens de la Mitsva de Bikourim (les Prémices) que la Torah nous ordonne (Devarim 26, 1-11).
Rachi explique là-bas (26, 3) que nous manifestons ainsi que nous ne sommes pas ingrats face aux bienfaits permanents de Hachem. C’est la base de toute notre Avoda (Service). A l’opposé de l’idolâtrie qui flatte les diverses divinités pour s’assurer leurs bonnes grâces, nous nous tournons vers Hachem avec un regard reconnaissant pour tout ce que nous avons reçu jusqu’à cet instant !
Nous pouvons ainsi comprendre qu’en présence de Moché Rabénou, c’est-à-dire d’un être qui a pleinement intégré cette vision de la vie, la vraie Yir’a (crainte) est accessible, à l’opposé de la crainte “égoïste” de perdre les avantages que nous croirions nous être dus !
Rav Zaïdel Epstein (Héarot, p.47) cite les paroles de Rabbi Israël Salanter sur le verset (Devarim 4,39) : “Tu sauras ce-jour et tu ramèneras à ton cœur que Hachem est Dieu dans les Cieux supérieurs et sur la Terre inférieure …”. Rav Salanter souligne que bien que la distance physique entre le cerveau et le cœur soit infime, la distance entre la connaissance intellectuelle et la conscience du cœur est, elle comme du Ciel à la Terre ! Rav Epstein explique ainsi l’obligation que les ‘Hakhamim ont instituée de prononcer 100 Berakhot par jour, en l’appuyant sur le mot “ma” du verset (Devarim 10, 12) “Qu’est-ce que Hachem …”.
Ce n’est que par la révision permanente des évidences connues que l’homme arrive à faire pénétrer la connaissance dans son cœur.
Rav Tsvi Chraga Grossbard (Daat Chraga p.62) développe l’enseignement des ‘Hakhamim relatif au verset de la Haftara du Chabat précédent Tich’a BeAv (Yechaya 1,2) : “Ecoutez Cieux et tends l’oreille Terre …”. Nos ‘Hakhamim disent que le Navi (Prophète) nous compare défavorablement aux Cieux et à la Terre qui n’ont jamais failli à leur fonction.
Rav Grossbard s’étonne de cette comparaison des hommes, doués de “libre arbitre”, avec des éléments naturels sans aptitude au choix. Il conclut que ce message vient nous rappeler que nous sommes nous-mêmes naturellement proches de Hachem, tout comme les éléments naturels de la Création, et que ce n’est que la capacité de l’Homme à se “dénaturer” et s’éloigner de Hachem qui l’amène à céder au Yetser Hara (penchant au Mal).
Le Malbim explique que la Yir’a mentionnée dans le verset est la gêne profonde qu’inspire la conscience que tout nous vient de Hachem. Comment alors oser agir contre Sa Volonté ?!
Rav Dessler (Mikhtav MeEliahou I, p. 50) développe cette démarche qui débouche sur l’amour de Hachem.
Nous arrivons ainsi à la suite du verset qui nous dicte “d’aimer” Hachem.
Outre la question bien connue de comment est-il possible de “dicter” un sentiment tel que l’amour, reste à comprendre comment la seule question qui interpelle la Guemara citée plus haut est la Yir’a ?
Il semblerait là que la seule difficulté que voient nos ‘Hakhamim dans ce verset se situe dans l’exigence de la Yir’a de la part de tout un chacun.
Mais, en vérité, après les développements relatifs à la Yir’a, et à la manière de la générer en nous, la voie vers la Ahava (Amour) de Hachem s’ouvre naturellement.
C’est ce qu’explique Rav Chalom Noa’h Bérézovski (Netivot Chalom, p.59) dans son analyse du verset, qui définit la progression par la Mitsva “d’aller dans tous Ses Chemins”, ce qui signifie adopter toutes les démarches généreuses que Hachem nous manifeste dans la conduite du Monde : ‘Hessed (Don gratuit), Ra’hamim (Miséricorde) etc. … L’Amour d’Israël (c’est-à-dire de chaque Juif, et non un amour “virtuel” de l’ensemble des Juifs qui n’aboutit à aucune concrétisation, si ce n’est le dénigrement des Mitsvot et de ceux qui les respectent …) mène à l’Amour de Hachem, qui doit, lui aussi, se réaliser dans les actes, et non “porter Hachem dans son cœur” comme certains s’en vantent !
Rav Bérézovski explique le mot “Ma” du verset cité au début de ce texte comme la somme numérique de ses deux lettres, soit 45, le nombre de jours qui séparent le 15 Av (à la sortie de Tich’a BeAv) de Roch Hachana. Il considère ceci comme une allusion au parcours de préparation des Jours “sérieux” de Tichri où nous nous présentons particulièrement devant Hachem.
L’analyse de ces enseignements mériterait évidemment une plus grande attention. L’objectif ici est essentiellement de nous ramener à une perception plus vivante de notre rapport à la Torah. Dans cette période de l’année qui peut sembler “pauvre” en occasions “festives”, et où la coïncidence des “vacances” professionnelles incite plutôt au relâchement, il est précieux de revenir à un regard authentique sur notre existence. Voyons la richesse du contact avec Hachem qui associe notre Amour pour Lui à l’Amour qu’Il nous prodigue sans relâche.
Le mot “vacances” vient de la racine latine signifiant “vide”. Dans la vie d’un Juif, il n’y a pas de moments “vides” ! Chaque instant est destiné à la vie réelle, au contact privilégié avec Hachem.
Partons à la recherche du sens des Parachiot du Séfer Devarim et des 7 semaines de “réconfort”, comme nous l’avons mentionné au début de ce texte, dans un mouvement de régénérescence de notre personnalité profonde.
שבת שלום !