Parasha – 103 Devarim 5783

בסד

Nous lisons toujours la Paracha Devarim avant Tich’a BeAv, qui est un jour de jeûne correspondant à la destruction des deux Beth HaMikdach à un intervalle de 490 ans.

Ce jour, destiné à de nombreux malheurs dans notre Histoire, est initialement le jour du retour des Meraglim (Explorateurs) que Moché Rabénou envoya en Erets Israël. Leur rapport défavorable amena les Bené Israël à pleurer sur leur sort cette nuit-là, suite à quoi Hachem décréta que toute cette génération (âgée de 20 ans et plus) ne connaitrait pas la Terre d’Israël, mais mourraient dans le désert pendant quarante ans de pérégrinations.

Il nous semble généralement que la faute commença au retour des Meraglim…

Toutefois, dans notre Paracha, Moché Rabénou reproche aux Bené Israël l’initiative même d’avoir demandé à envoyer les Meraglim (Devarim 1, 22) : “Vous vous êtes approchés de moi, vous tous …”

Rachi commente leur faute : “en désordre …”.

Rachi explique que Moché Rabénou compare ainsi cette démarche à la demande des Bené Israël (5, 20-24) que Moché soit l’intermédiaire entre Hachem et eux pour leur transmettre la Torah. Là-bas, le Peuple avançait en ordre, dans le respect des anciens, tandis que pour demander l’envoi des Meraglim, ils se bousculaient tous …

Cette remarque de Rachi appelle évidemment explication !

Rav Sim’ha Zissel Ziv, Roch Yechiva de Kelm, Talmid de Rabbi Israël Salanter, analyse les prémisses de cette faute (Or Rechaz, rapporté dans Daat Torah de Rabbi Yerou’ham Lewovitz). Il souligne que la démarche d’envoyer des Meraglim était en soi tout à fait justifiée, car la Torah attend de nous que nous accomplissions les actions naturelles logiques, tout en restant conscients que ce ne sont pas nos actes qui entraînent les résultats, mais exclusivement la Volonté da Hachem qui réalise tout dans le Monde.

Rav Sim’ha Zissel souligne qu’il s’agit d’un “exercice” extrêmement difficile, mais que telle est notre “mission” sur terre. Toutefois, en cédant à la panique et en s’empressant, les Bené Israël ont perdu le privilège de la protection Divine, et ont ainsi été “abandonnés” à l’influence du Yétser Hara (le Penchant du Mal), et à l’engrenage des fautes. Il convient cependant de noter qu’à cette étape, la faute était infime, presque imperceptible. Et néanmoins, Hachem décréta pour cela le jour de “pleurs justifiés” au fil des générations et des catastrophes qui nous ont accablés à cette même date.

Rav Its’hak MiVolozin (cité dans le commentaire Haamèk Davar) s’étonne de l’amalgame que fait Rachi entre une faute grave comme le manque de confiance en Hachem, et le “manque de Dérekh Erets” (comportement mesuré). Il explique que chaque démarche valable s’accomplit forcément de manière équilibrée. Les Bené Israël auraient donc dû comprendre d’eux-mêmes qu’ils étaient dans l’erreur, lorsqu’ils se sont précipités sans mesure vers Moché Rabénou pour demander l’envoi de Meraglim.

Quoi qu’il en soit, selon toutes les approches de nos ‘Hakhamim, la “dérive” initiale était presque imperceptible. Mais après des siècles, elle aboutit à une telle dégradation du niveau des Bené Israël qu’elle ne pouvait mener qu’à l’échec sanctionné par la destruction du Beth HaMikdach et la Galout (Exil).

La lecture de la Paracha Devarim, avec le rappel par Moché Rabénou de cette faute et de ses conséquences terribles, précède chaque année le jeûne de Tich’a BeAv.

Il est clair que ce n’est pas fortuit, mais qu’il s’agit là d’un message puissant sur la manière de “remonter la pente”. Les malheurs survenus à Tich’a BeAv, comme toutes les “sanctions” de nos fautes n’ont pas un but vindicatif, mais formateur. L’objectif est de nous réveiller, afin que nous abandonnions notre confiance injustifiée dans nos capacités à régler tous les problèmes.

Moché Rabénou poursuit sa leçon de comportement équilibré approprié au Peuple de Hachem. Il rappelle maintenant aux Bené Israël des péripéties plus récentes, après que ce soient écoulées les années de pérégrination dans le désert (2,1-3,22). Sont énumérées successivement les confrontations à diverses nations dont les territoires séparent les Bené Israël de leur but tant attendu, l’entrée en Erets Israël.

Face au premier de ces peuples, Edom, descendants d’Essav, Hachem prescrit à Moché Rabénou de transmettre la recommandation suivante (2, 4) : “Vous passez ce jour la frontière de vos frères les fils d’Essav, qui résident à Séïr ; et ils auront peur de vous, et vous vous garderez beaucoup”.

De prime abord, cet avertissement a de quoi surprendre : si les Edomites ont peur de nous, que devrions nous craindre qu’il nous faille “nous garder beaucoup” ?!

Rav Yossef Tsvi Salant (Beér Yossef) explique que la peur mène naturellement à chercher tous les moyens de se protéger de celui qu’on craint. Ainsi, la peur qu’inspiraient les Bené Israël aux Edomites pousserait ceux-ci à toutes les extrémités pour se protéger.

Rav Salant déduit de là un conseil valable au fil des siècles pour éviter une animosité accentuée des nations à notre égard : faire en sorte que les non-juifs ne nous craignent pas, afin de diminuer le danger qu’ils représentent pour nous.

Rav Salant cite que le Midrach explique pareillement le verset précédent (2,2) : “…Tournez-vous vers le “Tsafon” (nord)”. Le Midrach explique le mot “Tsafon” de la racine “cacher”, et dit : “Si vous voyez qu’il vous cherche querelle, ne lui faites pas face, mais cachez-vous de lui jusqu’à ce que passe son “monde” …

Ces conseils précieux correspondent à une démarche de confiance profonde en Hachem, aux antipodes de la recherche de “solutions personnelles” aux épreuves de la vie, tant individuelle que collective.

C’est la recommandation fondamentale issue de l’expérience malheureuse de l’envoi des Meraglim.

Et c’est la démarche que nos ‘Hakhamim de toutes les générations ont su adopter, au plus grand profit de leurs communautés.

Là encore, ce n’est pas fortuit que ce message soit lu chaque année avant Tich’a BeAv, afin de ous ramener à une juste perception des enjeux de notre existence en Galout, jusqu’à la Gueoula ultime.

Ainsi, de même qu’un ennemi se démène par peur de la menace, chacun de nous réagit aux épreuves de la vie par mouvement de crainte.

La solution collective de la Galout passe par les efforts de chacun de sortir de sa “Galout” personnelle, en retrouvant la confiance paisible en Hachem.

שבת שלום !