Parasha – 102 Matot – Massé 5783

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Une partie importante de la Paracha Matot est consacrée à la guerre contre Midian et le partage du butin qui s’ensuit (Bamidbar 31,1-54)

Hachem annonce cette guerre à Moché Rabénou comme “Nekama” (“vengeance”) des Bené Israël des Midianites.

Par suite de l’échec de ses tentatives de maudire les Bené Israël, Bil’am avait suggéré à Balak la tactique suivante pour rompre le lien entre les Bené Israël et Hachem : faire trébucher un grand nombre de Bené Israël en les faisant solliciter par les femmes Midianites à s’adonner à l’immoralité et au “culte” aberrant de Peor.

Cette démarche, issue du conseil “éclairé” de Bil’am (24,14 ; 31,16 avec Rachi), entraina la mort de 24.000 Bené Israël par la Main de Hachem.
Ce n’est que grâce à l’intervention héroïque de Pin’has (25, 7-9) que “l’épidémie” qui frappait les Bené Israël s’est interrompue.

Dans la Paracha Pin’has, la Torah nous montre comment l’intervention de Pin’has, qui tua Zimri, Prince de la Tribu de Chimon, alors qu’il était avec Cozbi la Midianite, sauva l’ensemble du Peuple de la sanction par Hachem qui leur était due pour l’effondrement des valeurs qui s’était répandu en son sein.

La Paracha Matot décrit jusque dans ses moindres détails la Mitsva de la guerre contre Midian, et jusqu’aux répartitions du butin. Cette campagne n’est pas une guerre de conquête, ni de défense face à une attaque armée. C’est le seul exemple dans la Torah d’une guerre initiée par les Bené Israël sur ordre de Hachem, en réponse à une “attaque” essentiellement spirituelle.

Tout ce passage nous laisse perplexes, depuis la notion de “Nekama” (“vengeance”), qui semble à première vue tellement étrangère à la nature de notre Peuple et à ses valeurs, et jusqu’à la guerre d’anéantissement dictée par Hachem à l’encontre de Nations comme Amalek (Devarim 25,19), ou Midian dans notre Paracha ! Nos sentiments “humains” s’insurgent contre ces démarches qui nous semblent “condamnables” au titre des valeurs “humaines” et morales de l’époque “civilisée” dans laquelle nous vivons (sans parler de la nature du Peuple Juif de s’apitoyer même sur ses pires ennemis …)

De plus, La Torah n’est pas un “livre d’histoire” !
Au-delà du fait historique, il nous reste la question de l’enseignement pratique que la Torah vient nous apporter ici pour notre propre démarche dans la vie.

Révisons tout d’abord une partie des 13 principes de Emouna énoncés par le Rambam (Commentaire sur la Michna, Sanhédrin Pérek ‘Hélek ; Hilkhot Yessodé HaTorah Chapitres 7, 8 9) :

– Je suis Maamin (confiant) d’une Emouna entière que toutes les paroles des Neviim (Prophètes) sont Emet (Vérité) !
– Je suis Maamin d’une Emouna entière que la Nevoua (la Prophétie) de Moché Rabénou était Amitite (Vraie) etc. … !

– Je suis Maamin d’une Emouna entière que toute la Torah qui est actuellement entre nos mains est celle qui a été donnée à Moché Rabénou !
Cette remise à jour n’est pas superflue dans une génération où règnent les idées reçues du monde environnant, qui nous a “inondés” depuis la naissance de ses grands principes humanitaires …

Mais commençons par faire justice des clichés éculés de “civilisation” et de “progrès” humains dont les nations tentent de nous persuader.

– Où se trouve ladite “civilisation” dans un monde déchiré de tous les côtés par les conflits armés directs entre nations, ou indirects entre puissances qui veulent éviter de s’exposer de front, et utilisent des peuples “sous-développés” pour s’affronter par leur intermédiaire ?!

– Où est le progrès des valeurs morales, lorsque le droit des travailleurs se limite aux pays dits “développés”, tandis que leurs citoyens se délectent de produits aux prix “accessibles”, en refusant “pudiquement” de connaître les conditions de production dans les pays défavorisés ?!

– Où est l’égalité entre les hommes et les femmes, lorsqu’elle se borne à faire partager les mêmes fonctions aux deux genres, sans tenir compte des différences fondamentales de nature et de potentialités, et tout en continuant à mercantiliser l’image de la “femme-objet” ?!

La liste serait encore bien longue… mais ces échantillons suffisent amplement à nous ouvrir les yeux.

Ajoutons toutefois l’effondrement des idéologies “progressistes” qui montrent aux quatre coins du globe (y compris dans la “Medina” qui prétendait fournir un refuge “Juif” aux victimes des persécutions …) les limites des droits des individus face aux “valeurs” prétendant défendre les intérêts de chacun …

Mais tout ceci ne doit nous servir qu’à nous affranchir des préjugés trop bien ancrés dans la moelle des os des bons-élèves de l’école républicaine et laïque !!

Revenons à la raison, et cherchons les racines de nos valeurs juives fondamentales.

Le Monde de la “Déclaration des droits de l’Homme” (dont nous ne pouvons que constater chaque jour les limites …), et de l’émancipation des Juifs, n’est pas plus favorable à notre Peuple que celui de l’inquisition, ou celui des Tsars, ou même du Troisième Reich, même si l’hostilité ne se manifeste pas avec la même violence physique.

Il n’y a pas que la violence physique qui constitue une agression vitale !

La violence morale, qui impose le culte de la pensée “universelle” obligatoire n’est pas moins corrosive. Les manifestations des divers organismes “caritatifs” de défense des espèces animales menacées, des animaux de laboratoire maltraités, de l’écosystème menacé, ne sont pas moins violentes que les pratiques des sociétés “totalitaires” de droite ou de gauche …

Les manifestations, allant jusqu’à exposer le pays au danger militaire, diplomatique et économique, montrent mieux que n’importe quel “colloque universitaire” la faillite des “idées” chez ceux qui tournent le dos à la Torah !!

Considérons, sans préjugé, le message de Hachem dans la Torah, sans croire nécessaire de le confronter aux fameuses “valeurs humaines” dont nous avons tant de mal à nous détacher …

Même si nous n’avons pas aujourd’hui de Neviim (Prophètes), essayons de nous représenter la réalité d’hommes vivant à un niveau de conscience profonde du Monde tant spirituel que matériel, et aptes à recevoir la Parole de Hachem aussi clairement que nous entendons celles de nos proches (et même plus clairement, encore …). Comme nous l’avons revu plus haut, la Nevoua (Prophétie) est la Parole du Créateur et Maître absolu du Monde, sans confusion possible avec les images grotesques des “prophètes” des peuples …

Lorsque Hachem ordonne de faire une guerre telle celle de Midian, le rôle des Bené Israël n’est pas, bien sûr, “d’aider” Hachem à faire “le ménage” dans Son Monde. Hachem n’a pas besoin de la participation de l’Homme pour faire fonctionner la Création. Le simple fait que les guerres décrétées par Hachem se soient déroulées sans causer la moindre perte au sein des Bené Israël (comme dans notre Paracha, 31,49), ou que des pertes exceptionnelles aient interpellé et amené à la Techouva (Yehochou’a 7, 4-13), montre au-delà de toute question que la participation des Bené Israël est purement de l’ordre de l’accomplissement d’une Mitsva.

Voyons l’enjeu de la guerre de Midian dans la Torah et les explications de nos ‘Hakhamim :

Hachem dicte à Moché (31, 2) : ” Exerce la Nekama (“Vengeance”) des Bené Israël des Midianites”. Et Moché transmet aux Bené Israël (31, 3) : “…pour mettre la Nekama (“vengeance”) de Hachem dans Midian”.

Précisons tout d’abord le vrai sens du terme “Nekama”, improprement traduit par “Vengeance”.

Rav Chimchon Raphaël Hirsch (Beréchit 4, 15) souligne le lien de ce mot avec la racine “koum”, “se lever”.
La Nekama consiste à “relever” la “Justice” ou la personne qui ont été abaissées et piétinées. La Nekama n’a donc pas un sens “vindicatif”, tourné vers celui qu’on “attaque”, mais le but est, à l’opposé, de restaurer les valeurs fondamentales qui ont été ternies.

Le “conseil éclairé” de Bil’am consistait à abattre les principes fondamentaux de la Création.
Les buts étaient d’installer l’immoralité érigée en norme, et la négation de toute valeur spirituelle supérieure, par le culte de Peor (voir Rachi 25, 3).

Rav Chalom Noa’h Bérézovski (Netivot Chalom, p.166-171) nous livre une analyse profonde de la spécificité de l’agression de Midian contre le Peuple de la Torah. Il explique que la campagne contre Midian avait comme objectif de restaurer l’existence même du Peuple de Hachem, totalement compromise par l’entreprise de Balak et de Bil’am (voir Paracha Balak).

Rav Bérézovski souligne qu’à la suite de l’exploit de Pin’has qui a enrayé le mal, Hachem ne dit pas : “car ils vous ont agressé”, mais “car ils vous agressent” (au présent) (25,18).
L’attaque de Midian est permanente, comme celle d’Amalek, et appelle une vigilance permanente.

Le “coup d’envoi” de cette opposition éternelle ne peut être accompli que par la dimension de Moché Rabénou.

C’est pourquoi Hachem lui dicte (31,2) : “Accomplis la Nekama (“Vengeance”) des Bené Israël des Midianites, après tu rejoindras ton peuple (tu décèderas)”.
Et, de même que l’opposition à Amalek, cette guerre s’étend sur toutes les générations, jusqu’à la Gueoula (Délivrance) ultime.

L’époque des Neviim (Prophètes) est malheureusement passée, en même temps que la grandeur générale d’Israël qu’elle accompagnait. La guerre contre les représentants du Mal, Amalek et Midian, ne se mène plus, dans notre monde d’obscurité, sur les champs de bataille.

Cette lutte sans merci se situe aujourd’hui au sein de chacun de nous, dans son cœur et dans sa tête.
Le monde des trois fautes fondamentales de violence, saturé de négationnisme de la Création (ultime manifestation de l’idolâtrie), de la “libération des mœurs”, transformant l’Homme, Créature supérieure de Hachem, en “animal évolué”, nous appelle à nous ressaisir, et à nous tourner vers Hachem.
Telle est la guerre de Midian que la Torah nous dicte à travers la description de la confrontation initiale des Bené Israël au seuil de l’entrée en Erets Israël.
C’est là notre Avoda particulière de “Bein Hamétsarim”, période de réparation des fautes qui ont entraîné la destruction du Beth HaMikdach et la Galout.

Appliquons toute notre énergie à déraciner en nous les empreintes de Midian et d’Amalek, afin de mériter enfin la Gueoula complète et tant attendue.

שבת שלום !