Parasha – 100 Bein Hamétsarim 5783

בס”ד

Cette semaine, deux jours avant le Chabat Parachat Pin’has, nous jeûnons à nouveau le 17 Tamouz, qui est la date de la faute du Eguel (Veau d’or).

Alors que Moché Rabénou descendait du Ciel avec les Lou’hot (les Tables des Asséret HaDibrot – les 10 Commandements) il vit les Bené Israël qui entouraient le Eguel, et il jeta les Lou’hot qui se brisèrent.

Cette faute amorce la période de “Ben Hamétsarim” (litt. : entre les frontières) des trois semaines qui aboutissent à Tich’a BeAv (9 Av), date qui marque la faute des Meraglim (explorateurs) que Moché avait envoyés explorer Erets Israël, avant la conquête. 

Le rapport négatif que les Meraglim firent au retour de leur mission causa la catastrophe. Les Bené Israël pleurèrent dans un mouvement de manque de confiance en Hachem Qui pouvait les faire entrer en possession d’Erets Israël sans qu’ils aient à fournir le moindre effort, quelle que soit la puissance des peuples qu’ils devaient conquérir.

Ces deux fautes qui se situèrent à plus d’un an de distance (de la première année de la Sortie d’Egypte à la seconde) constituent la base de cette période de deuil que nous vivons chaque année depuis la destruction du Beth HaMikdach (le Temple).

La seconde faute, celle des Meraglim, eut lieu le 9 Av, et Hachem décréta à ce moment que cette date, où les Bené Israël avaient pleuré pour rien serait marquée au fil de l’Histoire par des occasions de pleurer à juste titre (Guemara Taanit 29a) …

Il ne s’agit évidemment pas d’un décret vindicatif, car les “punitions” que Hachem inflige ne sont, en réalité, que des “traitements médicaux” des problèmes que l’Homme se cause à lui-même par son manque de confiance en Hachem.

Aussi, les nombreux malheurs qui frappèrent notre Peuple au fil des générations, particulièrement le 9 Av, ne sont que les résultats directs des faiblesses qui n’ont pas été réparées jusqu’à ce jour. En particulier, la destruction des deux Beth HaMikdach, qui a eu lieu à la date du 9 Av, est la conséquence de ces fautes.

Toutefois, la Guemara (Youma 9b) attribue à la destruction de chacun des Beth HaMikdach des causes différentes.

Pour le premier Beth HaMikdach, la Guemara relie ce malheur aux trois fautes capitales : l’idolâtrie, le meurtre et les relations interdites, tandis que pour le second, nos ‘Hakhamim attribuent sa destruction, et la Galout (l’exil) qui s’ensuivit jusqu’à ce jour, à la “Sin’at ‘hinam” (la haine gratuite).

Il est coutume de comprendre que les Juifs de l’époque qui précéda ce malheur étaient atteints de ce mal impardonnable de l’animosité entre eux, tout en étant “religieux” …

Cette interprétation est d’autant plus répandue qu’elle a été abondamment exploitée par les divers courants d’abandon de la Torah pour justifier leur “recherche” (prétendue) des “valeurs humaines” en dehors de la Torah.

Le monde actuel, “digne” héritier des grandes valeurs d’humanisme du siècle des lumières (précédant la révolution française, et l’émancipation des Juifs dans beaucoup de pays d’Europe) suffit, dans son désordre sans limites, à nous détromper sur le sens des élans moraux des “Tsedokim” actuels et des nations qui nous entourent.

Rav Avigdor Miller (Am Segoula, II, paragraphe 546) souligne qu’une très grande unité et chaleur régnait parmi les Juifs de l’époque qui précéda la destruction du Beth HaMikdach, comme en témoigne la Guemara (Yevamot 14b) sur les deux grandes écoles des Talmidim de Hillel et Chamaï.  Même leurs divergences certaines fois considérables dans les lois de la Torah, y compris dans des domaines aussi sensibles que les interdits de mariage n’empêchaient nullement les mariages pour les cas qui ne présentaient pas de problèmes. La plus grande confiance régnait, et ils savaient qu’ils ne s’induiraient pas en erreur mutuellement.

Rav Miller explique que la Sin’at ‘Hinam était le fait des Tsedokim (les Saducéens) – groupe des opposants à la fidélité à la Torah, qui cherchaient à assimiler le Peuple Juif aux nations et assoiffés de positions socio-politiques importantes.

Les Tsedokim haïssaient farouchement les ‘Hakhamim qui avaient le respect, l’affection et la confiance de tout le Peuple.

Rav Miller apporte en preuve de son analyse les propos de Flavius Joseph, Juif assimilé aux Romains, proche des gouvernants romains et de la maison de Hourdous (Hérode), esclave Iduméen des ‘Hachmonaïm qui avait massacré tous les descendants des ‘Hachmonaïm afin de prendre le pouvoir.

Ces diverses factions (“Hérodianim”, Tsedokim, et Romains) opprimaient la population fidèle à la Torah et aux ‘Hakhamim.

Flavius Joseph, qui n’était évidemment pas sympathisant de la population – globalement fidèle à la Torah, était toutefois obligé de reconnaître les qualités de cœur des ‘Hakhamim qui leur valaient l’estime et l’affection de la population. De même, il mentionne abondamment, en contraste, les mœurs sauvages et agressives des Tsedokim, même au sein de leur groupuscule, par ailleurs très minoritaire (voir Am Segoula II, paragraphes 546-567).

Ces éléments historiques, issus d’une source fiable puisque n’étant animée d’aucune sympathie à l’égard des ‘Hakhamim et de la population générale que Flavius Joseph qualifie de foule, populace, nous dépeignent une atmosphère totalement différente de celle que les “historiens”, non-juifs ou juifs assimilés, présentent ! 

Les relations entre les personnes du Peuple juif de cette époque étaient infiniment supérieures à celles que les générations les plus louables des derniers siècles ont pu être !!!

Comment comprendre alors la formule de la Guemara citée plus haut sur la cause de la destruction du Beth Hamikdach, si la “Sin’at ‘hinam” n’était le fait que des renégats Tsedokim, et non de l’ensemble de ces générations, et en particulier des ‘Hakhamim ?

Analysons cette notion au regard de la Guemara (Chabat 56b) qui nuance les fautes des Grands de notre Peuple citées dans la Torah et les Neviim (Prophètes).

L’analyse de la Guemara témoigne du niveau d’exigence extrêmement élevé de Hachem vis-à-vis des Tsadikim qui définit les fautes infinitésimales par les mêmes termes que des abus bien plus graves, mais qui partagent une “racine” commune.

Ainsi, le fait que Reouven ait perturbé l’installation de son père Yaacov auprès de Bil’ha, la “servante” de Ra’hel et co-épouse de Yaacov après le décès de Ra’hel (Beréchit 35, 16-22) est comparé à une relation interdite, du fait qu’il créait une rupture dans la relation privilégiée entre mari et épouse.

Ainsi en est-il des autres exemples de la Guemara là-bas.

Nous pouvons ainsi comprendre ce que Hachem attend de la part d’hommes aussi Grands que nos ‘Hakhamim, et de l’ensemble du Peuple Juif de l’époque qui lui était fidèle sans restriction jusqu’aux moindres détails de la Halakha (l’ensemble des règles de comportement selon la Torah).

Le niveau d’exigence est tel que même des traces indécelables à l’œil humain de manque d’unité étaient déjà considérées comme répréhensibles.

C’est bien ce que signifie la critique des 24.000 Talmidim (disciples) de Rabbi Akiva qui moururent pendant une brève période pour “n’avoir pas eu un comportement de respect mutuel”.

Peut-on raisonnablement imaginer que ces Grands Hommes étaient inférieurs dans leur attitude à nos contemporains “évolués” ?!

Evidemment, l’exigence à leur égard était d’un tout autre degré… Le manque se situait évidemment à un niveau imperceptible même à l’œil “exercé” de Rabbi Akiva, leur Maître !

De même les générations qui les ont suivis étaient jugées avec une rigueur qui dépasse largement notre perception.

Il est vital pour nous de “remettre les pendules à l’heure”, sur de telles questions, afin que nos jeûnes du 17 Tamouz et du 9 Av ne soient pas une triste mascarade !

Bien sûr, il n’est pas question pour nous d’imaginer nous comparer au niveau exceptionnel de nos ancêtres, et il nous faut donc assumer les problèmes au degré qui est le nôtre.

Toutefois, la prise de conscience de ce décalage doit nous amener à relativiser nos “prouesses” dans le quotidien, et nous inciter à aspirer à la vraie Grandeur qui permettra la Gueoula (Délivrance) tant attendue.

La Proximité de la Paracha Pin’has, que nous lisons le Chabat qui suit le jeûne du 17 Tamouz, peut nous aider à comprendre l’objectif extraordinaire que Hachem nous assigne. Voyons donc l’analyse ci-jointe …

e Chabat, après le jeûne du 17 Tamouz qui amorce la période douloureuse des “trois semaines” qui aboutit au 9 Av, date de la destruction du Beth Hamikdach (Temple), nous lisons la Paracha Pin’has.

A La fin de la Paracha précédente, Balak, la Torah nous décrit comment Pin’has, le petit-fils d’Aharon, a héroïquement accompli la Mitsva d’exécuter Zimri, un chef de Tribu, alors qu’il bravait l’interdiction d’avoir une relation avec une non-juive.

Les sourcils de certains se fronceront probablement à la mention d’une telle Mitsva, surtout à notre époque “civilisée” de libération des mœurs, et de “compréhension” tous azimuts !

Et pourtant, la Torah est éternelle, ainsi que ses prescriptions, et cette interdiction reste intacte, envers vents et marées !

Que les délinquants se rassurent ! Si l’interdiction est inconditionnelle, la Mitsva de châtier les criminels est, elle, liée à un niveau exceptionnel d’attachement à Hachem, et à une intervention exclusive “in situ”, au moment-même de l’acte … Le danger d’être châtié est donc totalement écarté à notre époque ! …

Notre but ici n’est pas d’analyser les détails de cette loi, mais d’aborder la “récompense” que Hachem attribue à Pin’has au début de notre Paracha, et de comprendre le lien entre le haut-fait de Pin’has, et sa “rétribution”.

Hachem annonce à Moché Rabénou (Bamidbar 25, 11-13) : “Pin’has fils d’Elazar, fils d’Aharon le Cohen a écarté Ma colère de sur les Bené Israël, en manifestant Mon emportement en leur sein ; et Je n’ai pas anéanti les Bené Israël dans Ma colère. C’est pourquoi tu diras : Je lui donne Mon alliance de “Chalom”. Et elle sera pour lui et sa postérité une alliance de Kehouna éternelle, parce qu’il s’est emporté pour son Dieu, et qu’il a “réparé” sur les Bené Israël.”

Ces versets comportent de nombreux détails surprenants. Nous nous contenterons des questions les plus évidentes, puis de celles qui se présenteront à la suite de certaines des explications :

– En quoi consiste la particularité de l'”exploit” de Pin’has d’avoir tué Zimri, pour qu’il ait droit à une annonce spéciale de récompense de Hachem, fait sans précédent ?

– Qu’est-ce que cette “Alliance de Chalom” ?

– Pourquoi Pin’has qui n’avait pas accédé précédemment au statut de Cohen (Rachi, verset 13) reçoit-il cette grandeur en réponse à son action ?

Sforno explique cette “Alliance de Chalom” comme étant l’affranchissement du “Mal’akh HaMavèt” (l’ange de la mort). La disparition d’un être résulte de l’opposition entre les contraires (dans l’organisme).  

Pin’has accéda à cet état (de libération du Mal’akh HaMavèt) et il vécut beaucoup plus longtemps que ses contemporains, puisque son nom est mentionné dans des évènements bien postérieurs à la génération de l’entrée en Erets Israël. A fortiori selon l’opinion que Pin’has est Eliahou HaNavi qui est encore vivant.

Rav ‘Haïm Chmoulévits (Si’hot Moussar, 733, 12) s’étonne : Qu’est-ce qui justifie que Pin’has ait mérité cette récompense particulière ?! Il répond que c’est par le “Kidouch Hachem” (la manifestation de la Grandeur de Hachem dans le monde) qu’il a reçu l’affranchissement du Mal’akh HaMavèt.

Rav Chmoulévits remarque encore qu’avant même que Pin’has entre en action, il est désigné par la Torah comme petit-fils d’Aharon (25, 7). C’est pour souligner dès le début de son intervention qu’il possède la qualité de “Kanaï” (qui s’emporte pour l’Honneur de Hachem exclusivement) indispensable pour accomplir cette Mitsva particulière. Quiconque tuerait quelqu’un lors de cette faute en portant en lui ne serait-ce qu’une trace infime de motivation autre que l’Honneur de Hachem serait simplement un meurtrier !

Cette Mitsva ne répond pas au principe général d’accomplir les Mitsvot même si notre Kavana (intention) n’est pas parfaite ! C’est ce que la Torah souligne ici : Pin’has n’était animé par aucun autre élan que l’amour sans réserve de chaque Juif !

Rav Chimchon Raphaël Hirsch (25, 12) souligne que le Chalom signifie l’Harmonie.

Amener à l’Harmonie parfaite de la relation des éléments du Monde entre eux et face à Hachem constitue un “Brit” (une Alliance). Cette réalisation, qui est le but du Monde, a été confiée ici par Hachem à cette action particulière que ceux qui sont oublieux des obligations dénigreront en la qualifiant de rupture du Chalom !

Le Chalom entre les créatures dépend de leur Chalom à tous avec Hachem !

Baisser les yeux au nom d’un prétendu Chalom en laissant s’installer le conflit avec Hachem est le contraire du véritable Chalom. Seule l’action héroïque de Pin’has a sauvé le Peuple en restaurant le Chalom avec Hachem et Sa Torah.

Rav Chalom Noa’h Bérézovski (Netivot Chalom, p.153) analyse abondamment cet évènement. Il explique que l’intervention de Pin’has a sauvé les Bené Israël, comme le dit le verset.

Le fait que nos ‘Hakhamim affirment que Pin’has est Eliahou HaNavi est également lié au fait qu’Eliahou HaNavi est appelé à “faire le Chalom” dans le Monde (Michna Edouyot, 8, 7).

Que veut dire “faire le Chalom” dans le Monde ?

Comment comprendre que Pin’has ait mérité la longévité absolue que même Moché Rabénou n’a pas reçue ?! Le Midrach énumère les qualités du Chalom dans toutes sortes de domaines.

Rav Bérézovski souligne que le Chalom n’est pas simplement l’absence de conflit.

Le Chalom est synonyme de “chlémout”, “plénitude”, perfection. Le Monde est plein d’appétits qui troublent la perfection. Même les actions de Mitsvot sont affligées du mélange entre le “Tov” (Bien) et le “Ra” (Mal) résultant de la faute initiale d’Adam Harichon.

Le Chalom est la “réparation” complète de la Création qui atteindra sa plénitude lorsqu’aura lieu la séparation à nouveau du Tov et du Ra.

Le Netivot Chalom cite le Maharal qui définit la “Chlémout” comme le fait d’être entier avec son Créateur, entier avec ses prochains, entier avec soi-même. Etre entier avec soi-même signifie résoudre les conflits entre le “cerveau” (siège de la connaissance) et le “cœur” (siège des sentiments).

L’accomplissement de cette “Chlémout” est que l’Homme soit entier dans toutes les facettes citées ici.

Tant que la Création manque de “Chlémout”, les trois facettes de plénitude manquent de “Chlémout”.

Par son dévouement, Pin’has a amené une situation de “Chlémout” complète qui a “réparé” le Peuple d’Israël.

C’est pourquoi il a acquis cette dimension éternelle, et a ainsi accédé au statut de Cohen.

Le rôle du Cohen est de lier Israël à leur “Père Qui est dans les Cieux” (c’est-à-dire Qui est manifeste dans les dimensions spirituelles de la Création).

La finalité de la Création est la perception dans le Monde “qu’il n’y a rien en dehors de Hachem” ! Là réside le Chalom, et là se situe le manque dans le Monde qui semble fonctionner par lui-même.

Rav Bérézovski conclut que l’aboutissement de la Création dépend du Chalom.

Revenons à la question sur la “Sin’at ‘Hinam” qui est mentionnée comme étant la cause de la destruction du second Beth HaMikdach (Temple), et que Rav Avigdor Miller attribue exclusivement aux Tsedokim (voir le Dvar Torah sur Bein Hamétsarim ci-joint).

Considérons les explications de nos Maîtres sur le Chalom produit par Pin’has, et qui est l’objectif de la Création. Même si les générations qui ont précédé la destruction du Beth Hamikdach vivaient une dimension exceptionnelle d’unité et de grandeur dans l’amour de chaque Juif, le fait qu’aient pu exister à cette même époque des Tsedokim, renégats et malfaisants, manifeste un manque de “Chlémout” dans le Monde. Comme l’action de Pin’has a “réparé” l’ensemble de sa génération, une véritable plénitude des Juifs authentiques se serait étendue à l’ensemble du Monde, et aurait exclu toute exception.  C’est ce manque qui s’est concrétisé par la destruction et la Galout (Exil) dans laquelle nous sommes plongés. C’est ce même manque qui perdure comme en témoigne l’existence de “Tsedokim” modernes, et l’état général du Monde. Il appartient à chacun de nous de “faire le ménage” au sein de ses élans, afin de participer à la reconstruction du Bet HaMikdach collectif !

Souvenons-nous des paroles du Netivot Chalom (bien nommé …) qui souligne que la Avoda (Service de Hachem) en ces jours de Bein Hamétsarim consiste à être unis et “attachés” entre nous “ensemble”, ce qui amènera à être “collés” à Hachem et atteindre ainsi la réalisation de la Création et la venue du Machia’h !