Parasha – 07 HAYE SARAH 5782

La Paracha ‘Hayé Sarah commence avec l’annonce du décès de Sarah Iménou (notre Mère) (Beréchit 23,1-2), et nous présente plus tard Rivka Iménou, l’épouse de Its’hak Avinou, fille de Betouel, le neveu d’Avraham Avinou, ramenée de ‘Haran par Eliezer le serviteur et disciple d’Avraham Avinou (24, 15-28 ; 55-67).

Dans les Divré Torah des années 5780 et 5781 (disponibles par mail à kvlhm.ezr@gmail.com) nous avions étudié le “personnage” d’Eliezer, qu’Avraham Avinou avait investi de la mission considérable de rechercher la personne apte à construire aux côtés d’Its’hak l’avenir du futur Peuple de Hachem, et à travers cela l’Histoire complète du Monde.

Nous avons également soulevé certains aspects de la personnalité des Imaot (nos Mères). Il n’est pas d’actualité ici d’aborder les personnages des autres Imaot, épouses de Yaacov (Ra’hel, Léa), que nous découvrons dans la Paracha Vayétsé).

 Le propos ici est d’entrevoir, dans la limite de nos faibles moyens, la grandeur et la “complexité” de nos Imaot Sarah et Rivka. Sachons dépasser les clichés simplificateurs trop répandus, qui oscillent entre un portrait “réducteur” de simples “femmes au foyer”, et une image de l’épouse qui “mène la barque” et “tire les ficelles”.

Ces descriptions caricaturales opposées appartiennent au même monde “moderne”, imprégné des pseudo-valeurs du progressisme, et des revendications égalitaires. La démarche de Par’o dans l’asservissement des Bené Israël tenait déjà de ces “principes” de rupture des natures différentes de l’homme et de la femme, comme nos ‘Hakhamim l’ont expliqué dans le Midrach qu’il faisait accomplir des travaux masculins aux femmes, et des tâches féminines aux hommes.

Pour définir la notion de “Mère”, et en réalité aussi celle de “Père”, “Patriarche”, nous devons considérer le sens des mots en “Lachone Hakodèch” (la Langue “sainte”), qui, comme nous l’avons déjà mentionné dans nos Divré Torah, est La Langue dans laquelle Hachem a créé et défini le Monde et chacune de ses composantes.

Les termes en Lachone Hakodèch sont “Av” pour le père, et “Em” pour la mère.

Rav Chimchon Raphaël Hirsch explique (Beréchit 9,22 et autres endroits) que “èm” est lié à la racine “im” (si), terme de condition, ce qui indique que la fonction de “Em” (mère) est de prodiguer les conditions d’existence. Cela ne se borne pas, évidement, au domaine matériel. Hachem ne nous a pas mis sur terre uniquement pour manger, grandir, puis disparaître. La Torah nous enseigne que “Em”, la mère, constitue la base de tout le parcours de son enfant tout au long de sa vie.

“Av” (père) est lié à la racine “Ava” (vouloir). Sa fonction se situe au siège de la volonté : la sienne qui est tournée vers l’avenir de ses enfants, et celle de ses enfants qu’il doit forger et orienter.

Nous pouvons comprendre ainsi l’importance pour nous de nos “Avot”, Avraham Its’hak et Yaacov, et de nos Imaot, Sarah, Rivka, Ra’hel et Léa. La place des Avot et Imaot dans l’histoire de notre Peuple n’est pas d’ordre “accidentel”. Nos Avot et Imaot constituent les racines profondes desquelles tout notre avenir découle.

Les personnalités des Imaot doivent donc être étudiées dans cette perspective.

Rabbi Yerou’ham Levovitz souligne que la Torah est à l’origine de la Création, et non postérieure (Daat Torah, vol. II, p.221). Ce n’est pas parce que nous venons au monde “accidentellement” par le biais des parents que nous avons une Mitsva de “Kiboud Av vaEm” (honorer ses parents). C’est parce que Hachem a inscrit dans la Torah, qui constitue le but et plan de la Création, la Mitsva de Kiboud Av vaEm qu’Il a créé le monde sous cette forme.

Nous pouvons comprendre pareillement que le rôle des parents n’est donc pas d’ordre “accidentel”, mais fondamental à la Création. Il importe donc particulièrement de percevoir autant qu’il nous est accessible le rôle des Imaot, et leur prolongement chez chacune des “mamans juives”.

Dans notre étude, nous sommes confrontés à des éléments apparemment opposés. D’un côté la Torah nous vante la Tsniout (la discrétion, plutôt que pudeur qui est fréquemment utilisé pour traduire “Tsniout) des Imaot, valeur par excellence de la “femme juive”. D’autre part, nous voyons que les Imaot ont un rôle “actif” important dans l’orientation du Peuple Juif.

Si Sarah Iménou “s’efface” devant Avraham, jusqu’à sembler n’être qu’un personnage secondaire de leur maisonnée, c’est pourtant elle qui persuadera Avraham de prendre comme seconde épouse sa servante Hagar, fille de Par’o, afin lui assurer une descendance (Paracha Lekh Lekha). Puis, Hagar s’étant ensuite “senti pousser des ailes” suite à cette “promotion”, Sarah Iménou lui rappellera fermement qu’elle est sous son autorité, ce qui provoquera alors sa fuite. Enfin, après la naissance d’Its’hak, Sarah constatera que le fils de Hagar n’est pas “à la hauteur” de l’atmosphère de la maison d’Avraham.

La Torah exprime cela par l’utilisation du terme de “metsa’hèk”, “riant”, Yichmaël se jouait des valeurs de son foyer, ce que Rachi interprète en termes graves d’idolâtrie, d’immoralité, et de meurtre.

…N’allons pas imaginer des comportements aussi grossièrement en rupture avec le ‘Hinoukh (formation, et non éducation, comme nous l’avons déjà souligné à maintes reprises) d’Avraham chez son fils, fût-il issu de Hagar…

Et même si la Torah dit que Hagar était retournée vers les errances de son peuple d’origine, l’Egypte, elle était loin de ressembler réellement à ses racines !

La Torah nous dit plus loin qu’Avraham la rappela plus tard à ses côtés.

La Torah exprime toujours les faits et les travers des personnages de notre passé à “gros traits” dans le but de nous faire percevoir la subtilité des nuances que nous serions sans cela incapables d’appréhender si peu que ce soit.

Ainsi, Yichmaël n’est pas digne du comportement des descendants d’Avraham Avinou.

Les comportements d’Yichmaël font apparaitre des “fissures” infinitésimales qui attirent l’attention de Sarah sur son incompatibilité fondamentale avec l’avenir du Peuple de Hachem.

Rivka Iménou est une personne d’une Tsniout exceptionnelle, comme lorsqu’elle rencontra Its’hak pour la première fois. Cependant, inspirée par le Roua’h Hakodèch (inspiration Divine d’un niveau juste inférieur à la Nevoua-Prophétie), c’est Rivka qui orientera les évènements vers l’attribution des Berakhot de Its’hak à Yaacov, excluant Essav auquel Its’hak destinait initialement ces Berakhot. (L’approche de Its’hak relativement aux Berakhot et à ses fils a été abordée dans nos Divré Torah sur la Paracha Toldot des années passées. Ils sont disponibles par demande à kvlhm.ezr@gmail.com).

Toutes deux (Sarah et Rivka) ont œuvré dans la discrétion pour garantir les conditions de l’avenir du Peuple de Hachem.

Essayons de découvrir une partie des éléments constitutifs de leur dimension.

Le premier verset de la Paracha ‘Hayé Sarah dit : ” la vie de Sarah fut de cent ans et vingt ans, et sept ans, les années de la vie de Sarah”. Rachi rapporte l’explication de nos ‘Hakhamim, que toutes ses années étaient égales en bien.

Il ne s’agit bien sûr pas d’un bien matériel dans le confort, car sa vie a été accompagnée de difficultés sans nombre. Il n’est question ici que de ce qui compte réellement, la vie intérieure de Sarah Iménou. Et le verset ne vient pas nous dire qu’elle était restée pareille à elle-même tout au long de sa vie, car une telle inertie n’aurait rien eu de positif. En vérité, sa vie suivait une progression constante, où chaque instant était exploité au mieux.

Dans le verset (24, 67) qui décrit le début de la vie commune d’Its’hak et Rivka : “Its’hak l’amena à la tente de Sarah sa mère …”, Rachi rapporte le Midrach que Rivka était “à l’image” de Sarah Iménou. Les trois Nissim (miracles) caractéristiques de Sarah, la lumière qui brûlait d’un Chabat à l’autre, la Berakha dans la pâte (qui nourrissait au-delà de la quantité), et la “nuée” de Kedoucha qui couronnait sa tente se sont reproduits chez Rivka. Nos commentateurs (Alchikh, Chakh, Beèr Moché, entre autres…) relient tous ces Nissim aux Mitsvot spécifiques de la femme, les lumières de Chabat, la ‘Hallah, et les règles de Nida. Ces Mitsvot viennent “réparer” la faute de ‘Hava qui avait “abimé” Adam Harichone, lumière du Monde, ‘Hallah (Prémices) du Monde, “sang” (Vie) du Monde. Ce n’est que par la perfection à laquelle les Imaot ont atteint dans leur fonction de “Em” préalablement à la naissance de leurs fils, Its’hak puis Yaacov, qu’elles ont mérité leur place dans notre cœur et dans notre histoire, l’Histoire du Monde.

Notons que le Minhag (coutume) de la ‘Hina (le Henné) pratiquée par une partie de nos communautés constitue une référence à ces Mitsvot : ‘Hallah, Nida, Hadlaka (allumage).

Dans notre perception de l’existence, l’inégalité entre les Hommes et les femmes n’a pas de place. Nous n’avons pas besoin de prôner une “égalité” (identité) absurde entre les genres pour combattre l’exploitation de l’une par l’un. L'”équivalence” seule a sa place, dans la conscience de la complémentarité des rôles dans la construction des générations à venir.

Sachons entreprendre, avec prudence, l’étude des qualités de nos Avot (Patriarches) et Imaot (Mères), afin de nous rapprocher de leurs qualités.

Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
Tel  France : 01 77 47 24 71   Israel : 05 33 12 24 36