Parasha – 05 LEKH LEKHA 5782

La Paracha Lèkh Lekha amorce l’histoire du Peuple de Hachem avec le récit du démarrage du parcours d’Avraham Avinou (notre Père), qui est la racine de notre lien privilégié avec Hachem.
Nous sommes toujours très émus en parlant de nos Avot (Ancêtres) Avraham, Its’hak et Yaacov, presqu’autant qu’en mentionnant le grand-père “Rabbin” que chacun de nous ne manque pas de retrouver dans son ascendance même s’il ne vit pas “exactement” comme cet ancêtre prestigieux !
Mais pouvons-nous nous contenter de ce genre de “sentimentalisme” alors que nous abordons l’étude de ces Parachiot et nous suffire d’admirer la grandeur des Avot et vouloir garder ce privilège comme un joker que nous pouvons “brandir” face à Hachem à Roch Hachana et Yom Kippour prochains, ou même avant, “en cas de” soucis pressants au cours de l’année ?!
La Première Berakha du “Chmoné Esré” (la Tefila que nous récitons debout chaque jour matin, après midi et soir) est appelée “Avot” car elle se réfère aux Avot, en désignant Hachem comme Le Dieu de nos Ancêtres, Le Dieu d’Avraham, Le Dieu de Its’hak et Le Dieu de Yaacov.
L’emploi de cette référence aux Avot ne relève pas d’une simple “figure de style”, mais elle définit la racine de notre lien et de notre accès au contact avec Hachem.
Si Hachem accepte et même souhaite d’emblée, comme nous l’enseigne la Torah, que l’Homme ouvre un contact direct avec Lui, pourquoi alors est-il nécessaire d’avoir des références pour “ouvrir les portes” ?!
De plus, Avraham n’était pas le premier Tsadik sur Terre !
Pourquoi Adam Harichone, Noa’h, et tant d’autres grands Tsadikim antérieurs que la Torah nous mentionne dans les deux Parachiot précédentes ne peuvent pas constituer cette référence pour nous ?!
La Michna (Avot 5,3) nous enseigne : “…à dix épreuves fut soumis Avraham Avinou …”, et Rav ‘Haïm MiVolozin explique dans son commentaire Roua’h ‘Haïm que Avraham est qualifié dans cette Michna du titre de “Avinou” (notre Père), car ces épreuves étaient destinées à nous forger, nous, ses descendants !
La Michna insiste particulièrement sur la “fonction” de “Père”, non seulement pour s’y référer a postériori, et s’en enorgueillir, mais savoir que lorsqu’ Avraham a été soumis à ces épreuves, c’était déjà notre “intérêt” que Hachem visait !
Rav ‘Haïm MiVolozin explique que les “acquis” de ces épreuves se sont enracinés dans ses descendants comme des “caractères spirituels acquis, transmissibles”.
Lorsque Hachem annonce à Avraham la destruction des villes de Sedom et Amora (Beréchit 18,17-19), Il définit la dimension essentielle d’Avraham en la liant à son “rôle” de “Père”. Hachem “justifie” Sa décision d’informer Avraham de cette décision (comme si Hachem devait rendre compte de Ses actions à un être humain …) en disant : “Cacherai-je à Avraham ce que Je fais ?! …. Car Je l’aime du fait qu’il ordonnera à ses fils et à sa maison après lui, qu’ils gardent le chemin de Hachem pour faire équité et justice …”.
Ces versets montrent qu’au-delà de tous les mérites personnels d’Avraham tout au long de sa vie, et de tous ceux que lui et Sarah ont approchés vers Hachem (Rachi 12,5), c’est la construction de sa descendance qui constitue sa véritable grandeur aux yeux de Hachem.
Rav Eliezer RISSMAK Yechiva OHALE YAACOV Tel France : 01 77 47 24 71 Israel : 05 33 12 24 36
Plus loin dans la Paracha (15, 2-4), lorsqu’Avraham exprime devant Hachem sa douleur profonde de ne pas avoir de “successeur” dans sa mission, Hachem lui promet la naissance d’un fils.
Puis dans la révélation qualifiée de “Brit Ben Habetarim” (l'”Alliance entre les morceaux”) (Hachem ordonne à Avraham de préparer un “couloir” entre les parties d’animaux d’offrande pour que la manifestation Divine y passe, en signe de conclusion d’alliance avec Avraham), Hachem annonce à Avraham (15,13-21) toute la suite des évènements qui accompagneront sa descendance tout au long de l’Histoire, jusqu’à la Gueoula (la Délivrance ultime).
Là encore, nous voyons la position centrale de l’avenir dans la Avoda (Service de Hachem) d’Avraham.
Ce lien entre les Avot, et particulièrement Avraham Avinou, et leurs descendants, se manifeste encore dans les évènements courants de leur existence.
Lorsqu’Avraham vient en Erets Kenaan sur l’ordre de Hachem, le verset dit : “Avraham pénétra dans le pays, jusqu’à l’endroit de Chekhèm, jusqu’à la plaine de Moréh … (12, 6)”.
Rachi explique que ces endroits désignés se réfèrent à des évènements à venir concernant les Bené Israël dans le futur.
Chekhèm est l’endroit où Chimon et Lévi combattront pour sauver leur soeur Dina, enlevée par le prince de cette ville. Avraham prie dès à présent pour eux.
La plaine de Moréh, qui est Chekhèm elle-même, fait allusion aux deux montagnes Guerizim et Eival où les Bené Israël accepteront l’engagement de la Torah sous forme de serment dès l’entrée en Erets Israël.
Nos ‘Hakhamim nous enseignent dans le Midrach (Tan’houma, Lèkh Lekha 9) que tout ce qui est arrivé aux Avot est un signe pour leurs fils. Le Ramban (Beréchit 12,6) développe cette notion et explique que les faits ont valeur de Nevoua (prophétie).
Toutefois sous cet aspect, le lien semblerait extérieur à l’effort des Avot, et essentiellement dicté par Hachem.
Rav Ye’hézkel Sarna (Daliot Ye’hézkel, I, p.121 et 136) cite ces paroles du Ramban et souligne que plus d’un fait parmi ceux qui répondent à cette définition se rapporte à des évènements antérieurs à la révélation de la Torah transmise par Moché Rabénou. Aussi, il est impossible de dire que ce fait concernant l’un des Avot est venu pour nous informer de l’avenir des Bené Israël, puisque l’avenir en question appartenait déjà au passé au moment où Moché Rabénou nous rapporte l’évènement concernant cet Ancêtre.
Rav Sarna rapporte un autre extrait du commentaire du Ramban, à la jointure entre le Séfer Beréchit et le Séfer Chemot. Le Ramban y explique que le Séfer Beréchit est celui de la formation du Monde, que ce soit au niveau de la Création elle-même, ou au niveau des évènements des Avot qui sont comme une sorte de “formation” pour l’avenir de leurs descendants.
Le Ramban continue en expliquant que le Séfer Chemot est celui de la première Galout (exil) en Egypte, annoncée à Avraham lors du Brit Ben Habetarim. Cette Galout ne s’achève pas dès la Sortie d’Egypte, mais uniquement après Matane Torah (le Don de la Torah), et la confection du Michkan (le Tabernacle) où Hachem restaura aux Bené Israël le niveau de leurs Pères qui étaient le “Véhicule” de la Présence de Hachem sur Terre.
Rav Sarna conclut de là que les actes des Avot ne sont donc pas simplement une “préfiguration” de notre Histoire. Ils en sont en réalité la racine, et tout le reste des péripéties de notre histoire ne sont que le développement des faits et gestes des Avot.
Avraham n’a donc pas vécu une existence de simple individu, mais a affronté chaque moment de sa vie “à notre titre”.
Rav Sarna explique que la démarche de nos Avot se définissait comme une démarche de “Av”(Père) et pas seulement de représentant immédiat de la Présence Divine sur Terre. Hachem se montre à nous comme “Père”, préoccupé du bien de Ses “enfants” au-delà de toute limite, comme en témoignent les versets (Devarim 14,1) : “…vous êtes les fils de Hachem votre Dieu” et (Devarim 32, 6) : “…n’est-Il pas ton “Père” … “. Cette manifestation de Hachem comme “Av” crée l’obligation pour chacun de vivre comme “Av” dans le cadre de la Mitsva de se rendre aussi conforme que possible à “l’image et la forme” que Hachem a attribuées à l’Homme dans la Création (Beréchit 1,26).
La Michna (Avot, 6,11) qui définit Avraham comme une des “acquisitions” de Hachem au même titre que “les Cieux et la Terre”, nous enseigne par-là que le but de la Création, à savoir que la Présence Divine soit manifeste dans le Monde, se réalise aussi puissamment à travers l’existence d’un individu seul comme Avraham que par les merveilles grandioses de la Création. La vie entière des Avot est un “Kidouch Hachem” (révélation de la Présence Divine dans le Monde) permanent. C’est ce qui définit les Avot comme “Merkava” (le “Véhicule de la Présence de Hachem dans la Création).
Sous cet angle, les épreuves vécues par les Avot, et Avraham Avinou en particulier, prennent une autre dimension.
Ce n’est pas qu’Avraham a “héroïquement” surmonté des épreuves “fortuites”, gagnant de ce fait des acquis “accidentels” pour ses descendants. En vérité, ces épreuves constituaient les éléments fondamentaux du “Kidouch Hachem”.
Et, de même que Hachem n’a pas envoyé la moindre épreuve à Avraham sans avoir à travers cela pour objectif de former ses descendants, ainsi Avraham Avinou lui-même a sciemment affronté chaque instant de sa vie comme “Av”, en étant parfaitement conscient qu’il façonnait l’avenir entier de la Création.
Nos ‘Hakhamim nous dictent d’aspirer à atteindre le niveau des actes des Avot (Tana Devé Eliahou, chap 26).
La Torah nous enseigne ici la manière dont nous devons considérer chaque instant de notre existence. Nous devons, nous aussi, développer notre conscience de “Avot” face aux générations à venir. Dans chacun de nos actes, nous devons associer l’avenir de nos descendants.

Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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