Au seuil de ce nouveau Tich’a BeAv, nous pouvons encore espérer qu’il se transforme de jour de deuil en allégresse, avec la fin de cette Galout « interminable » où nous sommes plongés...
Nos ‘Hakhamim (Guemara Youma 9b) nous ont transmis que la destruction du premier Beth Hamikdach (Temple) était due aux trois fautes les plus graves (l’idolâtrie, le meurtre et l’immoralité), tandis que le second nous a été retiré du fait de la « Sin’at ‘hinam » (Haine gratuite).
Il ne s’agit pas, évidemment, de considérer avec condescendance nos ancêtres, du haut de nos « hautes qualités », en nous croyant épargnés par ces « vilains défauts » !
La vérité est toute autre !
Les fautes citées relativement au premier Beth HaMikdach étaient le fait d’une minorité. Elles ne sont imputées à la collectivité qu’en raison de la « solidarité » fondamentale inhérente à notre Peuple, comme l’exprime le début de la Paracha Nitsavim (Devarim 29, 9-28).
Un épisode du Livre de Yehochoua (7) relate qu’un seul homme, ‘Akhan, fauta en s’emparant d’une part du butin lors de la prise de la ville de Yeri’ho qui avait été interdit. Et Hachem dit alors à Yehochoua : « Israël a fauté ! ». La faute d’un seul individu engage la responsabilité de tout le Peuple d’Israël !
De même, la « Sin’at hinam » qui causa la perte de notre second Beth HaMikdach ne s’est pas produite dans une atmosphère de « coupe-gorge » qui aurait régné dans la société de l’époque. La principale « haine gratuite » qui s’exprimait à cette période était celle des Tsedokim (les Saducéens) qui rejetaient la Torah et haïssaient les ‘Hakhamim, comme le développe abondamment Rav Avigdor Miller dans son analyse historique Am Segoula (Vol. II, III).
La plus grande unité régnait entre les ‘Hakhamim de l’époque et l’immense majorité de la population qui leur était dévouée. La Michna (Yevamot Yevamot 13b) souligne certaines divergences importantes sur certaines règles de la Torah entre les deux « écoles » de Hillel et Chamaï. Et la Michna ajoute que malgré ces différences, certaines fois importantes dans l’application de la Halakha (règles de comportement selon la Torah), ils n’avaient aucune réticence à partager les circonstances du quotidien, sachant qu’ils s’informaient sans réserve des problèmes que pouvaient receler certaines situations selon leurs opinions respectives.
Un exemple marquant récent de l’unité profonde entre nos ‘Hakhamim est donné par l’épisode suivant (cité par Rav Tourk, Otsrotéhèm amalé, Bamidbar, p.347). Dans les premières années de l’établissement de la Medina, deux Grands de la Torah se retrouvèrent ensemble dans un avion qui voyageait de New York vers Erets Israël. Rav Aharon Kotler venait encourager la participation aux élections des fidèles à la Torah, afin de défendre les droits de la Torah dans son bastion, face aux attaques inlassables de ceux qui prônaient un pays laïc « comme les autres« (pour reprendre les termes de Ben Gourion : « un pays avec ses voleurs, ses assassins, et ses prostituées…). Quant au Rabbi Yoël Teitelbaum de Satmar, il venait pour renforcer le camp de l’opposition catégorique à toute association avec un pouvoir détenu par les ennemis de la Torah. Tous deux passèrent le temps du voyage à deviser intensément de Torah, chacun connaissait par ailleurs le but du voyage de son compagnon. Telles sont les « divergences » de Halakha (l’application de la Torah au quotidien) de nos Grands !
Toutefois, nous devons comprendre que, comme dans le cas de ‘Akhan cité ci-dessus, le manque chez une partie de notre Peuple manifeste un défaut de « défenses naturelles » dans l’ensemble de « l’organisme » collectif. Cette faiblesse de notre « système immunitaire » spirituel a abouti à la perte du Beth HaMikdach et à la Galout (Exil). Ce manque quasi-imperceptible à l’origine n’a fait que s’amplifier au fil des siècles, et se manifeste tragiquement au niveau de ceux qui n’ont pas la grandeur de nos ‘Hakhamim. Cela va des incompréhensions dues aux sensibilités différentes sur le mode de vie, jusqu’à la mise en valeur excessive des différences minimes dans l’accomplissement des Mitsvot, et des minhaguim !
Rav Betsalel Rakow, zatsal, explique le verset (Devarim 14,1) : « Vous êtes les fils de Hachem votre Dieu ! Ne vous tailladez pas … pour un mort ! » que nos ‘Hakhamim (cité par Rachi) expliquent ainsi : « ne vous fragmentez pas en groupuscules ! » (Voir notre Dvar Torah Reéh 5779). Cette recommandation vient nous rappeler l’unité profonde des « enfants de Hachem » qui sont dépendants entre eux comme les membres d’un organisme. De l’intégrité de notre « système immunitaire » et de la convergence de son action dépend notre « santé » spirituelle.
Après l’épreuve de la solitude imposée par les mesures sanitaires variées, appliquons-nous à réparer nos faiblesses profondes. Resserrons nos liens avec nos ‘Hakhamim, exemples d’abnégation et de disponibilité aux besoins de chacun. Et même si parfois le bas de notre visage est (tristement !) masqué, faisons en sorte que nos yeux sourient, accomplissant ainsi la recommandation de Chamaï (perçu comme le « champion » de la « sévérité » …) dans Pirké Avot (1,15) : » …et fais face à chacun avec un visage accueillant ! »
C’est ainsi que nous pourrons espérer voir enfin Tich’a BeAv devenir un jour de bonheur !
Rav Eliezer RISSMAK Yechiva OHALE YAACOV
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