Le peuple juif, une belle minorité
Le Gaon Rabbi ‘Haïm de Brisk zatsal rencontra un jour l’un de ses élèves qui avait dévié du droit chemin, et lui demanda : « Qu’est-ce qui t’a incité à dévier du droit chemin ?»
L’élève répondit : « On m’a toujours enseigné à la yéchiva que toute la vie consiste à servir le Créateur, et que tout le reste est dénué d’importance. Mais lorsque j’ai découvert le monde, j’ai remarqué qu’il y avait une grande partie des gens qui n’y croyaient pas, et je me suis dit que la majorité du monde se trompe, et que nous seuls avons raison… »
Le Gaon reprit : « La majorité des hommes que tu as rencontré sont intelligents ?» Et l’homme de répondre : « Non.» Il poursuivit son interrogation : «La majorité est-elle riche ? » À nouveau, l’homme répondit : «Non. » Et le Gaon poursuivit : « La majorité des hommes est-elle en bonne santé, sans souffrir d’aucune maladie ?» Une fois de plus, l’homme répondit : «Non.»
Le Gaon déclara alors : « Dans ce cas, d’où provient ton admiration ? Pour un monde d’idiots, de pauvres et de malades ?»
Le Gaon de Brisk prouva à son élève qu’il ne convient pas d’être entraîné par la nature de l’homme en estimant que ce que l’on voit chez la majorité est approprié. En effet, souvent les choses positives se retrouvent plutôt chez une minorité. De ce fait, on ne doit pas considérer comme un désavantage le fait d’être une minorité face à la majorité du monde, au contraire, il faut en être fier, comme il est dit à propos du peuple juif, dans un sens élogieux (Dévarim 7,7) : « Car vous êtes le moins nombreux. »
À ce sujet, on connaît plusieurs histoires sur le Gaon Rabbi Yehonothan Eibeshitz zatsal, Rav de Prague, qui était connu, grâce à sa sagesse, pour faire taire les accusateurs des Juifs. Il est l’auteur de plusieurs réponses à ce sujet :
Un jour, un prêtre posa une question au Rav Yehonathan : « Dans votre Torah, il est écrit (Chémot 23,2) : » et n’opine point, sur un litige, dans le sens de la majorité, pour faire fléchir le droit »: dans ce cas, pourquoi ne suivez-vous pas notre voie ?»
Le Gaon lui répondit : « Sortons dehors. » Il l’emmena dans un lieu où se trouvaient des animaux et des bêtes sauvages, et le Gaon se mit à marcher à quatre pattes comme eux. Le prêtre lui demanda : «Que fais-tu ?» Le Gaon répondit : « Les animaux et bêtes sauvages constituent la majorité des créations du monde, et je remarque qu’elles marchent à quatre pattes, dans ce cas, si je suis ton raisonnement, nous devons les imiter. »
Le Gaon poursuivit : « Lorsque la Torah nous demande de suivre la majorité, l’idée est de suivre ceux qui suivent le droit chemin, et non ceux qui transgressent les Mitsvot de la Torah, à propos desquels il est dit dans le même verset : « Ne suis point la multitude pour mal faire. »»
On raconte également que lorsque Rabbi Yéhonathan était enfant, il fut convoqué chez l’empereur qui voulait s’amuser avec un enfant juif dont l’intelligence était reconnue. L’empereur l’interrogea : « Pourquoi ne suivez-vous pas la majorité en termes de religion et de croyance, alors que vous êtes d’accord avec l’idée que l’on doit suivre l’avis de la majorité? » À cette question, l’enfant se tourna vers les ministres du roi et leur demanda : « Où est l’empereur ?» L’empereur demanda à ses ministres : « Est-ce l’enfant intelligent qui me cherche alors que je me trouve devant lui ?!»
L’enfant répondit alors à l’empereur : « Écoutez avec vos oreilles ce que dit votre bouche : lorsqu’on voit l’empereur, on ne le cherche pas. Même si la majorité des ministres me répond que l’empereur n’est pas là, je ne tiendrai pas compte de leurs propos, car je n’ai aucun doute face à la réalité, et la majorité se prononce sur un doute, mais pas sur un fait établi. De la même façon, le Roi des rois s’est révélé à nous lorsqu’Il nous a donné la Torah au mont Sinaï, et nous continuons à percevoir Sa présence dans le monde prodigieux, sans le moindre doute. »
Une autre fois, un prêtre demanda à Rabbi Yehonathan pourquoi les Juifs ne suivaient pas les chrétiens, qui constituent la majorité. Il lui répondit : « Nous avons reçu la Torah au mont Sinaï en présence de tout le peuple juif, mais vous, les chrétiens, vivez sur la foi en un homme qui vous a apporté une nouvelle « Torah », et un seul homme peut induire en erreur la majorité, même lorsque de nombreuses personnes y croient, il s’agit toujours de l’avis d’une seule personne. »
Le prêtre répondit : « Est-il possible qu’un homme entraîne avec lui une multitude sans qu’il y ait une vérité dans sa théorie ? » Le Gaon répondit : « Ce n’est pas impossible du tout.» Le prêtre était sceptique, et demanda au Gaon une preuve.
Le Gaon répondit : «Partons tous deux au marché, et tu imiteras chacun de mes gestes. » Les deux hommes partirent au marché, et le Gaon leva les yeux au Ciel, et répéta plusieurs fois à voix haute : « Il est extraordinaire de voir les anges voler ici. » Le prêtre leva les yeux et fit semblant de voir les anges. Rapidement, un groupe important se forma autour d’eux, et chaque personne prétendit observer des anges qui volent. Personne dans le groupe n’osa dire qu’il ne voyait rien, et tout le monde décrivit les anges qu’ils voyaient voler dans leur imagination… Ainsi, le prêtre fut contraint d’admettre que le Gaon avait raison.
On raconte également une anecdote au sujet du Rabbi et auteur du Yitav Lev de Siguet zatsal : un jour qu’il était en réunion pour débattre d’une question, le notable de la ville donna son avis, et aussitôt, un autre homme affirma : « Je suis également de cet avis», et d’autres personnes suivirent en déclarant : « Moi aussi. » Le Rabbi se prononça alors : « On suit la majorité lorsque chacun considère le sujet selon sa perspective propre, mais lorsque tout le monde affirme de suite : « moi aussi », c’est le signe qu’ils n’ont pas réfléchi par eux-mêmes, mais donnent leur avis par flatterie. Le prophète dit à ce sujet (Iyov 15,34) : « Car la bande des pervers est condamnée à la stérilité », il s’agit uniquement de l’avis d’une personne.»
Les ouvrages sacrés indiquent également que l’opinion des juges qui ont accepté des pots-de-vin ne pourra pas renforcer la majorité, de même, l’opinion de la majorité des nations du monde au sujet de la Émouna notamment, n’est pas considérée comme une majorité, car ils sont plongés dans les désirs corporels, et cela les corrompt et les incite à trouver des avis hérétiques qui leur permettent d’assouvir leur passion sans limites.
Il est indispensable à notre époque et pour tout un chacun, de réfléchir aux idées mentionnées ici, afin d’éviter d’être entraîné par le flot de diverses théories inventées par des hommes. On réfléchira sur notre véritable intérêt et on suivra avec courage la voie de la Torah qui contribue à une belle vie et à l’éternité.
Nous apprenons ce principe de nos ancêtres qui ont quitté l’Égypte. Le Midrach indique que dès le début des 10 plaies, l’asservissement des Juifs cessa, et à ce moment-là, 98 pourcent des Juifs décidèrent qu’ils voulaient rester en Égypte, pour se conduire comme la majorité des hommes entraînés par leurs désirs. Ils ne voulaient pas quitter le pays pour recevoir la Torah. En conséquence, ils moururent pendant la plaie de l’obscurité. Seuls 1/5ème des Bné Israël eurent le mérite de quitter l’Égypte, nos ancêtres qui comprirent l’intérêt de suivre la Torah, alors même que pour chacun d’eux, 49 hommes s’opposaient à lui et se moquaient de lui.
Ainsi, nous pouvons interpréter ce passage de la Hagada : « À chaque époque, l’homme est tenu de considérer» : l’homme doit ne regarder que lui et comprendre son intérêt, sans tenir compte de l’avis de la majorité, « comme s’il était sorti d’Égypte» : à l’instar de son ancêtre qui eut le privilège de sortir d’Égypte pour n’avoir pas été attiré par le flot de la majorité.
Chabbath Chalom et Pessa’h Cache